Publié par Jean-Patrick Grumberg le 29 juillet 2021

Yves Mamou est l’auteur de «Dix petits mensonges et leurs grandes conséquences*», un livre sous-titré «Auschwitz, Israël, la Palestine et nous».

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Dans cet ouvrage, Yves Mamou s’interroge sur l’antisionisme et montre que les mensonges inventés pour stigmatiser l’Etat d’Israël se retournent aujourd’hui comme un gant contre les populations non-juives d’Europe et d’Amérique.

Vous écrivez qu’un tissu de mensonges a été construit sciemment autour de l’Etat d’Israël. Qui pensez-vous convaincre ?

Je me suis attaqué à ce mur de mensonges pour ma propre santé mentale

Yves Mamou. J’ai voulu me convaincre moi-même pour commencer. Quand j’étais journaliste au Monde, je n’osais pas dire à mes collègues que j’avais passé quinze jours de vacances en Israël. Je n’osais pas dire qu’il existait un abîme entre les comptes rendus politiques du correspondant du Monde en Israël et la réalité du pays telle que je la percevais. Et je n’osais pas le dire, car je manquais d’arguments pour analyser la victimisation à outrance des Palestiniens. Alors je me taisais.

Aujourd’hui, je m’aperçois que les Juifs en France et en Europe n’osent plus manifester pour défendre Israël et qu’ils craignent de passer pour des racistes et des islamophobes. Ils ont peur aussi de déplaire à un pouvoir politique qui est devenu otage de l’immigration musulmane. Je me suis donc attaqué à ce mur de mensonges pour ma propre santé mentale, mais aussi pour la santé mentale des Juifs de la diaspora en général, pour leur dire qu’il est temps de lever la tête et qu’il est vital pour eux de défendre Israël, car en défendant Israël, ils ne défendent pas seulement les Juifs, ils défendent aussi la France en tant qu’elle est et doit demeurer un Etat-nation.

Pourquoi dites-vous que le discours sur Israël est constitué de mensonges ? 

Je dis surtout qu’il est temps que ces mensonges cessent. Entendre dire qu’Israël est un Etat colonial qui viole au quotidien le droit international et les droits de l’homme, lire que l’UNESCO et l’ONU votent, semaine après semaine, des résolutions infamantes sur l’illégitimité d’une présence juive en Terre Sainte et à Jérusalem, découvrir que les Juifs auraient instrumentalisé la Shoah pour mieux discriminer les Palestiniens, écouter les dirigeants arabes affirmer que la Nakba est un équivalent de la Shoah et que les Palestiniens sont les Juifs du Moyen-Orient, voir les médias susurrer gentiment que les Juifs prennent un malin plaisir à  tuer des enfants arabes… Tous ces mensonges qui s’énoncent au quotidien à la radio, à la télévision et dans la presse écrite deviennent insupportables. Et chacun d’eux s’inscrit dans un discours de diabolisation. 

Mais que l’on me comprenne bien : mon livre n’est pas une protestation indignée, ni une tentative de réhabilitation d’Israël. Je n’émets pas une protestation morale, j’ai juste voulu comprendre quelle était la fonction de ce mensonge. 

Mensonges d’accord, mais dans quel but ? 

Pierre-André Taguieff a montré que le discours anti-juif a muté avec la naissance de l’Etat d’Israël. Après la victoire éclair de 1967, on n’a plus accusé les Juifs d’empoisonner les puits ou de polluer la pureté de la race, mais on les a accusés d’être «racistes» et «colonialistes» et de «pratiquer l’apartheid» contre les Palestiniens. Le mensonge a changé, mais l’intention derrière le mensonge n’a pas changé : il s’agit toujours de désigner un bouc émissaire et de délégitimer le Juif dans sa volonté de restaurer une identité nationale. 

Mais pour qu’il y ait mensonge, il faut des menteurs. Qui ment ?     

Les mensonges qui enveloppent l’Etat d’Israël auraient dû avec le temps s’effilocher, puis disparaître. Mais avec le temps, ils se sont renforcés. Ce qui est le signe d’une hostilité viscérale. Le mensonge a un rôle dans l’Histoire. Il précède toujours la violence. Qui a intérêt à la violence ? Le monde arabe allié la gauche occidentale. 

Le monde arabe à l’évidence, mais pourquoi la gauche occidentale ?

