Publié par Abbé Alain René Arbez le 20 juin 2021

Au moment où monte en puissance le socialisme-national en Allemagne (NDSAP) les catholiques sont 20 millions et les protestants 40 millions. Les prises de position de l’Eglise catholique représentent donc celles d’une minorité, présente surtout en Rhénanie et en Bavière.

Dans les années 1870, le Kulturkampf opposait les catholiques au chancelier Bismarck qui les considérait comme un corps étranger à la nation allemande.

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Interrogé par des journalistes espagnols en novembre 1923, juste avant le putsch de la Brasserie, Adolf Hitler reproche à Von Kahr (catholique) d’être réticent aux mesures anti-juives qu’il prévoit et il attribue cela à une « conspiration catholico-juive » !

C’est en 1933 qu’Hitler arrive « démocratiquement » au pouvoir. Le parti nazi bénéficie d’une marée brune de voix protestantes, tandis que les catholiques votent avec le Zentrum, parti du centre. Aussitôt le chancelier signe avec l’Eglise catholique un concordat pour contrôler les relations entre l’Eglise et l’Etat, et pour neutraliser son influence. Il ne faut pas oublier qu’en 1931, les évêques catholiques allemands avaient déclaré à la conférence de Fulda, qu’il est incompatible d’être catholique et nazi.

L’opposition fondamentale entre la doctrine catholique et la doxa des nazis est traitée par l’encyclique Mit brennender Sorge (1937) signée du pape Pie XI et rédigée par Eugenio Pacelli, futur Pie XII. « Prenez garde, vénérables frères, qu’avant toute chose la foi en Dieu, premier et irremplaçable fondement de toute religion, soit conservée en Allemagne pure et sans falsification. Quiconque identifie, dans une confusion panthéistique Dieu et l’univers, abaissant Dieu aux dimensions du monde ou élevant le monde à celles de Dieu, ne fait pas partie des croyants ! »  C’est le premier texte chrétien condamnant l’idéologie nazie. Le document du magistère est lu en chaire dans toutes les églises d’Allemagne le dimanche des rameaux.  A la suite de cette prise de position, 1100 prêtres sont arrêtés.

Ce que dénonce le texte papal, c’est la mythologie aryenne de la germanité. Bien que né d’une mère catholique, Hitler adulte est devenu hostile au catholicisme. Avec son parti, il a rapidement promu un mouvement dénommé « christianisme  positif » qui rejette la doctrine chrétienne et qui surtout exècre les éléments juifs du christianisme.

L’historien Laurence Rees a montré que Hitler n’a jamais exprimé d’adhésion aux principes de base de la religion chrétienne. Il était rationaliste et matérialiste, persuadé que la science donnerait la victoire aux êtres supérieurs selon la sélection naturelle. Alan Bullock, expert du nazisme, souligne le fait que Hitler ne croyait ni en Dieu ni en la conscience humaine : « Aux yeux de Hitler, le christianisme était une religion pour les esclaves. Il détestait son éthique. Selon lui, son enseignement était une rébellion contre la loi naturelle de la sélection par la lutte et la survie des plus aptes ».

Friands d’ésotérisme, et sous le signe nazifié de la svastika, symbole indien du dynamisme vital, Hitler et Himmler envoient en mission au Tibet le SS Harrer en 1938. On sait que le Führer a consulté des lamas tibétains lors de décisions importantes comme l’invasion de la Pologne et de la Tchécoslovaquie. (Il est regrettable que le Dalaï Lama « Océan de sagesse » ait tressé en 2008 des louanges à Harrer pour son lien de médiation entre l’Orient et l’Occident… Voir l’article du journal Libération). De nombreuses études ont été publiées sur l’occultisme nazi.

Quoi qu’il en soit, après la publication de l’encyclique Mit brennender Sorge en 1937, Hitler déclare que « la science détruira les derniers vestiges de la superstition ». Il qualifie le pape et les évêques « d’insectes noirs ». Il considère que le « christianisme est mûr pour la destruction (Untergang) » et il s’opposera à « l’institution la plus horrible imaginable ». Hitler confie à Albert Speer, son secrétaire : « Vous voyez, nous avons la mauvaise religion ! Pourquoi n’avons-nous pas eu la religion des Japonais qui considère le sacrifice pour la patrie comme le plus grand bien ? La religion musulmane nous aurait été beaucoup plus bénéfique que le christianisme : pourquoi devons-nous endurer le christianisme avec sa douceur et sa mollesse ? »…Il précise même : « Si Charles Martel n’avait pas été victorieux à Poitiers, nous aurions été en toute logique convertis à l’islam. Ce culte qui glorifie l’héroïsme et qui ouvre le septième ciel au combattant. Ensuite, les races germaniques auraient pu conquérir le monde… Les peuples de l’islam ont toujours été plus près de nous que par exemple la France ». Martin Bormann note que Hitler voit le christianisme comme « une fumisterie, une absurdité fondée sur des mensonges dont il est difficile de venir à bout »

Dans « Libres propos », Hitler déclare péremptoirement : « Je ne savais pas que Julien l’Apostat avait jugé avec autant de clairvoyance le christianisme et les chrétiens…Le Galiléen que l’on appellerait plus tard le Christ prenait position contre la communauté juive, il n’était pas juif… L’objectif du galiléen était de libérer son pays de l’oppression juive. C’est pourquoi les juifs l’ont liquidé. »

Alfred Rosenberg, idéologue principal du parti nazi, dit dans son journal qu’Hitler était antichrétien et voulait éliminer le christianisme. Dans Mein Kampf, Hitler écrit : « Je suis en accord avec la volonté du Créateur : en me défendant contre le juif, je me bats pour son œuvre… »

En effet, la première cible obsessionnelle de Hitler et de son parti, ce sont les juifs. Il les considère comme des Untermenschen (sous-hommes). Il assimile aussitôt le christianisme à cette détestation, estimant qu’ « il est de façon indélébile juif d’origine et de caractère ».

