La France est en guerre. Pas seulement contre les terroristes. Pas seulement contre les virus. Pas seulement contre les discours de haine. Non : au-delà de ces âpres croisades pour un Monde D’Après Plus Duveteux et Plus Nouveau, depuis 2012, la France est aussi en guerre contre le gaspillage.
Ah, le gaspillage ! Quel combat ! Que dis-je, quel sacerdoce !
Car là où l’écologie entend diminuer notre empreinte (carbone, visuelle, atmosphérique, énergétique, j’en passe) jusqu’à garantir notre parfaite neutralité, la lutte contre le gaspillage entend de surcroît s’assurer qu’aucun geste ne sera superflu, qu’aucune production ne sera perdue, qu’il n’y aura aucune perte et que rien ne sera laissé au hasard.
Concrètement, cela se traduit par une nouvelle petite loi (digeste en seulement 130 articles rondement menés !) dont la récente promulgation entraîne – entre autres – le changement de plein de petits affichages colorés sur les appareils électro-ménagers ou les bidules électroniques qui entourent notre vie quotidienne : comme l’impose cette loi indispensable, ces derniers devront maintenant intégrer un « indice de réparabilité ».
Youpi.
Comme souvent, l’idée part d’une de ces bonnes intentions dont l’enfer est pavé avec minutie par nos législateurs déchaînés : certains appareils ne permettent pas une maintenance aisée et une panne, souvent triviale, se traduit parfois par un coût de réparation supérieur au prix de l’objet neuf.
L’idée consiste donc à obliger les fabricants, qui sont un peu idiots sur les bords de n’y avoir pas pensé par eux-mêmes, à rendre leurs produits plus simples à démonter et à maintenir. Ce qui est d’autant plus facile à faire que ça ne remet en cause aucune chaîne de production et aucune étude des coûts et donc des bénéfices de ces entreprises.
Cette obligation est en outre assortie d’une astreinte à conserver un stock de pièces détachées pendant plusieurs années disponibles à un « prix raisonnable » pour permettre, dans la logique législative, de répondre à l’impératif de rendre la réparation abordable par tout un chacun : moyennant une notice du fabricant elle aussi repensée comme la loi l’impose à présent et quelques tutoriels Youtube dégotés un dimanche après-midi, monsieur Toulemonde va enfin pouvoir réparer lui-même son lave-linge, son iPhone et sa tondeuse avec son unique tournevis cruciforme et un peu de WD40 en spray, c’est évident.
Enfin, on introduira donc le fameux indice afin de punir subtilement les fabricants les plus retors de fournir une documentation trop légère, aucune pièce détachée dix ans après le temps d’usage moyen de leur produit ou aucun moyen simple de tout démonter (quitte à remonter de travers ensuite et se plaindre que ça ne marche pas).
Bien sûr, on se réjouira que tout n’est pas encore massivement imposé, normé précisément jusqu’au moindre détail et qu’encore beaucoup d’éléments sont laissés à l’appréciation du fabricant qui dispose de quelques marges de manœuvre pour les critères qui entrent dans l’établissement de l’indice, même si, rassurez-vous, des sanctions existent s’il n’est pas affiché (on est en France, quand même).
De façon étonnante, cet indice sera subtilement calculé par le fabricant lui-même et pas par une demi-douzaine d’Agences nationales de la Réparabilité à la fois neutres, indépendantes et noyées dans un torrent de cerfas gouleyants. Non, ici, il s’agit pour le fabricant de calculer lui-même son petit indice en mode « auto-critique » qui n’est pas sans rappeler un procès stalinien, à la différence que celui-ci se terminera plus joyeusement par une pastille colorée de rouge (vif) à vert (foncé) en fonction de l’adhésion aux thèses recyclistes.
Malheureusement, tout ceci semble bâti sur des idées qui résistent mal à l’analyse sérieuse.
Passons pudiquement sur le fait que cet indice est franco-français (s’étonnera-t-on qu’une nouvelle contrainte règlementaire sur les entreprises naisse dans l’Hexagone ?) ; on peut charitablement fantasmer une adaptation complète des chaînes de production de gros fabricants mondiaux d’appareils électro-ménagers ou d’électronique grand public pour venir adhérer tendrement au paysage législatif français et ses millions de bosses, plis et ravins dantesques, ou, plus vraisemblablement se dire que ça va encore encombrer les entreprises françaises dont la compétitivité est heureusement si insolente qu’elle n’en sera pas du tout amoindrie.
Au-delà de cet aspect, force est de reconnaître que la réparation et la maintenance d’appareils électriques, électroniques ou mécaniques demande du temps et, souvent, de la formation, ce qui explique assez facilement le coût attaché à ces opérations : tout n’est pas réparable par le consommateur lambda, loin s’en faut et la spécialisation de nos société se paye logiquement, soit avec des objets bons marché mais peu réparables, soit avec une maintenance et des pièces détachées coûteuses.
