Publié par Abbé Alain René Arbez le 7 juillet 2021
Le massacre de la Saint-Barthélemy – François Dubois – 1576 à 1584 – Musée des Beaux-Arts de Lausanne

On raconte tellement de choses autour de cette journée symbolique, mais on oublie les événements qui l’ont précédée et peut-être préparée…

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L’épisode sanglant et horrible de la Saint Barthélémy est devenu un symbole anti-catholique. A partir de cet événement produit par une conjoncture très particulière, les historiens anticléricaux du 19ème s. ont forgé le mythe d’une Eglise catholique systématiquement prête à tuer pour défendre ses positions.

Il vaut donc la peine de resituer ce qui s’est passé ce 24 août 1572 à la lumière de faits historiques antérieurs, occultés pour la cause.

En 1517, le moine catholique Martin Luther expose ses thèses qui, en dénonçant des abus majeurs au sein de l’institution, va déclencher une onde de choc en Europe que ni l’autorité pontificale, ni les pouvoirs temporels ne pourront maîtriser. Des princes allemands vont adhérer à la Réforme plus souvent par intérêt que par conviction, pensant acquérir une indépendance au sein d’alliances changeantes et complexes.

Il est vrai que la papauté du 16ème s. , même si elle porte au-delà de ses dérives le flambeau des principes chrétiens, est empêtrée dans ses prétentions théocratiques. Le mouvement réformateur se met en place et prend une telle ampleur que cela suscite d’importants remous politiques. Des guerres civiles ensanglantent la France, l’Angleterre et l’Ecosse. C’est le commencement de ce qu’on appellera « guerres de religion » (de 1559 à 1598) mais qui sont aussi d’évidents conflits d’intérêts antagonistes au cœur d’un tissu social déchiré. Les jeux d’alliances entre puissances européennes et pouvoirs locaux conduisent à instrumentaliser les controverses théologiques. On peut se demander si les affrontements interconfessionnels sont les causes ou les conséquences du désordre général surgi des évolutions politiques en cours en Europe, mais on voit que la redistribution des cartes s’opère à travers des flots de sang.

C’est pourquoi, pour comprendre comment la Saint Barthélémy a pu avoir lieu, il faut prendre en compte les événements qui l’ont précédée. Dans le cadre des conflits entre les Habsbourg et les Valois pour la suprématie en Europe (entre Charles-Quint et François 1er) le saccage de Rome creuse un abime entre catholiques et protestants.

Le sac de Rome, 1527 

La Rome catholique est attaquée et pillée par les lansquenets protestants, mercenaires de l’empereur Charles Quint. La garde suisse du pape Clément VII est massacrée, le souverain pontife s’enfuit de justesse pour se réfugier au Château St Ange où il restera emmuré 6 mois jusqu’au paiement d’une forte rançon pour sa libération. Conduits par Georg von Frundsberg, commandant luthérien déterminé, des milliers de soldats protestants s’emparent du Borgo au Vatican puis ils se déchaînent dans toute la ville mise à sac : les églises sont vandalisées et pillées. Rome leur avait été présentée par leurs chefs comme la Babylone renégate, et le pape comme la figure de l’antéchrist. Les assassinats se multiplient dans la population avec une cruauté hors du commun : viols de femmes, tortures de jeunes gens, actes sacrilèges, profanation de tombes, destruction de reliques. Des cardinaux et des évêques sont vendus comme esclaves, et des groupes de soldats organisent des processions au cri de « Vivat Lutherus Pontifex » ! Ils élisent alors un « pape Luther » et font des sarabandes dans la ville, accoutrés d’ornements sacerdotaux. 

Les massacres se poursuivent durant un an. La population de Rome était recensée au nombre de 55000 personnes avant l’attaque, ils ne sont plus que 12000 lorsque les 15000 lansquenets luthériens se retirent en 1528. Les innombrables cadavres jonchent les rues et ne sont pas enterrés, ce qui déclenche la peste dans la ville.

La Michelade de Nîmes

Autre épisode sanglant précédant la Saint Barthélémy : la « Michelade de Nîmes » en 1567. Le jour de la St Michel, grande fête locale, des émeutiers protestants décident de prendre la ville aux catholiques. Ils se mettent d’abord à piller toutes les églises catholiques de la ville. Dans le feu de l’action, ils en arrivent à rassembler une centaine de catholiques dans la cour intérieure de l’archevêché et ils les massacrent sans pitié. Il s’agit de notables civils, religieux et militaires. Parmi les premières victimes, le père Jean, prieur des Augustins. Tous sont appelés par leur nom, un par un, certains sont égorgés sur place, d’autres sont jetés dans des puits.

La Saint Barthélémy, 1572

C’est lors du mariage interconfessionnel controversé entre Henri de Navarre, futur Henri IV, avec Marguerite de Valois, que les tensions commencent à s’échauffer à Paris, ville notoirement anti-huguenote. Le parlement de Paris est opposé à ce mariage à Notre Dame, et c’est à l’extérieur de la cathédrale qu’il est contracté. Les festivités s’ensuivent et prennent une allure paganisante qui froisse les sensibilités catholiques. Les clans affûtent leurs intrigues et après attentats et assassinats réciproques de notables autour d’enjeux de pouvoir, l’étincelle finale met le feu aux poudres. Les chefs catholiques s’organisent, et les protestants sont pour la plupart défenestrés. On comptera environ 3000 victimes à Paris. Le conflit meurtrier embrase ensuite des villes de France comme Meaux, Orléans, Bourges, Saumur, Angers, Bordeaux, Toulouse, Albi, Lyon, Valence, etc. On dénombre 15000 victimes en dehors de Paris, et le choc sociétal ainsi créé devient une bombe à retardement aux multiples mèches.

Aujourd’hui, heureusement, catholiques et protestants ne s’entretuent plus. Ils cherchent même comment agir ensemble au cœur des défis de notre temps au nom d’une éthique commune. Toutefois, les événements récents de l’Irlande du Nord (guerre territoriale entre catholiques et protestants) manifestent clairement que les divergences théologiques ne sont pas la base réelle des affrontements, mais que ce sont bien les enjeux politiques qui enclenchent les conflits interconfessionnels.

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Abbé Alain René Arbez, prêtre catholique, commission judéo-catholique de la conférence des évêques suisses et de la fédération suisse des communautés israélites, pour Dreuz.info.

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