Dans l’extrait qui suit de mon livre Les mythes fondateurs de l’antisionisme contemporain, qui vient de paraître, j’analyse la distinction faite par Éric Marty à propos du récit de Sabra et Chatila par Jean Genet, entre le fait et l’événement. Cette distinction est essentielle pour notre compréhension du discours et des mythes antisionistes.
“Grâce à Genet, nous avons compris… ce qu’était un événement, nous avons compris qu’un événement était tout le contraire d’un fait, nous avons compris que pour qu’un événement soit, il suppose de porter en lui une dimension métaphysique – il doit, comme phénomène, toucher à l’essence de ce qu’il représente”[1].
Éric Marty
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“Tout le contraire d’un fait” – cette définition de l’événement s’applique parfaitement au récit médiatique du conflit israélo-arabe, dans lequel les faits sont constamment déformés, mutilés, obscurcis ou escamotés. Mais il ne s’agit pas tant d’une volonté délibérée de tromper (qui existe parfois), que d’une conséquence presque inévitable de la posture médiatique. En effet, comme l’écrit Marty à un autre endroit, “la déformation, la désinformation sont pratiquement totales, aussi naturelles aux médias… que le fait de respirer”.
Si les médias, selon Éric Marty, “mentent comme ils respirent” à propos d’Israël, ce n’est pas, bien entendu, parce que les journalistes seraient des menteurs invétérés, mais plus prosaïquement, parce qu’ils ne se préoccupent guère des faits. lls cherchent – ou plutôt ils créent – des événements, c’est-à-dire des faits qui rentrent dans leur grille de lecture. Tout fait qui n’entre pas dans leur grille de lecture, qui ne lui correspond pas, ou qui la contredit, est évacué, éliminé, ou encore transformé et travesti pour lui correspondre.
Ainsi, dans l’exemple de l’assassinat délibéré de la petite Shalevet Pass – le fait de cet assassinat était éliminé, pour faire place à l’événement que constituait, aux yeux du journal Le Monde ou de l’Associated Press, les “obsèques de la haine” ou les “appels à la vengeance” des Juifs de Hébron. L’événement, comme dit Marty de manière saisissante, est “le contraire d’un fait”. Dans les faits, un sniper palestinien tue un bébé juif israélien. Mais ce fait, apparemment limpide dans sa cruauté et sa barbarie, donne lieu pour les médias à la création d’un événement contraire, qui est le prétendu appel à la haine des Israéliens.
Bien entendu, on pourrait offrir une lecture moins radicale du travail médiatique, en expliquant que les médias choisissent et sélectionnent les “faits”. Selon cette autre lecture, l’événement serait simplement un fait choisi et privilégié par les médias, et non plus le contraire d’un fait. Ainsi, entre le fait de l’assassinat du bébé juif, et le fait des appels à la vengeance, ils donneraient la préférence au second, qui cadre mieux avec leur grille de lecture. Mais une telle description est bien en-deça de la réalité, comme le montre l’analyse d’Éric Marty à propos de Sabra et Chatila.
Dans la relation médiatique de cet événement, il ne s’agit plus seulement de choisir et de sélectionner certains faits, mais aussi et surtout d’ériger certains faits en événements, ou plutôt de créer des événements qui n’ont qu’un rapport lointain – le plus souvent d’inversion et de négation – avec les faits[2]. Ainsi, le fait de l’assassinat de Palestiniens par des phalangistes chrétiens devient l’événement mythique dans lequel Ariel Sharon, Tsahal, Israël, voire “les Juifs” sont les coupables de ces assassinats. L’événement Sabra et Chatila, selon cette analyse, est bien le contraire des faits qui s’y sont déroulés. Mais notre nouvelle définition de l’événement médiatique est incomplète : il comporte en effet également une dimension supplémentaire, métaphysique.
Cette “dimension métaphysique” de l’événement est particulièrement saisissante dans le cas de Sabra et Chatila, où le massacre de centaines de Palestiniens par des phalangistes chrétiens est devenu un acte d’accusation contre les Juifs. En effet, poursuit Marty, “Sabra et Chatila dit peu de choses des souffrances et de l’horreur que vécurent ses victimes”, parce qu’il “est intégralement noué à la question juive, en tant qu’elle est le lieu auquel sont nouées l’angoisse du Bien et l’angoisse du Mal. Sabra et Chatila en ce sens est un événement métaphysique, auquel le scénario du bouc émissaire confère une sorte d’universalisme spectaculaire qui ne peut que fasciner la planète”.
Pour comprendre plus précisément cette dimension métaphysique de “l’événement Sabra et Chatila”, Éric Marty nous invite à lire ce qu’il appelle la “phrase primordiale et majeure” de Jean Genet, tirée de son livre Un captif amoureux[3] : “Si elle ne se fût battue contre le peuple qui me paraissait le plus ténébreux, celui dont l’origine se voulait à l’Origine, qui proclamait avoir été et vouloir demeurer l’Origine… la révolution palestinienne m’eût-elle, avec tant de force, attiré?[4]” Cette phrase, effectivement, est capitale, parce qu’elle donne la clé de compréhension non seulement de l’engagement de Jean Genet, qui se livre avec sincérité et lucidité, mais aussi de celui de très nombreux autres militants antisionistes. En ce sens, on a pu dire que la “chance” des Palestiniens était d’avoir pour adversaires les Juifs.
