Publié par Jean-Patrick Grumberg le 12 septembre 2021

Le Washington Post (1) révèle qu’un mystérieux programme secret du Pentagone a commencé trois minutes avant la fin du dernier jour du mandat du président Trump. Et il vient de se terminer, dans le même mystère total.

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Un programme du Pentagone qui a délégué la gestion d’une énorme partie de l’Internet à une société de Floride en janvier – quelques minutes seulement avant que le président Donald Trump ne quitte ses fonctions – a pris fin aussi mystérieusement qu’il avait commencé, le ministère de la Défense ayant repris cette semaine le contrôle de 175 millions d’adresses IP qu’il avait subitement activées.

Le programme avait attiré l’attention d’experts cyber-informatiques et fait l’objet d’un examen minutieux en raison du moment étrange où il avait été lancé, au milieu d’un changement de présidence dans une course électorale accusée de fraude et politiquement très chargée, et en raison de son ampleur considérable, jamais vue auparavant.

Une entreprise inconnue, Global Resource Systems (GRS), s’est retrouvée à contrôler près de 6 % d’une section de l’Internet appelée IPv4, soit 175 millions d’adresses IP qui valent aux enchères plus de 25 $ chacune. Ces adresses IP étaient sous le contrôle du Pentagone depuis des décennies, mais elles n’étaient pas utilisées, alors qu’elles valent des milliards de dollars sur le marché, et elles se sont retrouvées activées sous le contrôle de GRS.

“C’est colossal. C’est la plus grosse opération de toute l’histoire de l’Internet”, a déclaré Doug Madory, directeur de l’analyse Internet chez Kentik, une société d’exploitation de réseaux.

Une étrange société de Floride

Pour ajouter au mystère, les documents officiels de la société Global Resource Systems ont largement de quoi surprendre.

  • La société, à l’époque où elle a reçu 175 millions des 4 milliards 300 millions d’adresses IP que représente la totalité de l’internet, venait d’être créée, ayant déposé ses statuts en septembre 2020.
  • Elle n’avait aucun contrat fédéral déclaré publiquement,
  • Aucun site Web visible par le public,
  • Aucune enseigne, ni nom sur la porte, à son adresse physique à Plantation, en Floride, où elle avait des bureaux au-dessus d’une banque.
  • Les archives montrent que la société n’a pas demandé de licence d’exploitation à Plantation.
  • Lorsqu’un journaliste d’Associated Press a questionné un employé du propriétaire des bureaux de la société, ce dernier a trouvé son nom sur une liste de locataires, et a suggéré de les contacter par email.
  • Après recherches, j’ai découvert que GRS a été constituée dans le Delaware, où elle a été enregistrée par un avocat de Beverly Hills.
  • Le seul nom qui est associé à GRS dans le registre des entreprises de Floride coïncide avec celui d’un homme figurant en 2018 dans les registres des entreprises du Nevada, en tant que membre dirigeant d’une société d’équipements de cybersécurité/surveillance Internet appelée Packet Forensics. Il s’appelle Raymond Saulino.

    Cette société avait près de 40 millions de dollars de contrats fédéraux divulgués publiquement au cours de la dernière décennie, contrats signés avec le FBI et la Defense Advanced Research Projects Agency du Pentagone.
  • La société n’a jamais répondu aux demandes de contact des journalistes.
  • Et le Pentagone n’a pas annoncé le programme ni reconnu publiquement son existence, jusqu’à ce que le Washington Post en fasse état en avril.

Et comme si les choses n’étaient déjà pas assez étranges, le nom de la société, Global Resource Systems, accentue encore le mystère :

  • “Il est identique à celui d’une entreprise qui n’existe plus depuis 10 ans”, a déclaré Ron Guilmette, chercheur indépendant spécialisé dans la fraude sur Internet, “et qui envoyait des spams en utilisant le même identifiant de routage Internet”.
  • Et les deux entreprises étaient à la même adresse, à Plantation.
  • Les dirigeants de l’ancienne entreprise GRS s’appellent Paul G Yovovich et Terrance M Granke.

Après des semaines de questions sans réponses de la part de la communauté des geeks des réseaux, le Pentagone a fourni une explication totalement laconique de ce qu’il faisait. Mais il n’a pas répondu aux nombreuses questions fondamentales, à commencer par “pourquoi il a choisi de confier la gestion de l’espace d’adressage à une société qui n’existait pas avant le mois de septembre.”

Brett Goldstein, chef du service numérique de la Défense du Pentagone, a déclaré que les fonctionnaires fédéraux s’efforcent “d’évaluer et de prévenir l’utilisation non autorisée de l’espace d’adressage IP du DoD [département de la Défense]” et espèrent “identifier les vulnérabilités potentielles dans leur lutte contre les cyberattaques visant les réseaux américains”.

Et ce vendredi 10 septembre, le Pentagone a déclaré au Washington Post que son “programme pilote”, qui a été créé par une unité d’élite du Pentagone connue sous le nom de Defense Digital Service, qui dépend directement du secrétaire à la Défense et se présente comme une “équipe de nerds” qui résout les problèmes d’urgence et mène des travaux expérimentaux pour l’armée, était terminé.

“Le service numérique de la Défense a établi un plan pour lancer le pilote de cybersécurité, et a ensuite transféré le contrôle de l’initiative aux partenaires du ministère de la Défense”, a déclaré au Washington Post Russell Goemaere, un porte-parole du ministère de la Défense.

Le programme est terminé. Ou l’est-il vraiment ?

  • Une recherche sur Bing.com indique que la société GRS n’existe plus.
  • Mike Hamilton, ancien directeur de la sécurité informatique de Seattle et directeur de la sécurité informatique de la société de cybersécurité CI Security, a déclaré à Business Insider en mai dernier que :

“Le type de puissance de calcul dont une entreprise a besoin pour pouvoir analyser 175 millions d’adresses IP et la technologie qu’elle doit déployer, signifient probablement que ce programme pilote a été planifié longtemps à l’avance.”

  • Raymond Saulino, le dirigeant de Packet Forensic dont le nom est associé à GRS, vend actuellement des équipements d’interception qui permettent aux organismes d’application de la loi de mettre des individus sur écoute suite à une ordonnance du tribunal.

Que cache cette opération ?

La consultation de dizaines d’opinions d’experts sur ce programme pilote aussi secret qu’étrange et de proportion monumentale m’a appris une chose : personne ne sait strictement rien (sauf les personnes concernées et elles ne s’expriment pas), et tout le monde a des explications.

Je suis journaliste, je fais mon métier sérieusement. Je laisse les spéculations à la grande presse, très friande de désinformation et de Fake News. Tout ce que j’ai exposé ici est factuel, je n’ai exprimé aucune opinion, fait aucune analyse, relaté aucune conspiration, présenté aucune hypothèse, seulement les faits et rien que les faits.

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Jean-Patrick Grumberg pour Dreuz.info.

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  1. https://news.yahoo.com/secretive-pentagon-program-started-trumps-210113672.html

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