Publié par Jean-Patrick Grumberg le 5 avril 2021

Dans un récent article (1), je publiais cette information surprenante, tombée la veille, que le Brésil a d’importants stocks inutilisés de chloroquine et hydroxychloroquine, deux médicaments qui sont boudés par les Brésiliens.

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La question à laquelle ne répondait pas le rapport, et que tout le monde se posait alors, était de savoir pourquoi. Aucune des sources que j’avais consultées ne donnait d’explication solide. Ce que je lisais était l’opinion des journalistes, qui affirmaient tous que ces médicaments ne soignent pas le coronavirus, mais sans justifier leurs affirmations.

Une seule étude arrivait à la conclusion que ces médicaments, pris dans les tout premiers jours de la maladie, ne soignaient pas. Mais l’étude en question, que j’ai parcourue, était, comme la plupart de celles que j’ai croisées depuis un an, bourrée de propos au conditionnel – ce qui m’encourageait à ne pas en tenir compte : j’ai l’humble prétention de prendre mon métier au sérieux, dans une profession de militants déguisés en journalistes intègres, et je considère comme mon devoir de vous informer de la façon la plus juste possible – ce qui n’évite pas les erreurs – et je ne peux pas exercer sérieusement et honnêtement mon métier en m’appuyant sur des « peut-être », des « certainement » et des « probablement ». Surtout lorsque je vous propose mon analyse des événements.

Depuis, j’ai reçu l’information suivante, qui explique pourquoi les Brésiliens ont arrêté de prendre ces deux médicaments pour se soigner : les laboratoires brésiliens qui les produisent les déconseillent dorénavant.

Apsen, le plus grand labo brésilien producteur d’hydroxychloroquine, s’est clairement positionné (2) contre l’utilisation du médicament pour combattre le coronavirus.

Apsen Farmacêutica : « pas d’efficacité contre le COVID-19 »

Voici le communiqué de presse (3) publié sur le site internet du laboratoire le mois dernier. Vous noterez que les accusations généralement et souvent justement portées contre la corruption de BigPharma peuvent quelques fois se briser contre la réalité.

Au Brésil, Apsen Farmacêutica est le principal fabricant d’hydroxychloroquine, produisant le médicament depuis 18 ans, en se concentrant sur le traitement des patients atteints de lupus chronique et de polyarthrite rhumatoïde. Tous les efforts de l’entreprise sont concentrés sur le maintien des soins pour ces patients, afin qu’ils ne subissent aucune perte dans leur traitement.

Depuis le début de la pandémie, lorsque l’hydroxychloroquine a commencé à être considérée comme un traitement possible du COVID-19, nous avons observé une augmentation de la demande de ce médicament. Face à ce scénario, nous avons effectué un important travail logistique de distribution, en tenant compte du stock de l’entreprise et aussi des stocks chez les distributeurs. L’objectif était, et est toujours, de faire en sorte que les patients chroniques ne soient pas laissés sans surveillance.

Nous avons suivi de près les études qui indiquaient initialement que l’Hydroxychloroquine pouvait être une option pour le traitement du COVID-19. Cependant, sur la base des preuves scientifiques actuelles, Apsen recommande l’utilisation d’Hydroxychloroquine uniquement dans les indications fournies dans la notice, qui sont approuvées par Anvisa [NDLR Agence nationale de vigilance sanitaire]. Et rappelle qu’il n’y a pas d’approbation par une agence de réglementation de la santé pour une utilisation dans le traitement du COVID-19.

Notre engagement envers les patients signifie que l’orientation de notre travail est toujours guidée par la science et par ce que disent les études. Ainsi, nous restons forts pour soutenir la recherche scientifique, en suivant les recommandations du ministère de la Santé, des sociétés médicales et des autres autorités compétentes, tout en assurant l’approvisionnement des patients chroniques.

https://www.apsen.com.br/na_midia/posicionamento-informacoes-sobre-hidroxicloroquina/

Quatre des six fabricants opposés à leur médicament

Sur les six laboratoires qui fabriquent de la chloroquine ou de l’hydroxychloroquine au Brésil, quatre d’entre eux, y compris Apsen, ne les recommandent pas pour traiter le covid-19.

