La récente décision de la Cour de Cassation en France, tout comme la vague d’attaques anti-juives menées en Israël à l’occasion du Ramadan, remettent à l’ordre du jour le débat ancien sur le soi-disant “profil psychologique” des terroristes islamistes et la tentative récurrente de “psychiatriser” ces assassins, pour mieux effacer ou diluer leur responsabilité – et la nôtre… Je publie ici un extrait de mon livre Pour Allah jusqu’à la mort, Enquête sur les convertis à l’islam radical, dans lequel je résume l’état des recherches sur la question.
“Marc Sageman, psychiatre, sociologue et ancien agent de la CIA en Afghanistan, a côtoyé de près les djihadistes et a assisté à l’émergence du noyau d’activistes à l’origine de l’organisation Al-Qaida. Il est l’auteur d’une enquête approndie sur les acteurs du djihad, dans laquelle il démonte les différentes théories à la mode sur le profil psychologique et sociologique des terroristes [1].
Son travail est fondé sur un échantillon représentatif d’acteurs du djihad salafiste mondial, constitué de moudjahidine sur lesquels on dispose d’informations suffisamment détaillées, provenant de sources publiques telles que les actes et transcriptions de procès, documents officiels, articles de presse et autres sources disponibles sur Internet. Il a mené une enquête aussi rigoureuse que possible, en remettant en question la fiabilité des informations collectées – notamment celles émanant de journalistes ou d’autres sources qu’il estime n’être pas toujours crédibles. Ses conclusions vont à l’encontre de la plupart des théories en vogue sur le sujet depuis plusieurs décennies.
Sageman réfute tout d’abord l’idée largement répandue selon laquelle le terrorisme se nourrirait de « la misère et des inégalités » et constituerait « la seule arme dont disposent les démunis et les sans-pouvoir contre les Etats tout-puissants ». Cette idée reçue, trop souvent répétée dans les médias et dans des ouvrages spécialisés, ne s’applique pas du tout au djihad salafiste mondial, pas plus d’ailleurs qu’aux cas évoqués précédemment (Allemagne et Israël notamment). « Près des trois quarts des moudjahidine salafistes du djihad mondial sont issus des classes supérieure ou moyenne », constate Sageman. Quant à Ben Laden lui-même, il est l’héritier d’une fortune accumulée par son père, fondateur d’une entreprise de travaux publics prospère… Les convertis à l’islam radical dont nous avons retracé les itinéraires ne correspondent pas non plus à l’image d’Epinal du “desperado” issu d’un milieu défavorisé, puisque la plupart sont issus des classes moyennes, quelques-uns de familles ouvrières (en France notamment) tandis que d’autres proviennent de la bourgeoisie libérale (aux Etats-Unis et en Allemagne).
Sageman réfute ensuite l’idée du terroriste ignorant et peu éduqué, ce qui en ferait un “candidat idéal au lavage de cerveau”. Dans l’ensemble, constate-t-il, « les moudjahidine salafistes ont reçu une éducation nettement supérieure à celle de leurs parents”. Ce constat rejoint celui fait par de nombreux observateurs concernant les islamistes en général, dont beaucoup ont été formés dans les meilleures universités occidentales. L’historienne Bat Ye’or observe ainsi que les idéologies islamistes « se sont développées – non point dans un milieu obscurantiste et traditionnel – mais chez des intellectuels diplômés des universités américaines et européennes [2] ». Daniel Pipes donne des exemples concrets pour illustrer ce fait souvent méconnu : Hassan Tourabi, leader islamiste soudanais, est diplômé de l’université de Londres et de la Sorbonne. Abbassi Madani, leader du FIS algérien, possède un doctorat en éducation de l’université de Londres. Moussa Abou Marzouk, chef de la branche politique du Hamas, est diplômé de l’université de Louisiane. Quant à Fat’hi Shiqaqi, dirigeant du Jihad islamique palestinien, il déclara dans une interview être un lecteur assidu des grands classiques de la littérature occidentale, de Sophocle et Shakespeare à Dostoïevski, Tchekhov et Sartre [3]…
Enfin, Sageman s’attaque aux explications psychologiques, qui voudraient que les terroristes souffrent de maladie mentale ou de troubles de la personnalité. Cette hypothèse repose sur la croyance répandue, qui fait de tout criminel un psychopathe. Mais elle n’est pas confirmée par les innombrables études qui ont tenté de définir une quelconque pathologie du terroriste. Jerrold Post, chercheur américain, fondateur du Centre de psychologie politique, est parvenu à la conclusion que les études sur la psychologie du terrorisme ne permettaient de déceler aucun caractère pathologique, et il cite plusieurs auteurs qui partagent ce constat. Pour Martha Crenshaw, « la caractéristique la plus remarquable des terroristes est leur normalité [4] ».