Ils se sont prosternés devant une autre idole, une idole fabriquée de toutes pièces, la victime musulmane

La haine d’Israël n’est pas une haine banale. Israël cristallise deux millénarismes contre lui, un millénarisme islamique et un millénarisme chrétien. Concernant les musulmans, le conflit avec Israël se poursuit avec des intensités variables, mais on n’en voit jamais le bout. Cette permanence du conflit est le signe que pour les musulmans, une présence souveraine juive sur une terre qu’ils considèrent comme islamique a quelque chose d’insupportable. C’est ce caractère insupportable qu’il faut questionner, c’est ce rejet viscéral de toute idée de «partage» de la terre qu’il faut analyser. Pour les musulmans, rien ne se produit sans qu’ils l’attribuent à la volonté d’Allah. En bonne logique, ils devraient accepter le retour d’Israël comme une volonté de Dieu. Or ce n’est pas le cas. Il faut se rappeler que quand l’islam apparaît au 7ème siècle, le royaume juif a déjà disparu depuis plus de six siècles. Le Coran évoque certes le don qu’Allah a fait aux Juifs de la terre de Canaan, mais pour les musulmans, il s’agit d’une chose du passé. Le don a eu lieu, mais il est caduc. Le retour d’Israël en tant que nation en 1947 et sa victoire sur cinq armées arabes en 1948 est incompréhensible. Est-il pensable qu’Allah ait fait don de Canaan aux Juifs une seconde fois ? Si ce don de Canaan a eu lieu une seconde fois, alors l’histoire que les musulmans se racontent depuis 1400 ans, à savoir qu’ils sont le peuple élu par Allah pour une nouvelle alliance, est fausse. Mais comme cette conviction d’avoir succédé aux Juifs et aux Chrétiens comme peuple élu de Dieu ne peut être fausse – alors le retour d’Israël sur la scène nationale et politique ne peut pas être l’œuvre d’Allah. Israël est et doit être perçu comme une manœuvre du Sheitan, l’œuvre du démon. D’où la guerre permanente contre lui. Tel est l’état de la réflexion arabe sur Israël.

Les choses se compliquent encore avec le surgissement d’un second millénarisme, un millénarisme chrétien. Ce millénarisme surgit sur fond de déshérence spirituelle. Deux évènements majeurs ont eu lieu au XXème siècle : la sortie de nombreux chrétiens du giron de l’Église catholique et la chute de l’Union soviétique. Ces chrétiens ont cessé de croire en Jésus et le goulag les a obligés à renoncer à l’espérance d’un paradis sur terre. Les Occidentaux, comme tous les êtres humains, sont des êtres religieux. Il peuvent renoncer à Jésus ou au socialisme, mais il leur faut croire en quelque chose. Ils se sont alors prosternés devant une autre idole, une idole fabriquée de toutes pièces, la victime musulmane. La gauche occidentale a trouvé dans l’islam une raison de persévérer dans son être. C’est principalement contre Israël que cette alliance de la gauche chrétienne et de l’islam s’est concrétisée. 

Vous titrez votre livre «Dix petits mensonges et leurs grandes conséquences*». Quelles sont les «grandes conséquences» ? 

Les Juifs ont l’habitude d’être traités comme des Juifs, et ils montrent qu’ils peuvent résister. Mais les Blancs de souche non-juifs sauront-ils résister à la délégitimation de type antisémite qui leur est infligée ? 

Les juifs ont toujours dénoncé l’antisionisme comme une forme d’antisémitisme. Ce n’est pas faux, mais ça ne dit rien. La thèse principale de mon livre est que l’antisionisme a été le premier antiracisme politique. Israël a servi de cobaye. L’antiracisme politique, celui qui accuse les Européens et les Américains d’avoir construit des sociétés intrinsèquement racistes, de pratiquer l’apartheid contre leurs minorités ethniques, de se comporter comme des colonialistes envers leurs populations Noires et Arabes… cet antiracisme-là est un antisionisme adapté aux populations non-juives d’Europe et des Etats-Unis. Après avoir expérimenté l’antisionisme contre les Juifs et Israël, la gauche alliée à l’islam a fait de l’antiracisme un bélier contre les Occidentaux. Les mots changent, mais il s’agit du même pilonnage, du même outil de dislocation sociale. Pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, l’occidental non-juif est traité sur son propre sol comme un Juif. Français blancs de souche, Anglais blancs de souche, Américains blancs de souche… tous Juifs. Les Juifs ont l’habitude d’être traités comme des Juifs, et ils montrent qu’ils peuvent résister. Mais les Blancs de souche non-juifs sauront-ils résister à la délégitimation de type antisémite qui leur est infligée ? 

Propos recueillis par Jean-Patrick Grumberg

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