La récente “Guerre des dix jours” entre le Hamas et Israël a déclenché une nouvelle vague d’hostilité envers l’Etat juif, accusé de commettre des “crimes de guerre”, d’opprimer les Palestiniens ou d’être un Etat d’apartheid. A travers ces accusations multiples et diverses se fait jour un discours structuré, élaboré depuis plusieurs décennies, celui de l’antisionisme contemporain, qui se décline autour de quelques thèmes majeurs.
Le présent ouvrage analyse l’antisionisme comme une véritable idéologie, pour en comprendre les ressorts et les failles. Il apporte un regard informé sur ce sujet, rendu encore plus brûlant par la crise du Covid-19, qui a ravivé les flammes de la haine envers les Juifs et Israël. Après avoir analysé les différents mythes de l’antisionisme contemporain, il esquisse l’espoir de dépasser l’antisionisme, en instaurant une nouvelle relation entre Israël et ses voisins.
Devenez “lecteur premium”, pour avoir accès à une navigation sans publicité, et nous soutenir financièrement pour continuer de défendre vos idées !
En tant que lecteur premium, vous pouvez également participer à la discussion et publier des commentaires.
Le rapprochement spectaculaire entre Israël et plusieurs pays arabes du Golfe – qui s’est récemment traduit par la signature des Accords Abraham entre Israël, les Émirats arabes unis et Bahreïn – illustre la reconnaissance véritable de l’existence du peuple Juif dans sa réalité historique et géographique, par plusieurs pays musulmans, reconnaissance lourde de conséquences.
La signification théologique de ces accords est en effet plus importante encore que leur portée politique et économique. A contre-courant de la théologie arabe de la substitution, ces accords permettront peut-être de détruire le fondement théologique de l’antisionisme musulman et d’inaugurer une nouvelle ère dans les relations judéo-arabes, porteuse d’espoir pour la région et pour le monde entier.
Préambule – actualité et différentes formes de l’antisionisme
Après l’agression dont a été victime Alain Finkielkraut, en février 2019, le débat sur la nature de l’antisionisme a fait irruption dans les médias français, et jusque dans les couloirs du Parlement, où il a été question de pénaliser l’antisionisme, en en faisant une catégorie de l’antisémitisme. Le président français Emmanuel Macron lui-même a déclaré que “l’antisionisme (était) une des formes modernes de l’antisémitisme…” Pour mémoire, le samedi 15 février 2019, le philosophe Alain Finkielkraut était pris à partie par un manifestant en marge d’un cortège des Gilets jaunes, violemment insulté, et traité de “sale sioniste de merde”. L’incident a soulevé une vive émotion en France et suscité un large débat.
La nature même de l’insulte incite à la réflexion : de toute évidence, lorsqu’on traite un intellectuel juif de “sale sioniste”, le mot sioniste tient lieu de mot-codé, dont le signifiant véritable est “juif”. Ainsi, en France aujourd’hui, comme dans l’URSS jadis ou dans certains pays arabes, comme nous le verrons, “sioniste” est devenu l’équivalent de “juif”. C’est en ce sens qu’on a pu soutenir que l’antisionisme était la forme la plus récente de l’antisémitisme. Mais, au-delà des joutes polémiques et idéologiques, qu’en est-il vraiment? Qu’est-ce que l’antisionisme? S’agit-il de la dernière mutation de l’antisémitisme? Est-il seulement un discours radical, maniant slogans et insultes, ou bien peut-être une véritable idéologie, qui mérite d’être analysée, étudiée et si besoin réfutée? Qu’y a-t-il de commun entre le manifestant parisien qui traite Alain Finkielkraut de “sale sioniste”, l’intellectuel arabe qui se dit antisioniste par conviction nationaliste ou islamiste, ou encore l’intellectuel juif assimilé qui prétend, lui, s’opposer au sionisme, “au nom du judaïsme” et “en tant que Juif”? De toute évidence, il y a là des manifestations très diverses – voire totalement disparates – d’un phénomène multiforme, qu’on a peine à ranger sous le même vocable d’antisionisme. La différence entre ses manifestations très variées est-elle une simple différence de degré, ou bien s’agit-il de phénomènes véritablement distincts ?
