Publié par Gaia - Dreuz le 20 janvier 2022

Source : Ojim

La nouvelle a fait les gros titres de la presse internationale en décembre 2021 et a fait à nouveau l’objet d’un dossier de la part du très anti-Orbán hebdomadaire hongrois HVG en ce mois de janvier : la chaîne Euronews a été rachetée par un homme d’affaire portugais fils d’un « proche de Viktor Orbán ». Plus précisément, en décembre, le fonds d’investissement portugais Alpac Capital a racheté les 88 % de parts dans le capital d’Euronews détenues par le milliardaire égyptien Naguib Sawiris, un chrétien copte, par l’intermédiaire de Media Globe Networks. L’Égyptien avait pris le contrôle de la chaîne « européenne » en 2015.

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Un Égyptien trop dépendant de Dubaï

Si Naguib Sawiris avait rapidement créé un conseil éditorial censé garantir l’indépendance vis-à-vis des actionnaires de la ligne éditoriale de la chaîne basée à Lyon, celle-ci était accusée en novembre 2020 par Libération d’être en fait devenue une « vitrine de Dubaï » et, plus généralement, des Émirats arabes unis.

Libération écrivait alors : « ’Depuis quelques années, l’entreprise a opéré un changement’, raconte l’un des quelque 500 journalistes de la chaîne. Selon lui, c’est la situation économique compliquée de l’entreprise qui l’a poussée à se tourner vers de nouveaux investisseurs, et de nouvelles manières de remplir ses caisses, et notamment ce partenariat très visible avec l’entité assurant la promotion de Dubaï. Loin de la vocation originelle de la chaîne… »

Alors que cette chaîne d’information en continu avait été créée en 1993 comme une sorte d’anti-CNN européenne financée par les chaînes publiques des pays européens participants, elle a vu ses partenaires publics se désengager progressivement et a dû se tourner vers des investisseurs privés, malgré les subventions de la Commission européenne (chiffre de ces subventions de l’UE cité par Libération dans le même article : « environ 24 millions d’euros d’après le compte de résultat de l’entreprise en 2018, soit un tiers de ses revenus ») pour la « diffusion de programmes européens sur les affaires de l’Union et les activités et politiques de ses institutions ». On imagine que ces programmes ne pouvaient pas être trop critiques de l’UE…

Financement contre émissions

Après l’entrée au capital du milliardaire égyptien, 2,1% des actions ont encore été acquises par « Abu Dhabi Media Investment Corp (ADMIC), une “société [qui] appartient au cheikh Mansour bin Zayed al-Nahyan, membre de la famille royale d’Abou Dabi, vice-premier ministre des Émirats Arabes unis et demi-frère du président des Émirats” ». Cet actionnaire aurait été, toujours selon l’article de Libération, à l’origine d’importants contrats publicitaires avec Dubaï.

« Pour l’un des journalistes interrogés par Checknews, ces partenariats sont assez clairs : “Un financement en échange d’émissions”. La bascule éditoriale, qui s’opère entre 2018 et 2019, est particulièrement visible sur certains programmes. » Pire encore, selon le site Checknews de Libération, la mention de Dubaï comme sponsor de ces programmes est beaucoup plus discrète que pour les partenariats habituels et peut facilement passer inaperçue, alors qu’ils seraient entièrement produits à Dubaï et uniquement traduits à Lyon. En toute indépendance, bien entendu… En 2016, la chaîne « européenne » a créé une chaîne sœur en Afrique, Africanews.

Pertes récurrentes et licenciements

Les années 2020 et 2021 ont été marquées par une aggravation des difficultés financières de la chaîne Euronews, en perte chronique. Pour ne pas arranger les choses, la chaîne américaine NBC, qui détenait depuis 2017 25 % du capital de cette chaîne d’information en continu qui n’avait décidément plus grand chose d’européen, a revendu ses parts. Celles-ci ont alors été reprises par Naguib Sawiris, portant justement sa participation à 88 %. Début 2021, la chaîne a dû se séparer d’une partie de ses salariés et craignait de perdre également une partie de ses subventions européennes, car, écrivait alors Le Figaro, « certains députés européens pointent du doigt l’actionnariat non européen d’Euronews et appellent à soutenir davantage les nouveaux médias en ligne ».

Le Portugal remplace Dubaï et l’Égypte

Les Européens devraient donc normalement se réjouir du rachat des parts de l’Égyptien Sawiris par un fonds d’investissement portugais. Sauf que ce fonds, Alpac Capital, est présidé par le fils de Mário David, ancien député au Parlement européen avec lequel, selon le site Politico, le premier ministre Viktor Orbán aurait « des liens étroits ». Du coup, la transaction a été présentée, dans les médias européens qui en ont parlé, comme une bonne raison pour Euronews d’avoir à défendre son indépendance, ce qu’illustrait d’ailleurs parfaitement cet article de Politico avec son titre « Euronews défend son indépendance après son rachat par une société liée à la Hongrie ».

