Publié par Gaia - Dreuz le 16 janvier 2021

Source : Lepoint

En grande difficulté financière, la Comédie italienne, théâtre fondé en 1974 par Attilio Maggiulli, pourrait passer sous le contrôle du controversé comédien…

Le mouchoir de Marilyn Monroe n’aura pas suffi. Ce petit carré de tissu, vendu par Attilio Maggiulli pour 300 000 euros, en juin dernier, devait lui permettre d’éponger ses dettes. Las. « Cette somme aura juste servi à lever l’hypothèque qui pesait sur notre théâtre ; le deuxième confinement nous aura été fatal », confie le metteur en scène napolitain qui a créé cet établissement, dédié à la commedia dell’arte, en 1974.

Contraint d’annuler les représentations de son dernier spectacle à cause de la crise sanitaire, le septuagénaire se voit aujourd’hui pousser par les banques à se séparer de ce lieu, la mort dans l’âme. « Nous avons un trou dans la caisse de près de 40 000 euros. La salle de 100 places est à nous. Mais le local attenant qui tient lieu de hall d’accueil est loué autour de 7 000 euros par trimestre à une société immobilière. Or nous ne parvenons plus à joindre les deux bouts », explique l’homme de théâtre.

Au bord de la banqueroute

Depuis l’automne, la situation s’est encore tendue. Au point qu’Attilio Maggiulli confie ne plus être en mesure d’entretenir le bâtiment. Il fait volontiers visiter les lieux pour le prouver. Le toit de cet ancien commissariat de police de la rue de la Gaité à Paris prend l’eau. Les anciennes cellules de dégrisement, qui ont vu passer Modigliani et Picasso et sont aujourd’hui transformées en loges, ne sont plus chauffées.

Dans l’ancienne courette où Marcello Mastroianni venait s’abriter du regard des paparazzis lorsqu’il jouait au théâtre Montparnasse voisin, le bassin qui servait de piscine l’été est en sale état. « C’est un crève-cœur, mais si je veux sauver l’endroit, je dois m’en défaire », confie le metteur en scène en tirant nerveusement sur sa cigarette alors qu’il est censé avoir arrêté de fumer. « Cela le mine », soupire sa femme, la comédienne Hélène Lestrade.

Des ennuis financiers anciens

Cela fait des années que le tempétueux Attilio, formé à Turin par le grand Giorgio Strehler, court après l’argent. En 1999, il avait dû faire une grève de la faim pour obtenir que le ministère des Finances lui consente une réduction d’impôt. « Le fisc nous traitait comme une société commerciale alors que nous avons, depuis l’origine, un statut associatif », dit-il. Avec la disparition progressive des subventions du ministère de la Culture, de la région Île-de-France puis de la Ville de Paris, son théâtre s’est trouvé en grave difficulté financière.

« Comme j’en avais marre de faire la mendicité auprès des copains, j’ai suivi le conseil de mon ami Georges Wolinski quand il m’a dit d’aller toquer à la porte de l’Élysée », poursuit-il. L’épisode avait fait grand bruit puisque, faute de pouvoir entrer à la présidence, il avait tenté de forcer le passage en voiture. « J’avais un petit coup dans le nez », rigole le directeur, un air de défi dans le regard. C’était en 2013.

Qui pour reprendre ?

Alors qu’il a indiqué son souhait de passer la main, les repreneurs ne se bousculent cependant pas au portillon. « On a cru être sauvés, avant l’été, quand un couple d’amoureux est venu visiter les lieux en nous indiquant vouloir racheter l’endroit tout en nous proposant de rester dans les murs », confie Claudine Durand-Simon qui assiste Attilio. « On n’en a plus entendu parler après qu’un expert a estimé le bâtiment à plus de deux millions d’euros. Se sont ensuite succédé quelques prédateurs, marchands de biens et autres vautours, qui ont renoncé quand ils ont su que la vocation de théâtre ne pouvait pas être modifiée », complète le fantasque directeur.

Ont suivi trois autres propositions étonnantes. L’acteur de cinéma pornographique Rocco Siffredi a manifesté son intérêt pour le lieu. Un pasteur évangélique, Chriss Campion, s’est aussi porté candidat. Il souhaitait installer ici son église. Le fils de Marcel Campion, le « roi » des forains, confirme au Point avoir « effectué une demande il y a quelque temps sur un éventuel rachat, mais un accord n’a pas été trouvé. De ce fait, le projet a été annulé », fait-il savoir.

La seule offre restante émane de la société de production Plume, l’entreprise du polémiste Dieudonné. Le comédien, condamné à de multiples reprises pour des propos antisémites et négationnistes, est à la recherche d’une salle depuis 2017, date à laquelle il a été expulsé du théâtre de la Main d’or, dans le 11e arrondissement. L’avocate de l’entreprise dirigée par sa femme a confirmé par écrit que son client était désireux de louer la salle pour un montant de 86 400 euros par an.

L’idée de laisser la place à cet « odieux personnage », selon ses propres termes, désole Attilio. D’autant que, comme le note avec amertume le comédien, l’intermédiaire, dans cette vente, est Isabelle Coutant-Peyre qui assure la défense d’Ali Rizat Polat, proche des tueurs de Charlie et de l’Hyper Cacher, soupçonné de complicité avec les terroristes. (Contactée, l’avocate n’a pas donné suite à notre demande d’entretien, à l’heure où sont écrites ces lignes). « Le pauvre Wolinski qui dessinait toutes nos affiches de spectacle doit se retourner dans sa tombe », soupire l’Italien.

En l’absence d’autre solution, c’est pourtant bien Dieudonné qui devrait mettre la main sur ce théâtre à la façade rococo bleu et or. Son équipe est venue visiter les lieux à trois reprises ces derniers mois pour voir s’il était envisageable de porter les capacités de la salle de 108 à 130 places assises. « Ils nous harcèlent. Même si nous sommes toujours en complet désaccord avec ses propos que nous réprouvons, notre association, suite à la perte de toutes ses subventions, se voit contrainte de vendre le bail de notre théâtre », râle Attilio Maggiulli.

Il en a prévenu le ministère de la Culture, dès le mois d’octobre, dans l’espoir que ses fonctionnaires prendraient des mesures pour sauver la Comédie italienne. Son appel au secours n’a pas été entendu. « Je regrette que vous soyez tenté de céder le bail de votre théâtre pour faire (face) à vos difficultés. Le ministère (…) n’est toutefois pas en capacité d’empêcher cette vente », lui a-t-il été répondu, en décembre. « Ils s’en foutent finalement que nous cédions la place à ce type », analyse le metteur en scène.

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