Publié par Drieu Godefridi le 28 janvier 2022

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Cher Arnaud,

Depuis quelques jours, tu diffuses force messages et commentaires assimilant le sort des non vaccinés contre le COVID à celui des Juifs dans la France de Pétain et l’Allemagne hitlérienne. Voici ce que tu ‘postais’ ce matin ; ce me semble un parfait résumé de ta position, sans qu’il soit dès lors besoin d’en publier l’anthologie :

Nous nous croisons et lisons depuis qu’il y a quelques années nous participâmes tous deux au séminaire organisé par Richard Miller et le Centre Jean Gol sur le thème Martin Heidegger, Carl Schmitt, antilibéralisme et antisémitisme. Souvent, nous divergeons, mais je t’ai toujours lu et écouté avec plaisir.

C’est en raison de l’estime que je te porte que je me permets de te dire, sans détour, que ta comparaison entre les non vaccinés et les Juifs sous Pétain et Hitler est moralement obscène parce que factuellement grotesque. Et d’autant plus regrettable que tu as publié sur cette période de l’histoire, dont la factualité ne t’est pas étrangère.

Les privations et interdictions faites aux Juifs en 1942 par le Statut auquel tu te réfères ne tombent pas du ciel et s’inscrivent, comme tu le sais, dans un processus, dont la finalité est l’extermination du peuple juif en tant que peuple, soit la définition du génocide. Quand, en 1942, le régime de Vichy adopte le Statut des Juifs, la solution finale est déjà largement engagée.

Ce fut d’abord du petit travail d’amateur, abattage de masse sur le mode boucherie, selon la technique qui sera généralisée, notamment à l’Est, par les Einsatzkommandos et Einsatzgruppen. On rassemblait les Juifs, hommes, femmes, enfants puis on les massacrait en les « rafalant ». Hermann Graebe décrivit au tribunal de Nuremberg une exécution massive à laquelle il a assisté :

« Toutes ces personnes avaient les placards jaunes réglementaires sur le devant et le dos de leurs vêtements qui affichaient leur qualité de Juifs. (…) Les gens qui étaient descendus des camions — hommes, femmes et enfants de tous âges — devaient se dévêtir sur les ordres d’un SS (…). Ils devaient poser leurs vêtements à des endroits déterminés (…). Sans crier ni pleurer, ces personnes se déshabillaient, se groupaient par familles (…) et attendaient un signe d’un autre SS qui se tenait près de la fosse (…). À ce moment le SS qui se trouvait près de la fosse cria quelque chose à son camarade. Ce dernier compta environ vingt personnes et leur dit d’aller derrière le monticule de terre. (…) Je tournai autour du monticule et me trouvai en face d’une énorme fosse. Les gens étaient étroitement serrés les uns contre les autres et les uns sur les autres de sorte que seules les têtes étaient visibles. Presque tous avaient du sang qui coulait de leur tête sur leurs épaules. Quelques-uns de ceux qui avaient été fusillés remuaient encore. Quelques-uns levaient le bras et tournaient la tête pour montrer qu’ils étaient toujours vivants. La fosse était déjà aux deux-tiers pleine. J’estimai qu’elle contenait déjà environ 1000 personnes. Je cherchai l’homme qui exécutait la fusillade. C’était un SS qui était assis au bord de la partie étroite de la fosse. (…) Les gens complètement nus descendaient quelques marches taillées dans le mur d’argile de la fosse et grimpaient sur la tête de ceux qui gisaient là jusqu’à l’endroit que leur désignait le SS. Ils s’allongeaient en face des morts ou des blessés, quelques-uns caressaient ceux qui étaient encore en vie et leur parlaient à voix basse. »

Le sort des Juifs en 1942, mon cher Arnaud, git dans cette fosse infernale.

Ce témoignage est issu de l’ouvrage « Le procès de Nuremberg » par Jean-Marc Varaut, que j’ai lu quand j’avais dix-neuf ans. Cette lecture m’a profondément marqué. Je ne sais pas pour toi, mais ce que m’évoque cette description, c’est l’enfer. Pas l’aimable métaphore littéraire, le puits dantesque, l’Enfer des chrétiens ou la demeure d’Hâdès : rien de tout cela, simplement la pureté du mal.

Comme tu ne l’ignores pas, les nazis constatèrent rapidement que la boucherie systématique n’était pas suffisante. Il fallait voir plus grand.

C’est par ce motif que Rudolf Höss fut chargé par Himmler, dès l’été 1941, de bâtir, organiser et diriger ce qui deviendra le plus grand centre de mise à mort jamais conçu par l’homme : le camp d’Auschwitz-Birkenau. « Auschwitz » évoque à la plupart des gens une sorte de large bâtiment avec ses annexes, tout au plus un modeste domaine parsemé de baraques et appentis. En réalité, Auschwitz, c’est 5000 hectares ; cinq mille hectares voués à l’extermination des Juifs. Le secret, expliqua Rudolf Höss à Nuremberg, était de tenir les Juifs le plus longtemps possible dans l’ignorance de leur sort. Peu après leur arrivée, une fois achevé le tri entre les hommes qu’on ferait travailler de force et les autres — vieillards, hommes malades ou rachitiques, femmes et bien sûr enfants —ces Juifs étaient invités à se déshabiller et menés à ce qu’on leur présentait comme des douches pour se désinfecter :

« Lorsque les victimes étaient entrées en bon ordre dans les chambres à gaz, elles s’apercevaient que les douches ne fonctionnaient pas. Toutes les lumières s’éteignaient d’un coup, et une voiture de la Croix-Rouge arrivait avec le Zyklon. Un SS portant un masque à gaz ouvrait le regard en verre situé au-dessus du bâti et vidait une boîte après l’autre dans la chambre à gaz. Quand les cristaux passaient à l’état gazeux sur le sol de la chambre, les suppliciés se mettaient à crier et, les plus forts renversant les plus faibles, tentaient d’atteindre les couches d’air non encore imprégnées de gaz. » Le directeur du camp Rudolf Höss précisera « Il fallait de trois à quinze minutes pour tuer les gens dans la chambre d’extermination (…). Nous savions quand les gens étaient morts car ils s’arrêtaient de crier. » (Varaut, Ibidem).

Le sort des Juifs, en 1942, c’est « s’arrêter de crier », mon cher Arnaud. Ne vois-tu pas l’odieux de ta comparaison ?

Vainement argueras-tu que la comparaison ne porte que sur le statut légal des Juifs. La ratio legis du Statut des Juifs est la haine raciale et la volonté d’exterminer les Juifs. Comme en attestent les récemment publiés carnets de guerre du vichyste Paul Morand, à Vichy en 1942 on savait que les Juifs étaient exterminés ; on savait que ces hommes et ces femmes juives que Vichy se dépêcha de livrer aux Nazis — en insistant pour joindre les enfants, que les Nazis ne demandaient pas — partaient se faire liquider. Prêteras-tu aux restrictions liées à la pandémie des velléités d’extermination ?

Par ces motifs qui sont, tu l’auras noté, factuels et rationnels avant d’être moraux, ta comparaison est abjecte. Tu ne la retireras pas, j’en suis conscient. Puis-je te suggérer humblement de mettre l’affaire en délibéré pendant quelques jours, avant d’y revenir la tête reposée ? Parce que tu es un intellectuel, tu es lu et écouté.

Dans les lettres, comme en tout, le talent est un titre de responsabilité : Charles de Gaulle.

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Drieu Godefridi pour Dreuz.info.

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