  • Trois autres laboratoires – Farmanguinhos/Fiocruz, Sanofi-Medley et EMS – avaient déjà publié des communiqués dans lesquels ils recommandaient le médicament uniquement pour les maladies prévues dans la notice, à savoir le paludisme, le lupus et les maladies rhumatismales.
  • Fiocruz, qui dirige le laboratoire Farmanguinhos, a émis les premières mises en garde (4) contre l’utilisation du médicament dans le cadre de la pandémie en avril de l’année dernière, après qu’une étude à laquelle il participait a été interrompue prématurément, les patients présentant un risque accru de complications cardiaques.
  • Sanofi-Medley a déclaré au journal Reporter Brésil qu’il n’y a pas d’utilisation approuvée de son produit pour le traitement de la covid-19 dans le monde, recommandant le médicament uniquement pour l’indication figurant sur la notice.
  • EMS a déclaré, par l’intermédiaire de son service de presse, qu’il ne recommandait pas le médicament pour le traitement du covid-19.
  • Les deux autres laboratoires figurant sur la liste des fabricants de ces médicaments, Cristália et Laboratório do Exército [NDLR : laboratoire de l’armée], ne se sont pas clairement opposés à l’utilisation contre le covid, laissant ouverte la possibilité que la chloroquine ou l’hydroxychloroquine soient utilisées dans le traitement des personnes infectées.
  • L’usine militaire a affirmé que, n’étant qu’un « organe d’exécution », elle n’est pas compétente pour donner son avis sur l’efficacité du médicament qu’elle produit.
  • Cristália a indiqué que la chloroquine est recommandée pour le paludisme et d’autres maladies, mais n’a pas exclu son utilisation pour la Covid, précisant que « toute recommandation en dehors de celles spécifiées dans la notice doit être faite sous la responsabilité du médecin, comme c’est le cas pour tout médicament ».
  • Outre ces entreprises pharmaceutiques, il y a encore le cas d’Eurofarma, qui a été enregistrée auprès d’Anvisa en août 2020, mais qui a déclaré ne pas avoir fabriqué ni commercialisé de chloroquine depuis cette date.

Hydroxychloroquine pour le « traitement précoce »

A partir du mois de mars 2020, le ministère de la Santé du Brésil a lancé une vaste campagne publicitaire encourageant l’automédication, et a adopté un protocole clinique, appelé « traitement précoce », qui recommande le médicament au stade initial de la maladie.

Les ventes d’hydroxychloroquine ont alors battu des records et sont devenues le fleuron du gouvernement brésilien pour faire face au covid-19. En pharmacie, 2 millions d’unités ont été vendues – soit une augmentation de 113 % par rapport à 2019, selon le Conseil fédéral de la pharmacie, malgré une hostilité très forte des médias. Mais cette hostilité a été interprétée par la population comme une attaque personnelle contre le président populiste et conservateur Bolsonaro, très aimé de sa population, et considéré comme une sorte de Trump brésilien, avec la haine des journalistes que cela implique.

Conclusion

Il me semble important de relever plusieurs points :

  1. La chloroquine et l’hydroxychloroquine ont été recommandées par le gouvernement Bolsonaro comme traitement précoce.
  2. En l’absence de traitement, de vaccin ou de médicament ad-hoc, c’était la voie de la sagesse, du fait qu’ils étaient les médicaments les plus proches, les plus prometteurs. L’argument qui avançait d’absence d’étude pour rejeter leur emploi était aberrant : fallait-il laisser mourir les gens et renoncer à un traitement qui n’avait pas fait ses preuves, mais qui ne pouvait pas être pire que mourir ? Qu’y avait-il à perdre ?
  3. La réalité brésilienne a montré que la chloroquine et l’hydroxychloroquine n’ont pas été à la hauteur des espoirs, cela ne retire pas la validité de la démarche qui a consisté à tenter.
  4. Ce sont les laboratoires producteurs d’hydroxychloroquine eux-mêmes qui déconseillent son usage pour se soigner – soit directement contre leurs intérêts financiers.
  5. Le Brésil n’a pas de vaccin, les laboratoires ne peuvent pas être soupçonnés d’avoir torpillé leur médicament pour empocher de plus gros profits.
  6. Jair Bolsonaro et Donald Trump, qui ont recommandé l’hydroxychloroquine pour soigner le coronavirus communiste sont favorables à la vaccination.

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Jean-Patrick Grumberg pour Dreuz.info.

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  1. https://www.dreuz.info/2021/04/03/le-ministere-de-la-sante-bresilien-arrete-le-traitement-a-lhydroxychloroquine/
  2. https://reporterbrasil.org.br/2021/03/maioria-dos-fabricantes-brasileiros-de-cloroquina-nao-recomenda-o-remedio-para-covid-19/
  3. https://www.apsen.com.br/na_midia/posicionamento-informacoes-sobre-hidroxicloroquina/
  4. http://portal.fiocruz.br/noticia/doses-altas-de-cloroquina-nao-sao-indicadas-pelo-estudo-clorocovid-19
  5. https://www.doctolib.fr/hopital-public/marseille/ihu-mediterranee-infection-vaccination-covid

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