Prenons un exemple. Entre les deux énoncés “L’Amérique soutient Israël” et “Les Juifs dirigent l’Amérique”, il y a, de toute évidence, une différence de nature. Le premier énoncé est une affirmation factuelle, apparemment objective, qu’on peut évidemment discuter, mais qui ne contient aucun jugement de valeur apparent. Un premier glissement sémantique s’opère toutefois, lorsqu’on passe de l’énoncé “L’Amérique soutient Israël”, à “L’Amérique soutient toujours Israël”, puis à “Israël est l’instrument de l’impérialisme américain”.
Nous sommes là, toutefois, dans une simple amplification du message, qui demeure malgré tout largement similaire. Le véritable “saut” conceptuel s’effectue, lorsque l’énoncé précédent, “Israël est l’instrument de l’impérialisme américain” (ou occidental), devient “Israël dirige la politique américaine”, ou encore, de manière plus lapidaire et radicale, “Les Juifs dirigent l’Amérique”. Cette fois-ci, le glissement sémantique n’est plus seulement quantitatif, mais qualitatif. On change de registre, et pour ainsi dire de paradigme. L’historien des idées Pierre-André Taguieff définit ce procédé rhétorique, qu’on rencontre souvent dans le discours polémique, comme consistant à élargir “la cible de la stigmatisation”[1]. Il en donne pour exemple le passage de l’énoncé “tous les Juifs sont des criminels”, à l’énoncé “tous les criminels sont des Juifs”. Ce procédé rhétorique est utilisé de manière récurrente dans le discours antisioniste.
On en donnera un autre exemple, dans un cadre différent, avec l’affirmation que “tous les Israéliens sont des soldats”. Cette affirmation a servi au cheikh islamiste Youssouf Al-Qardawi, autorité sunnite proche de la mouvance des Frères musulmans, pour justifier les attentats du Hamas contre des civils israéliens. Dans ce cas précis, l’élargissement de la “cible de la stigmatisation”, équivaut à élargir la définition des victimes permises par le droit islamique, c’est-à-dire la cible des attentats. Le discours antisioniste a ainsi des conséquences tout à fait concrètes, puisque la rhétorique de la haine est mise au service de la violence politique et terroriste, qu’elle justifie et qu’elle alimente.
Il y a donc bien, pour répondre à notre question préliminaire, une différence de degré entre ces différentes formes d’antisionisme. Dans le cadre de ce livre, nous nous attacherons à répertorier et analyser les thèmes majeurs du discours et de l’idéologie antisioniste, pour comprendre les ressorts et les failles de cette idéologie. Nous ferons l’hypothèse que la “Nakba”, le “Shoah-Business” ou “l’exploitation de la Shoah par Israël”, “Sionisme = racisme” ou encore “Israël, État d’apartheid”, ne sont pas seulement des slogans, mais qu’ils sont aussi des éléments d’une argumentation élaborée, dont il importe de décrypter la logique interne et de démonter l’articulation. Après avoir replacé l’antisionisme dans son contexte historique, nous en analyserons les principales thématiques.
Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Pierre Lurçat pour Dreuz.info.
Éditions l’éléphant – Jérusalem 2021.
En vente dans les librairies françaises d’Israël et sur Amazon.
Abonnez-vous sans tarder à notre chaîne Telegram, pour le cas où Dreuz soit censuré, ou son accès coupé. Cliquez ici : Dreuz.Info.Telegram.
