Publié par Daniel Pipes le 22 juillet 2021

Selon une étude menée à grande échelle et amplement commentée, « La conversion des Européens aux valeurs de droite », l’Europe occidentale suivrait une tendance conservatrice. Mais à l’examen attentif des données de cette étude, il s’avère que ce n’est pas le cas.

La Fondation pour l’innovation politique (Fondapol), qui se qualifie de « think tank libéral, progressiste et européen », a interrogé 7 603 personnes en Grande-Bretagne, en France, en Allemagne et en Italie entre le 20 janvier et le 10 février 2021. En contraste frappant avec les tendances historiques, l’étude a constaté que les jeunes étaient plus conservateurs que les seniors, laissant penser à ce mouvement vers le conservatisme signalé dans le titre.

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Pour être précis, 41 pour cent des jeunes (définis comme étant âgés de 18 à 34 ans) se situent à droite ainsi que 38 pour cent des seniors (50 ans et plus). De même, 24 % des jeunes se situent à gauche contre 30 % des seniors. Il faut noter que ces termes ne sont pas définis par les sondeurs mais que ce sont les répondants qui sont invités à le faire. Les différences statistiques ne sont pas importantes mais étant donné que les jeunes deviennent généralement plus conservateurs avec l’âge et, en supposant que ces quatre pays soient représentatifs de l’Europe occidentale dans son ensemble, ces données suggèrent que la droite en Europe occidentale pourrait renforcer son avance sur la gauche.

L’auteur de l’enquête de Fondapol, Victor Delage, explique ce virage à droite comme étant principalement dû à trois des sujets les plus brûlants en Europe occidentale : « L’hostilité à l’immigration, la méfiance envers l’islam et l’attachement au libéralisme économique ».

Néanmoins, l’examen des données de Fondapol concernant les deux premiers sujets contredit étonnamment l’explication de Delage. Premièrement, les jeunes acceptent les immigrés nettement plus que ne le font leurs aînés : seuls 46 % des 18-24 ans sont d’accord pour dire qu’« il y a trop d’immigrés » dans leur pays, alors que chez les seniors, la proportion est de 60 %. Deuxièmement, Fondapol constate que 44 % des jeunes en France (la question n’a été posée que dans ce pays) pensent que « l’islam représente une menace pour le pays ». Or, les seniors sont 72 % à partager cette opinion, un chiffre qui représente une différence énorme.

En supposant que les résultats obtenus en France s’appliquent aux trois autres pays, ces chiffres révèlent une contradiction apparente : tout en s’identifiant à la droite, une majorité relative de jeunes se montre moins préoccupée par l’immigration et l’islam, deux sujets pourtant largement associés à la droite. Comment dès lors ces jeunes peuvent-ils être plus à droite que leurs aînés alors qu’ils sont moins soucieux d’enjeux prioritaires comme l’immigration et l’islam ?

Quatre Premiers ministres faussement conservateurs dans un bateau en juin 2014 (de gauche à droite) : le Britannique David Cameron, l’Allemande Angela Merkel, le Suédois Fredrik Reinfeldt et le Néerlandais Mark Rutte.

Il suffit de considérer les partis et les dirigeants associés à la droite en Europe occidentale pour résoudre l’énigme. L’Allemande Angela Merkel, voix dominante de la droite respectable, et ses épigones au Royaume-Uni (par exemple, David Cameron), aux Pays-Bas (Mark Rutte), en France (Nicolas Sarkozy), en Espagne (Mariano Rajoy), en Suède (Fredrik Reinfeldt) et ailleurs s’inquiètent peu du nombre actuel d’immigrants ou de la compatibilité de l’islam avec les valeurs autochtones.

Horst Seehofer, ministre allemand de l’Intérieur.

Si on observe le cas d’Angela Merkel, on constate qu’elle a promu l’idée de Willkommenskultur, ou culture d’accueil des migrants, selon laquelle les étrangers, peu importe d’où ils viennent ou quel que soit leur statut juridique, ont une place légitime en Allemagne. En réponse à son ministre de l’Intérieur, Horst Seehoffer, qui déclarait que « l’islam ne fait pas partie de l’Allemagne », Merkel a insisté sur le fait qu’au contraire, « l’islam fait partie de l’Allemagne ». D’autres personnalités conservatrices ont fait des déclarations similaires.

Autrement dit, les « valeurs de droite » évoquées dans l’enquête de Fondapol ne représentent qu’une version atténuée de ce qu’un vrai conservateur entend par cette expression. L’étude se concentre sur les aspects économiques, en particulier sur l’importance et le rôle de l’État, et n’accorde pratiquement aucune attention aux valeurs traditionnelles, à l’éducation, à la responsabilité individuelle, à l’indépendance nationale, au marché libre, au caractère universel de la loi, à la famille nucléaire, aux sanctions pénales ou encore à la liberté d’expression et de religion. Et ne parlons pas des questions de société explosives telles que le racisme, la discrimination positive, l’inégalité des revenus, le changement climatique, la culture de l’annulation (cancel culture), l’avortement, le mariage homosexuel ou la transsexualité.

Ce n’est que parmi les partis politiques d’Europe occidentale considérés comme « d’extrême droite » que l’on trouve ne serait-ce qu’un semblant de véritable conservatisme. Ces partis sont cependant discrédités et dénigrés, ce qui limite leur capacité de séduction alors qu’ils s’attirent les éléments marginaux de la société.

De façon plus générale, les Européens de l’Ouest ne se tournent pas du tout vers les « valeurs de droite » mais s’en éloignent de plus en plus. Fondapol se trompe complètement : à l’exception du domaine économique, les valeurs de gauche sont prépondérantes et prennent de plus en plus d’ampleur. C’est exactement ce qu’on perçoit de l’extérieur.

M. Pipes (DanielPipes.org@DanielPipes) est président du Middle East Forum et chercheur émérite invité (visiting senior fellow) au Mathias Corvinus Collegium de Budapest. © 2021 par Daniel Pipes.

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