S’ajoute le cas spécifique de la France où toute main-d’œuvre humaine est subtilement taxée de tous les côtés jusqu’au trognon, ce qui n’améliore certainement pas la rentabilité de l’opération.
Enfin, signalons que tenir à jour un stock de pièces détachées et de personnes compétentes pour les suivre et les utiliser coûte fort cher, en temps, en énergie et en espace. Ce coût est, à la fin, inévitablement payé par le consommateur d’une façon ou d’une autre. L’arbitrage du fabricant s’établit alors sur la qualité de ses productions ou sur le SAV de celles-ci, ce qui diminue les frais de maintenance mais augmente les prix à la vente par exemple.
Le fabricant d’un côté, le consommateur de l’autre font tous les deux des choix plus ou moins contraints entre le renouvellement complet de l’objet ou sa maintenance dans le temps. Il n’y a pas de solution réaliste économiquement et écologiquement permettant de garantir à la fois un objet pas cher, de bonne qualité, facilement réparable et dont les pièces détachées sont disponibles toute sa durée de vie et au-delà.
En somme et crûment, le choix s’établit donc entre « gaspiller » un objet en le renouvelant entièrement ou « gaspiller » temps, énergie et espace dans des formations, des services SAV et des pièces détachées surnuméraires, et il est impossible de définir a priori ce qui mérite d’avoir une durée de vie longue ou pas ou d’avoir des pièces détachées ou pas : seul le marché et son système de prix (des productions, des pièces détachées, de la main-d’oeuvre, du SAV) permettent d’approcher une solution viable.
Or, dans cette situation, l’indice de réparatruc, imposé de façon artificielle et politique pour tenter d’apporter une « autre » solution à un problème déjà résolu par le marché, introduit des distorsions évidentes dont les effets de bord sont déjà visiblement défavorables aux fabricants français.
Mais voilà : pour un nombre croissant de frétillants Français qui n’accepteront jamais les aléas de la vie (au point de graver un principe de précaution et son corollaire, le dégoût de toute prise de risque, dans la Constitution), pour une masse de plus en plus vocale d’individus qui refuseront toujours la disparition inévitable qui nous attend tous et toutes choses autour de nous, tout doit être durable (depuis le développement jusqu’au confinement) et quand ça ne peut vraiment pas durer, ça doit être réparable, guérissable ou annulable sans frais.
Cette lubie du durable, du réparable, cette chasse chimérique à un gaspillage mal défini, exagéré et recouvrant surtout une mauvaise compréhension des mécanismes de production et d’entretien, tout ceci a un coût qui se traduit directement sur le pouvoir d’achat des Français, et sur le niveau d’emploi dans le pays.
Au passage, on s’étonnera que ce même indice n’ait pas été réclamé pour nos politiciens, seul endroit où il aurait été puissamment pertinent ; après tout, ils sont experts en matière de gaspillage, de pièces rapportées, et d’absence criante de service après-vente ou de notice claire d’utilisation.
Reproduction autorisée avec la mention suivante : © H16. Publié avec l’aimable autorisation de l’auteur (son site)
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Je possède une automobile Citroën 2 CV construite en 1959.
Automobile hautement réparable parce que simple. Je l’ai maintenue en excellent état.
Je ne la vendrais pour rien au monde.
Mais je ne l’utilise plus sauf pour une petite promenade le dimanche quand il fait beau.
Pourquoi ?
Sa vitesse maximale est de 90 km/h et en moyenne c’est plutôt 60-70 km h sur les petites routes de campagne. Rouler sur autoroute, je n’ai jamais essayé !
Le confort est assez bon mais elle fait un bruit infernal.
Elle n’accepte pas d’essence sans plomb, il faut rajouter un additif dans le carburant.
Elle rouille facilement et pour éviter la corrosion je ne roule pas quand il pleut.
De même en hiver quand la route a été salée, ce qui est dommage parce que la tenue de route de cette voiture sur la neige est excellente.
Elle ne compte que 4 places et le coffre est tout petit.
En cas d’accident, le risque est important, cette auto n’a pas de ceintures de sécurité et la carrosserie est très fragile.
Le freinage est en excellent état mais reste très mauvais. Il faut anticiper et ne pas hésiter à appuyer fort sur la pédale de frein pour s’arrêter à temps.
La fiabilité reste aléatoire, l’allumage n’est pas électronique et il faut toujours avoir une bobine de secours en cas de panne.
Ah j’oubliais ! La batterie est en 6 V, ce qui fait que le démarreur est un peu lent sans parler de l’éclairage peu performant.