C’est à la lueur de cette affirmation capitale de Genet, qu’on comprend aussi la dimension métaphysique et mythique de Sabra et Chatila, et au-delà de cet événement, du conflit israélo-arabe dans sa totalité. L’événement Sabra et Chatila – comme la Nakba que nous avons abordée plus haut, comme l’événement Deir Yassin sur lequel nous allons revenir et comme tant d’autres événements du même acabit – ne sont en effet que les maillons d’une même chaîne ininterrompue, qui remonte à la nuit des temps (c’est précisément la définition du mythe, qui renvoie toujours aux origines). C’est toujours le même spectacle qui est rejoué indéfiniment, et chaque partie est toujours assignée au même rôle : le Juif est toujours assigné à son rôle d’assassin (assassin du Christ pour les chrétiens, assassin des prophètes pour les musulmans, assassin des Palestiniens pour le téléspectateur contemporain).
Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Pierre Lurçat pour Dreuz.info.
* Extrait de mon livre Les mythes fondateurs de l’antisionisme contemporain, qui vient de paraître (éditions de l’éléphant, Jérusalem, disponible sur Amazon).
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[1] Eric Marty. Bref séjour à Jérusalem, op. cit, p.175
[2] Sur le rapport entre faits et événements dans les médias, voir aussi l’analyse éclairante de Neil Postman dans son livre récemment traduit en français, Technopoly, L’échappée 2020.
[3] Première édition Folio Gallimard 1986.
[4] Cité dans Bref séjour à Jérusalem, op. cit. p. 155.
Super article …
Cette Haine Abysalle remonte tout au début avant que naisse la Religion Musulmane.
A cet époque des Hébreux en EXIL vivaient à Médine et un certain Ali , neveu de Mohammed travaillait dans ce que l’on peu appeler une Yechiva.
Or un Jour Mohammed demanda à Ali , que fais tu chez ces gens ,
J’y travaille et en même j’apprends en écoutant , car ces gens là , sont issus du Peuple du Livre.
C’est quoi ce livre , c’est tout ce qui a trait à leur D….. Répondit Ali et il lui expliqua quelques psaumes entendus .
Après un certain temps Mohammed demanda à Ali , peux tu écrire et m’apprendre ce qu’il y a dans ce Livre.
Ali s’exécuta et commença à relater à son oncle ce qu’il avait récolter,. Oh oh non non. , Celà ne m’intéresse pas , il n’y a que des Interdits alors que pour moi , rien n’est interdit étant chef de guerre.
Le temps passa , le travail d’Ali se perdit mais fut retrouve’ très longtemps après en Syrie , la personne le parcourut et du fait qu’il y avait le nom de Mohammed, pensa mettre en valeur ce travail , qui à été repris , retravailler selon les non Interdits de Mohammed et l’on retrouve une très grande copie de ce qu’est l’ Ancien Testament , sauf qu’au lieu de l’Amour du prochain on y retrouve la Haine de celui qui n’est pas en ligne avec le Travail d’Ali , et ce fut la naissance du Coran, retouché autant de fois qu’il le fallait.
D’ou cette Haine Antisémite gratuite d’aujourd’hui envers le peuple du Livre qui n’est qu’Amour envers le SEIGNEUR avec tout ce qu’avait transcrit Moïse et qui perdure encore actuellement , ce qui fait la très grande différence de l’écrit d’Ali , corrigé selon les souhaits de Mohammed annotés par le même Ali.
Cette jalousie maladive va en empirant du fait de l’interdit et pas interdit.
Dans le Coran il est écrit
Tout ce qui n’est pas interdit est permis.
Et comme il n’y a rien d’interdit
alors tout est permis…sans vergogne.
il n’y a pas d’antisémitisme antijuif ou anti blanc, ça n’existe pas !
les journaleux doivent recopier les papiers de propagande des grandes agences de presse sans vérifier les infos!
https://www.dreuz.info/2021/07/deferlement-de-haine-raciste-anti-blanc-contre-la-femme-de-ngolo-kante-kante-sa-blanche-la-ensorcele-la-chiennasse-qui-sert-de-copine-a-kante-des-joue-247010.html
Oui mais le sujet est pjilosophiquement trop important pour le traiter si courtement.Il manque 2 tiers d explications sur la logique sacrificielle, la diabolisation, l’inversion victime /coupable etc. C’est comme un embryon d article de recherche réduit à un court résumé et c’est dommage. Prenez le temps de donner sa longueur à l’analyse ou attendez de trouver ce temps (je sais ce que c’est; j’ai le même pb). Bien Cordialement