L’année de la prise de pouvoir d’Hitler, en 1933, une vague d’arrestation déferle sur la Bavière. 2000 personnes sont arrêtées, parmi lesquelles de nombreuses personnalités catholiques. Les prêtres sont mis en détention.

De 1933 à 1938, la mise en place de l’Etat nazi conduit à l’affrontement avec les Eglise chrétiennes. Après la nuit des longs couteaux, pendant laquelle le chef des S.A. Ernst Röhm est assassiné, sont également tués Erich Klausener, responsable de l’Action catholique de Berlin, Adalbert Probst, chef de l’organisation catholique des sports, Kuno Klausener membre du parti catholique Zentrum, Erich Jung, militant chrétien antinazi, Fritz Gerlich, chroniqueur protestant converti au catholicisme. Toutes les associations catholiques sont dissoutes en 1938.

En 1938 également, la Sacrée congrégation des séminaires et universités publie à la demande du pape un Syllabus qui condamne les théories racistes et est envoyé aux établissements catholiques du monde entier. Les catholiques allemands, minoritaires se sentent soutenus par le pape, et prennent les risques d’une confrontation avec le pouvoir nazi, tout en revendiquant leur patriotisme.  En 1941, la lettre pastorale collective des évêques allemands prône la désobéissance civile. « Un chrétien est délié de son serment, si ce dernier entre en conflit avec ce qui est dû à Dieu »

En 1940, les cardinaux Bertram et Faulhaber dénoncent publiquement le programme d’euthanasie du régime. Mgr Von Galen explique en détail comment les nazis procèdent et sa déclaration circule dans tout le pays.

A partir de 1933, les violences physiques contre les juifs cèdent le pas à des mesures bureaucratiques, dont l’internement dans des camps tels que Dachau. Après la nuit de cristal, le doyen de la cathédrale de Berlin, Bernhard Lichtenberg prie publiquement pour les juifs persécutés. Il est emprisonné et meurt à Dachau, comme environ 500 prêtres allemands. En 1941, le port de l’étoile jaune est obligatoire en Allemagne, il concerne aussi les catholiques d’origine juive. En 1943, la gestapo arrête plusieurs milliers de catholiques juifs mariés à des aryennes.

Si certains catholiques restent timorés, beaucoup d’autres résistent à l’oppression nazie et prennent part à la résistance.

L’Eglise protestante face au nazisme

La majorité des communautés protestantes d’Allemagne est luthérienne. Elles sont historiquement liées aux monarchies des états allemands. Dans chaque « Landeskirche » (Eglise d’Etat) le chef de l’Eglise est le prince local, duc, ou roi, à la manière des anglicans, chez qui les pouvoirs temporel et spirituel sont confondus. Dès les débuts de la prise de pouvoir du chancelier Hitler, ces Eglises se rallièrent au parti nazi. De nombreux chrétiens allemands s’unirent autour du projet hitlérien du « christianisme positif », système religieux opportuniste adapté à la mythologie raciste germanique.

En réaction à ce soutien au nazisme, une petite fraction du protestantisme se mit en résistance, formant une « Eglise confessante » très courageuse. Cependant, à l’inverse, la grande majorité des luthériens et réformés allemands apporta son soutien entier au régime nazi. Parmi eux, un groupe dénommé « Glaubenbewegung Deutsche Christen », ou « chrétiens allemands », prit des mesures visant à nazifier l’Eglise protestante. La plupart des pasteurs allemands adhéra au parti nazi, et accepta d’éliminer de la Bible les éléments judaïques. La foi protestante était infiltrée et déviée de sa trajectoire spirituelle. Suite au grand rassemblement des « Chrétiens allemands » au Palais des sports, un petit groupe de pasteurs résistants, dont Dietrich Bonhöffer et Martin Niemöller, s’opposèrent au paragraphe aryen. En 1934, un autre groupe autour de Karl Barth déclara que « l’Eglise n’est pas un organisme d’Etat et qu’elle n’a pour fondement que la Parole de Dieu »

L’Eglise confessante est sévèrement réprimée. Martin Niemöller est arrêté, ainsi que Dietrich Bonhöffer qui mourra exécuté au camp de Flössenburg.

C’est grâce à cette Eglise confessante, très minoritaire, que le protestantisme allemand a pu par la suite se détacher de l’emprise étatique et retrouver une liberté de parole. Mais l’Eglise protestante officielle majoritaire n’a jamais été considérée comme un adversaire par le régime nazi, à la différence de l’Eglise catholique, minoritaire en Allemagne, mais reliée aux instances romaines par sa hiérarchie locale. Il y eut 4 fois plus de prêtres catholiques envoyés en camps de concentration que de pasteurs protestants, alors que la population protestante était le double de la population catholique.

En 1935, cette différenciation s’annonçait déjà lorsque le théologien protestant Erik Peterson récemment converti au catholicisme, publiait une étude intitulée : « Le monothéisme comme problème politique » analyse dans laquelle il refusait la posture dominante devenue une sorte de nazisme théologisé.

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Abbé Alain René Arbez, prêtre catholique, commission judéo-catholique de la conférence des évêques suisses et de la fédération suisse des communautés israélites, pour Dreuz.info.

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