Après avoir suivi vos conférences sur Akadem au sujet de l’antisionisme me réjouis de lire votre livre. Il est bien triste de constater, comme d’habitude, que les slogans antisionistes ou antisémites sont très largement appréciés et bien mieux diffusés que la réalité. Heureusement, cette fois, Israël existe..
Quand on a devant soi un antisioniste autoproclamé, il s’agit d’un antisémite ordinaire, ni plus ni moins. Voici pourquoi :
L’antisémite hait les Juifs.
L’antisioniste hait l’Etat hébreu.
Pour l’antisémite, le Juif n’est pas égal en droits, contrairement aux autres nations.
Selon l’antisioniste, les Juifs n’auraient pas le droit à leur patrie, contrairement aux autres nations.
L’antisémite veut éradiquer les Juifs.
L’antisioniste veut éradiquer l’Etat d’Israël.
Dans la tête d’un antisioniste, les sionistes tuent des bébés, ont attaqué les Tours Jumelles le 11 Septembre, contrôlent l’Amérique, l’Europe, les îles Fidji, le monde, les banques, les médias et l’ONU, fabriquent leurs matzots avec du sang de bébé chrétien, ont créé Daesh, et Israël serait un Etat d’apartheid qui discriminerait les non-juifs.
Dans la tête d’un antisémite, les Juifs tuent des bébés, ont attaqué les Tours Jumelles le 11 Septembre, contrôlent l’Amérique, l’Europe, les îles Fidji, le monde, les banques, les médias et l’ONU, fabriquent leurs matzots avec du sang de bébé chrétien, ont créé Daesh, et Israël serait un Etat d’apartheid qui discriminerait les non-juifs.
Pour l’antisémite, le judaïsme serait une religion inventée et le peuple juif serait un peuple inventé.
Pour l’antisioniste, l’État d’Israël serait un État inventé.
L’antisémite boycotte les produits, les services et les compagnies tenus par des Juifs.
L’antisioniste boycotte les produits, les services et les compagnies tenus par des israéliens.
L’antisémite de l’Allemagne des années 1930 interdisait les artistes, les athlètes et les écrivains juifs.
L’antisioniste d’aujourd’hui veut interdire les artistes, les athlètes et les écrivains israéliens (sauf les écrivains israéliens de gauche, évidemment).
L’antisémite nazi des années 1930 voulait que le Juif soit identifiable, et lui a donc imposé le port d’une étoile jaune.
L’antisioniste d’aujourd’hui voudrait que tous les produits provenant d’Israël soient clairement identifiables et identifiés.
Pour l’antisémite, l’holocauste serait un mythe destiné à attirer la sympathie pour Israël, et le seul vrai holocauste serait celui, imaginaire, perpétré contre les “palestiniens”.
Pour l’antisioniste, l’holocauste serait un mythe destiné à attirer la sympathie pour Israël, et le seul vrai holocauste serait celui, imaginaire, perpétré contre les “palestiniens”.
L’antisémite occulte totalement la disparition de toutes les communautés juives et chrétiennes des pays musulmans – avant ou après 1948 – et refuse systématiquement d’aborder ce sujet.
L’antisioniste occulte totalement la disparition de toutes les communautés juives et chrétiennes des pays musulmans – avant ou après 1948 – et refuse systématiquement d’aborder ce sujet.
Pour l’antisémite, un Juif est une cible légitime.
Pour l’antisioniste, l’israélien est une cible légitime.
L’antisémite ne conçoit pas qu’un Juif puisse se défendre.
L’antisioniste ne conçoit pas qu’un israélien puisse se défendre.
L’antisémite lit le Protocole des Sages de Sion et tous les bouquins des auteurs juifs de gauche.
L’antisioniste lit le Protocole des Sages de Sion et tous les bouquins des auteurs israéliens de gauche.
On a quand-même trouvé une petite différence :
L’antisémite nazi hurlait “Juif, retourne en Palestine !”
L’antisioniste de gauche hurle “Juif dégage de Palestine !”