Marc Sageman parvient à la même conclusion, après avoir étudié la personnalité d’un échantillon de dix moudjahidine d’Al-Qaida, dont Oussama ben Laden, Ayman Al-Zawahiri, Mohammed Atta ou Zacarias Moussaoui. Il réfute tour à tour les thèses les plus répandues sur la personnalité du terroriste : théories du « narcissisme pathologique », de la paranoïa ou de la « personnalité autoritaire ». Sa conclusion est que toutes les recherches menées depuis plus de trente ans ont conclu à l’inexistence d’un profil psychologique du terroriste. Le plus étonnant en l’occurrence est que des chercheurs continuent, malgré cela, à s’évertuer à trouver des preuves d’une pathologie du terroriste, envers et contre tout, comme si le constat presque unanime des recherches antérieures ne tirait pas à conséquence… Mais cela est un autre sujet.
Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Pierre Lurçat pour Dreuz.info.
- [1] M. Sageman, Understanding Terror Networks, University of Pennsylvania Press, 2004, traduit en français sous le titre Le vrai visage des terroristes, Denoël, 2006.
- [2] Bat Ye’or, Juifs et chrétiens sous l’islam, les dhimmis face au défi intégriste, Berg International, 1994, p. 202.
- [3] Daniel Pipes, « The Western Mind of Radical Islam », First Things, décembre 1995, traduit en français dans L’islam radical, Cheminements 2008.
- [4] Martha Crenshaw, « The causes of Terrorism », Comparative Politics 13 (1981), cité par Jerrold Post, « Terrorist Psycho-Logic », in Walter Reich (éd.), Origins of Terrorism, Cambridge University Press 1990.
- Pour Allah jusqu’à la mort est paru en 2006 aux éditions du Rocher.
Ceci, publié en 2008.
Remarquable.
Je vais acheter le livre… Merci.
De tout temps, il y a eu des idéologues radicaux et fanatiques. Effectivement, ce qui est intéressant c’est de comprendre le processus historique qui fait que notre civilisation veut le psychiatriser à tout prix. Est-ce parce qu’on ne peut plus accepter l’existence du mal et qu’on veut le réduire à une anomalie ?
il est vrai qu’il faut être dérangé pour être un adepte du coran
Ca ressemble aux adhérents d’une secte.
Paumés, tordus, frustrés, suicidaires du monde entier en quête d’un trépas en forme de promotion garantie à la va vite unissez-vous! Un simple couteau, poli avec un saint coran, une mixture à base de sourates et de chichons, une cible plus ou moins molle et en avant pour la célébrité internationale sur terre avec la luxure, pour monsieur, dans l’au-delà! C’est parti mon gros kiki.
Il existe un aspect sectaire dans ce monde soi-disant pieu où les rivières de sang débouchent sur des rivages paradisiaques avec, récompense ultime pour le mâle frustré ici-bas, en innocences à pervertir en veux tu en voilà sans risquer un séjour en prison. C’est open bar, pour ainsi dire.
Dans cet univers où aucune tête ne dépasse où le regard d’autrui règne, pas besoin de stasi, la famille fait le taf. C’est toujours plus facile à respecter une discipline lorsque le kgb dîne chaque jour à votre table.
Par exemple, vous constaterez rarement une femme musulmane se marier avec un non musulman (sauf si conversion fissa au préalable, histoire de faire grossir les rangs de la religion de paix etc…). N’est-ce pas un chouia étrange pour une religion dite de “tolérance”? La question est-elle “islamophobe”? Suis-je un intolérable “raciste”? Si je m’enfile une bouteille de bière en préambule de ces quelques mots osés, ma peine sera-t-elle amoindrie? Et avec le fût cul sec ça s’ra quoi l’tarif, m’sieur l’juge? Hic!
Certes, d’aucuns objecteront le plus fièrement et le plus confortablement du monde, que les faits, le véridique, mille et un faisceaux de présomption ou notre intolérable et si commun bon sens, n’auront ni leur haine ni leurs neurones. Quel courage! Quelle force de caractère! Il ne reste plus qu’à se foutre à quatre pattes et à s’aplatir comme une carpette.
Ce n’est donc pas ce genre de détail qui fera trembler le bel édifice idiologique, plus ou moins hypocrite, des “bien pensants”.
Du moins, tant que les flaques d’hémoglobine ne viendront tâcher ce tapis de belles paroles derrière le pas d’une porte qu’ils imaginent infranchissable à peu de frais…
Cela fait plus de 20 ans que je dis que la prochaine guerre sera celle de l’Islam contre l’Occident!