Publié par Gaia - Dreuz le 2 mars 2021

Source : Lejdd

L’infectiologue et directeur général de la Santé Jérôme Salomon explique la stratégie de l’exécutif pour lutter contre l’épidémie de Covid-19 et décrit l’état de la menace.

“On peut encore éviter le confinement si tout le monde se mobilise.” Dans un entretien au Journal du Dimanche, le directeur général de la Santé Jérôme Salomon affirme qu’il existe encore un chemin pour éviter le confinement. “Ce chemin, nous l’avons pris : nous avons mis en place un arsenal très important”, se défend l’infectiologue. Face à l’augmentation des contaminations au Covid-19 et à la progression des variants, il estime que “nous sommes dans une période critique de course contre la montre”. Mais, assure-t-il, “dans cette course de vitesse, nous avons gagné du temps” grâce aux restrictions et au couvre-feu.

Quelle est aujourd’hui la situation épidémique en France ?
La situation est évidemment très tendue et modifiée par la nouvelle donne des variants. Le niveau d’incidence est élevé – 30.000 cas lundi dernier, la pression hospitalière reste très forte – 25.000 personnes hospitalisées, 3.450 personnes en réanimation. Mais parallèlement, le gouvernement a pris des mesures de freinage fortes en particulier avec le couvre-feu. Ce dernier fonctionne très bien, répond bien à la problématique des rassemblements privés et intéresse d’ailleurs beaucoup nos voisins qui ont été surpris de ses effets.

Nous avons d’un côté une incidence élevée et une circulation active des variants, et de l’autre des mesures fortes de freinage. La question est de savoir quel scénario va l’emporter

De quelle façon la progression des variants modifie-t-elle la stratégie ?
Depuis l’arrivée des variants, nous avons encore amélioré notre dispositif “tester, alerter, protéger”. Le criblage sur la très grande majorité des tests PCR positifs nous permet d’avoir une analyse très fine de leur répartition sur le territoire. Mais leur présence fait qu’on doit atteindre un niveau d’immunité collective plus élevée, à 80%. Aujourd’hui, entre 15 et 20% de la population française est immunisée et 5% est vaccinée. Le vrai problème des variants est qu’il y a beaucoup de cas asymptomatiques chez les jeunes. Donc les gens qui ont une vie sociale contaminent davantage de personnes. Or, qui dit plus de cas, dit plus de cas graves. Ce qui a un impact sur l’offre de soin. Nous sommes donc dans une période critique de course contre la montre. Nous avons d’un côté une incidence élevée et une circulation active des variants, et de l’autre des mesures fortes de freinage. La question est de savoir quel scénario va l’emporter.  

Comment expliquer la répartition géographique des variants ?
Aujourd’hui, le variant britannique est majoritaire sur le territoire français (53% des cas selon les derniers résultats). On a assisté à un mécanisme de compétition entre les virus. Face à un porteur du virus “historique” et à un porteur du virus variant, vous avez plus de chance de vous retrouver contaminé par ce dernier. Cette compétition a entrainé une baisse des contaminations il y a dix jours, avec l’échec de la souche historique face aux variants. Mais ce mécanisme est disparate selon les régions. Le variant sud-africain est très présent à Mayotte, à La Réunion mais aussi en Moselle. Dans cette région, la souche sud-africaine est arrivée avant celle britannique et c’est donc elle qui a pris le pas. Quant à savoir pourquoi, on ne trouvera surement jamais le patient zéro. Mais nous avons réagi très fortement pour casser la chaîne de transmission, le dépistage se déroule à un niveau très élevé.  

Nous prenons des mesures immédiates en fonction du territoire

Comment expliquer que dans certaines zones, en Bretagne par exemple, le variant britannique circule beaucoup sans effet apparent sur le taux d’incidence ?
Il faut être prudent. Parfois, on trouve beaucoup de variant parce qu’un laboratoire dans une zone va faire beaucoup de criblage ou parce qu’il y a eu un cluster. Ce n’est pas forcément représentatif de la réalité du territoire. Ensuite, il y a des facteurs que l’on n’explique pas très bien. La Bretagne est préservée et c’est un mystère. Et par ailleurs, en Bretagne et dans les Pays de la Loire, les deux premières vagues ont été assez faibles. Est-ce l’effet météo, la densité de la population, le fait que les Bretons se déplaceraient moins en dehors de la Bretagne? Ce n’est pas très clair. Mais rien n’est acquis. Leur incidence part de bas mais elle progresse vite donc il faut être attentif, la faiblesse apparente de l’incidence pouvant être due à ce stade au fait que le nombre de cas serait encore limité. La prévalence moins forte fait qu’il y a peu de personnes immunisées et donc la progression des variants pourrait être plus rapide que dans le Grand Est ou en Ile-de-France. 

Cette situation justifie-t-elle le choix des stratégies locales ?
La stratégie locale, c’est ce que nous faisons depuis le début de l’épidémie a fortiori quand la situation est hétérogène selon les régions. Nous prenons des mesures immédiates en fonction du territoire. Mais les variants concernent aujourd’hui toutes les régions, donc il faut être attentif. Il faudra observer l’effet de la météo, des congés scolaires encore en cours. En général, les vacances sont légèrement favorables pour freiner le virus. C’était le cas à la Toussaint. Mais là, on a trois zones de vacances, trois périodes différentes, trois météo différentes – on est aussi passé du froid à des températures très douces – et une progression différente des variants. La spécificité française fait que nous avons toujours été très attentif au maintien de la scolarisation car c’est fondamental pour nos enfants. Le protocole est très strict et cela fonctionne. Ce protocole sera renforcé dès la rentrée scolaire avec la nouvelle donne des variantes, notamment avec le déploiement massif des tests salivaires.