Et les essuie-glaces pas très efficace, et bien sûr pas de lave glaces….
Si les essuie-glaces sont en panne, les ingénieurs de Citroën ont inventé un système mécanique qui permet de les faire fonctionner par une manivelle de l’intérieur de l’habitacle. C’est très astucieux.
Voici donc l’exemple d’un objet très réparable mais devenu inutilisable dans la vie de tous les jours.
Oui mais non ! Il y a une exception pour l’automobile, surtout le modèle Citroën C5 encore fabriqué en France. Un peu lourd, certes, mais niveau confort, sécurité routière et fiabilité, c’est une merveille, ça bouffe des kilomètres indéfiniment 😁
Magnifique, dj86 ! Vous nous mettez l’eau à la bouche avec votre description. On aimerait faire un tour dans une telle voiture. En voilà une que les maîtres de l’informatique et de l’électronique ne risqueront pas de télécommander dans le futur orwellien qui nous guette. Vive la liberté, votre 2 CV et le souvenir de ma première minuscule Fiat 500.
@dj86
Sur votre 2CV vous pouvez sans risque changer vos ampoules de phares pour des LED puissantes adaptées: elles consomment moins et elles éclairent mieux.
Merci Rico pour votre idée, je vais m’en procurer mais en gardant cependant précieusement les ampoules d’origine.
Il existe des kit de LED avant et arrière pour toutes des 2CV.
Le LED consomme peu, ça tirera donc beaucoup moins
sur votre batterie 6V, et ça éclairera mieux.
https://www.youtube.com/watch?v=2FonDkZmnQk
https://www.youtube.com/watch?v=nofWHcCdgdE
Parfois il n’est même pas nécessaire de changer le bloc.
Un autre exemple.
Un article vient de paraître annonçant l’interdiction des voitures ” Crit Air 3 ” de circuler dans les ” Zones à Faibles Émissions ” , pour Fin 2021 ?
Pourtant ces voitures sont dotées en principe d’un FAP ( Filtre à Particules ) , alors que l’on nous impose des voitures Électriques , de loin , beaucoup plus Polluantes que les voitures a Essence ou Diesel , dont la Pollution n’est pas celle décriée, prouvé Techniquement par les Chercheurs eux mêmes…
Alors que faut il faire ????
Le prolo est loin de rouler en voiture de Service , il se prend généralement un crédit de 48 mois….et ce n’est pas un LUXE.
Bah oui ! Maintenant que la France ne produit plus rien, qu’elle achète tout en Chine et qu’elle n’exporte que du vent, que tous nos brevets ont été copiés, que le chômage explose, que le PIB s’effondre, il faut bien que les Français se calment un peu en matière de consommation. Heureusement que l’argument écologique sauve les apparences, des fois qu’on soit assez cons pour l’oublier 🤦♂️
Toujours un bonheur de lire H16, humour et rhétorique garantis…
Mais quelle hypocrisie !!!
Qui a mis en place l’obsolescence ? Les industriels !!!
Afin que tous les 5 ans, les différents appareils ménagers et autres, tombent en panne et soient donc remplacés, puisque les réparations s’élevaient au même montant qu’un appareil neuf ! Ceci n’a donc poussé qu’à la consommation/surconsommation !
Et en informatique et téléphonie, n’en parlons même pas!!! tous les 6 mois quasiment les ordinateurs sont dépassés, les téléphones mobiles aussi…
Mon téléphone actuel a dix ans et fonctionne parfaitement, mes appareils ménagers tiennent de 15 à 20 ans avec des petites réparations de leurs pièces détachées….
De plus,aujourd´hui, c´est regrettable mais c´est vrai, les appareils sont pratiquement dépassés dés qu´ils arrivent sur le marché
Cet article est outrancier et manichéen. Il est tout de même d’aucun cout:
On voit bien qu’il y a moyen de faire mieux et réparable, sans surcout et que la vonlonté honteusement affichée de rendre les produits IRREPARABLES est une honte consumériste (que le recyclage tente de parer d’une cape d’invisibilité)
Par contre, toujours pas d’interrupteur marche/arrêt sur les appareils qui restent en veille ou connectés 24h/24h comme télés, micro-ondes, etc., etc.
A part débrancher, donc effacer éventuellement la mémoire, pas d’autre solution.
Si les politiciens françaispouvaient déjà aller chercher le gaspillage là où il se trouve réellement : la fraude de la Sécurité Sociale, les fausses cartes vitales, les faux retraités, morts depuis belle lurette, les allocations et aides multiples aux pilleurs, faux migrants, faux demandeurs d’asile, ils n’auraient pas besoin d’aller chercher des chiures de mouche du style mentionnés dans cet article, au demeurant si plaisant à lire pour son humour.
Merci à son auteur.