Publié par Michel Gurfinkiel le 8 décembre 2020

Qui l’emportera au sein de la future administration démocrate ? L’avenir semble appartenir aux anti-israéliens.

70 % des Israéliens auraient voté pour Donald Trump, s’ils avaient pu participer au scrutin du 3 novembre. 70 % des Juifs américains ont voté pour Joe Biden. Pour les Israéliens, Trump a été le président le plus pro-israélien de l’histoire américaine, celui qui a toujours épousé la cause de l’Etat juif – et qui, plus encore, a démontré qu’une telle attitude, loin de susciter le désespoir ou la colère des Arabes, comme on le disait jusque là, incitait nombre d’entre eux à conclure avec Jérusalem une paix totale doublée d’une alliance. Pour les deux tiers des Juifs américains, au contraire, le pro-israélisme de Trump n’entrait pas en considération.

Il y a une corrélation exacte entre l’affiliation religieuse des Juifs américains et leur vote. 80 % des Juifs réformés (qui eux-mêmes représentent plus de la moitié du judaïsme américain) ont voté Biden, tandis que 70 % des orthodoxes (un quart de la communauté) ont voté Trump. Quant au courant dit « conservative », situé au centre en matière religieuse, il a voté Biden à 57 % et Trump à 32 %. Plus un Juif américain est traditionaliste, endogame et « ethnique », plus il vote à droite. Plus il est libéral, exogame et « universaliste », plus il vote à gauche.

Mais le « découplement » entre le vote juif démocrate et le soutien à Israël implique aussi, mathématiquement, que le Parti Démocrate sera moins
enclin que par le passé à se soucier de ses cadres, donateurs et électeurs juifs quand il traitera des questions d’Israël et du Moyen-Orient, et au contraire plus enclin à écouter son aile gauche, acquise à la cause palestienne et à une « détente » avec les pays islamiques extrémistes.

Que faut-il donc attendre d’une administration Biden ? Le président élu, 78 ans, appartient à une génération de politiciens démocrates qui soutenait Israël a priori. Cela ne l’a pas empêché, quand il était le vice-président de Barack Obama, de 2009 à 2017, de se faire le porte-parole d’une ligne
beaucoup moins favorable. La vice-présidente élue, Kamala Harris, plus
jeune de vingt ans et mariée à un juif, passe pour relativement pro-israélienne dans le contexte démocrate actuel. Elle n’en a pas moins choisi Karine Jean-Pierre, 43 ans, une israélophobe déclarée, pour directrice de cabinet pendant la campagne présidentielle. Elle a également laissé entendre que la future administration allait renouer avec les Palestiniens et peut-être avec l’Iran.

D’autres acteurs seront non moins importants, notamment si l’âge ou la santé contraignent le président à partager son autorité : le Secrétaire d’Etat (ministre des Affaires étrangères), le Secrétaire à la Défense et le président du Conseil national de sécurité – , ainsi que les nombreux « assistants » et « conseillers » dont ces derniers vont s’entourer. Des noms ont été avancés, mais ils devront être confirmés : en attendant la désignation proprement dite, qui devra être ratifiée par le Sénat en 2021.

Pour le secrétariat d’Etat, Biden a choisi Antony Blinken, 58 ans, qui avait
été son conseiller à la vice-présidence pour les affaires internationales, avant de rejoindre, de 2013 à 2017, le Conseil de sécurité d’Obama. Blinken est d’origine juive, et sa mère s’était remariée avec le célèbre avocat juif français Samuel Pisar. Il a lui-même épousé une catholique dans une cérémonie bireligieuse célébrée dans une église de Washington.

« Ami d’Israël », Blinken se prononce pour la création d’un Etat palestinien selon la formule « deux peuples, deux Etats ». Il approuve les « accords d’Abraham » entre Israël et trois pays arabes, et considère, à la différence de nombreux autres Démocrates, qu’on ne saurait lier la coopération américano-israélienne à d’éventuels progrès dans le « processus de paix » israélo-palestinien. Cela lui a valu les critiques acerbes de Rashida Tlaib, une personnalité importante, d’origine palestinienne, de l’ultra-gauche démocrate. D’autres dirigeants de la même tendance lui ont cependant apporté leur soutien.

Le Pentagone pourrait revenir à Michèle Flournoy, 60 ans, qui a été, de
2009 à 2012, la première femme exerçant la fonction de sous-secrétaire à la
Défense aux Etats-Unis. Elle passe pour être un expert stratégique et militaire de premier plan ; mais on lui a reproché d’avoir soutenu en 2011 une intervention en Libye qui s’est soldée par près de dix ans de chaos dans ce pays. Tenue pour pro-israélienne, elle notait voici quelques mois que d’éventuelles « annexions » en Judée-Samarie susciteraient une « crise dans les relations israélo-américaines », et que celle-ci serait « désastreuse pour les intérêts nationaux américains ».

A la tête du Conseil national de sécurité, Biden pourrait nommer Jake Sullivan, 43 ans. S’il passe pour pro-israélien, ce dernier a été un des négociateurs de l’accord international de 2015 sur le nucléaire iranien ; bien naturellement, il a déploré que l’administration Trump s’en soit retiré en 2017. Il a également critiqué le transfert de l’ambassade américaine à Jérusalem.

Beaucoup plus dérangeante, la nomination d’Avril Haines, 51 ans, au poste de Directeur national du Renseignement, l’ensemble des services secrets américains. Cette juriste, d’origine juive par sa mère, conseillère personnelle d’Obama de 2015 à 2017, est en effet violemment hostile à Israël. Certains observateurs n’hésitent pas à regarder son arrivée comme un « cataclysme », compte tenu du rôle essentiel que la coopération entre services secrets a toujours joué dans les relations israélo-américaines.

Non moins inquiétante serait la désignation de Karine Jean-Pierre, mentionnée plus haut, au poste de porte-parole de la Maison-Blanche. Ou celle de Reema Dodin, 40 ans, à celui de chargée de relations avec le Congrès : d’origine arabe palestinienne (sa famille a des racines à Dura, au sud de Hevron) cette dernière s’est faite remarquer dans sa jeunesse pour avoir justifié les attentats-suicide contre Israël.

Il est probable, si l’on en juge par ces noms, que l’administration Biden
reste globalement fidèle à Israël. Mais il n’est pas impossible que ce soit la
dernière administration démocrate dans ce cas.

Historien et spécialiste des questions géopolitiques, Michel Gurfinkiel est Ginsberg-Ingerman Fellow au Middle East Forum.

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Michel Gurfinkiel .

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