Si la situation s’aggrave vraiment, l’ensemble du territoire pourra être concerné

Un seuil de départements au-delà duquel on basculerait dans une stratégie nationale a-t-il été défini ?
Nous surveillons les taux d’incidence, de positivité, d’occupation dans les hôpitaux. Le nombre de départements concernés par des mesures plus restrictives dépendra de l’évolution de ces indicateurs : veiller à ne pas être débordés par la circulation virale pour ne pas saturer le système de santé.  Des régions pourront aussi être concernées par des mesures plus strictes. Et si la situation s’aggrave vraiment, l’ensemble du territoire pourra être concerné. 

Existe-t-il un chemin pour éviter le confinement ?
Oui bien sûr. Il y a toujours de l’espoir. Et ce chemin, nous l’avons pris : nous avons mis en place un arsenal très important. Dans cette course de vitesse, nous avons gagné du temps. D’abord, les niveaux de vaccination ont beaucoup progressé, avec près de 3 millions de personnes qui ont déjà reçu au moins une dose, et 1,5 million deux doses. Dans les Ephad, le taux de vaccination frôle les 80% avec des conséquences déjà visibles sur la mortalité et les admissions à l’hôpital. On progresse aussi sur la vaccination des plus de 75 ans. On protège les personnes les plus susceptibles d’être admises à l’hôpital. Ensuite, le respect des gestes barrière a un effet considérable, la stratégie de dépistage et d’isolement est renforcée et nous allons pouvoir disposer de traitements innovants qui se déploient.  

Les gens comprennent mieux les mesures qui leur sont immédiatement destinées

Le confinement local est-il davantage accepté ?
Les gens comprennent mieux les mesures qui leur sont immédiatement destinées. A Dunkerque ou à Nice, ils voient bien que la situation locale est inquiétante. C’est toujours compliqué d’appliquer des mesures quand vous ne vous sentez pas concerné. L’effet de proximité est très important. Nous allons étudier ce que donne le confinement le week-end, mais nous savons, au vu de l’exemple en Guyane que cela fonctionne. Ce sont des mesures difficiles mais elles ont un vrai impact. Plus elles sont respectées, plus elles seront vite levées. Les Français l’ont parfaitement compris. On peut encore éviter le confinement si tout le monde se mobilise, si tout le monde fait un effort. Si chacun respecte les mesures barrières, se fait tester au moindre doute et s’isole en cas de contamination. 

L’efficacité du confinement est-elle prouvée ?
Le confinement, comme on l’a fait au printemps et à l’automne, casse l’épidémie quand elle devient hors de contrôle. C’est la raison pour laquelle nos voisins européens y ont eu recours depuis mi-décembre. C’est l’arme absolue quand la courbe explose, mais c’est une arme très lourde et on comprend bien pourquoi le gouvernement ne souhaite pas y recourir sans que toutes les flèches n’aient été utilisées et en dernier recours.  

Que pensez-vous de ceux qui prônent un confinement de trois semaines puis un retour à la vie normale, à Paris par exemple ?
Je vois qu’ils ont changé d’avis! Par ailleurs, l’lle-de-France est un territoire homogène en terme de circulation du virus, il faut donc le prendre dans sa globalité. Et puis quand on reprend les courbes des précédents confinements, on voit qu’il y a d’abord un effet d’inertie obligatoire avec le nombre de contaminations qui continue à progresser la première semaine, les admissions, elles, progressent pendant deux semaines et les entrées en réanimation pendant trois semaines. C’est seulement ensuite qu’on a une baisse : très nette dans le cas du premier confinement, moins pour le deuxième. C’est aussi ce que nous enseigne l’exemple récent de nos voisins européens. Définir ou prédire quelle sera la sortie d’un confinement est quelque chose de très compliqué. Mais c’est très intéressant de donner de la lisibilité aux Français. 

Est-ce qu’en mobilisant tous nos efforts on arrivera à tenir un niveau acceptable jusqu’en avril ou mai ou est-ce que ça va déraper? C’est là la question

Justement, que pouvez-vous leur dire ?
Tout dépend de notre capacité à accroitre notre protection par nos comportements collectifs, puis de la progression de la vaccination et des traitements innovants. Le changement très fort du niveau de la couverture vaccinale va réduire considérablement l’impact hospitalier et la mortalité. Mais dans l’immédiat, la progression des variants, plus rapide que la souche classique, exige une vigilance accrue, et renforce la nécessité d’accompagner les Français sur l’évolution de la situation dans les prochains mois. Le virus va continuer à circuler. Il faut donc mieux vivre avec le virus et libérer petit à petit des activités indispensables au bien être en société. On aura un desserrement progressif des contraintes à mesure que la circulation se réduira. Mais il faut aussi rester humble, le virus nous a démontré sa capacité à nous surprendre. 

Le pari d’Emmanuel Macron peut-il être réussi ?
Je ne suis pas sûr que ce soit un pari. Le président de la République était persuadé que ce n’était pas tout ou rien, mais une course contre la montre avec des mesures de freinage qui ont fonctionné pour l’instant et qui nous permettent de tenir pendant que la vaccination se déploie. Est-ce qu’en mobilisant tous nos efforts on arrivera à tenir un niveau acceptable jusqu’en avril ou mai ou est-ce que ça va déraper? C’est là la question, et la raison pour laquelle nous restons tous les jours vigilants. La réaction très rapide en Moselle a montré que contrôler l’évolution de l’épidémie est possible. Nous ne sommes pas passifs face au Covid.

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