« Interrogé sur les liens entre Alpac Capital et la Hongrie, le directeur général d’Euronews, Michael Peters, a déclaré à POLITICO qu’en dépit des “liens financiers” du PDG et directeur associé de la société, Pedro Vargas David, il était “certain à 100 % que ses projets financiers n’interféreront jamais avec Euronews”. », écrivait Politico dans le corps de l’article.

Cependant, nous apprenait Politico, le conseil éditorial indépendant d’Euronews comprendra maintenant trois personnes désignée par Alpac. Cela suffira-t-il pour apporter un pluralisme d’opinion à une chaîne jusqu’ici uniformément favorable à toujours plus d’intégration européenne, plus d’immigration et plus de progressisme ? Cela reste à voir. En tout cas, chez Euronews on semble penser que non.

Redonner une voix à l’Europe

Dans un entretien publié le 10 janvier sur le site Stratégies, le PDG d’Alpac Capital, Pedro Vargas David, se donne toutefois l’ambition avec ce rachat de « redonner une voix à l’Europe mais aussi aux citoyens envers les institutions européennes ». Il se revendique d’une « vision européenne et pro-Alliance atlantique – car la sécurité est essentielle pour l’Europe » tout en assurant qu’il s’agit là uniquement de sa vision personnelle et non pas d’une ligne éditoriale qu’il compte imposer à la chaîne et il estime à propos de cette dernière que l’« on doit être capable d’être pro-européen mais aussi de poser des questions et d’apporter un espace critique pour le débat ».

Toujours dans cet entretien, on apprend qu’il devrait bientôt y avoir plus de place pour les débats de type « talk-show » sur cette chaîne redevenue européenne, qu’Africanews sera préservée et qu’un nouvel axe de développement est prévu vers l’Amérique latine. Un nouveau directeur général, probablement un Français, va être nommé et il ne devrait pas y avoir de nouveau plan social : « Nous voulons développer les revenus en rendant le produit plus attractif pour les entreprises et c’est impossible de faire cela avec moins de gens. On est déjà à la limite. Ce sera une stratégie de croissance. (…) Nous avons créé un fonds de 250 millions d’euros dont Euronews est la première acquisition – représentant la majeure partie de cette somme. Ce média est le seul à avoir une couverture depuis Bruxelles en TV et en plusieurs langues. L’équilibre est prévu d’ici un an, en 2023, après ‑5 millions en 2022. Avec le temps, par souci d’indépendance, on sera moins dépendants des subventions européennes. »

En outre, les versions en langues hongroise, grecque et turque qui avaient été suspendues doivent être bientôt rétablies sous la férule du nouveau propriétaire.

Les liens avec Orbán minimisés

Quant aux reproches sur les liens de son père avec Viktor Orbán, Pedro Vargas David répond : « je rappelle que mon père a fait une carrière de 25 ans dans les institutions européennes, qu’il a été le bras droit du président Barroso et n’a jamais été anti-européen. Je mettrai d’ailleurs un drapeau européen au siège d’Euronews dès qu’on aura finalisé l’opération. »

Et d’ailleurs le Hongrois Viktor Orbán lui-même ne se revendique pas comme « anti-européen », « anti-UE », ou même « eurosceptique ». Il se revendique simplement d’une vision chrétienne de l’Europe et d’une vision non fédéraliste de l’UE. C’est peut-être la raison pour laquelle l’hebdomadaire hongrois de gauche HVG reste très inquiet, pointant du doigt les affaires de Pedro Vargas David en Hongrie, ses liens d’affaires avec le Fidesz, la résidence qu’il loue à Budapest, et la proximité idéologique de son père avec le premier ministre hongrois. Des liens résumés dans un article publié par le site Euractiv subventionné par le parti Renew Europe où siègent les députés LREM français, dans un article intitulé « Liens personnels et professionnels entre Viktor Orbán et le nouveau propriétaire d’Euronews ».

On imagine en effet la fissure dans le Mainstream médiatique européen que représenterait une chaîne Euronews émettant davantage d’informations (à l’heure actuelle ses cycles de programmes entrecoupés de jingles, d’images non commentées et de publicités, répétés plusieurs fois par heure, sont très riches sur la forme mais très pauvres sur le fond) et des discussions donnant la voix à des gens partageant la vision européenne et sociétale d’un Viktor Orbán…

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