Publié par Abbé Alain René Arbez le 27 août 2022

Au fil du temps et des aléas de l’histoire, il existe chez les juifs mais surtout chez les chrétiens, une tendance à individualiser l’appartenance à l’alliance.

Or il se trouve que dans les tempêtes de ce monde, nous sommes tous sur le même bateau. La tradition biblique est d’abord l’histoire d’une communauté dont la relation avec Dieu se transforme en éthique d’abord collective et ensuite personnelle. St Augustin au 4ème s. écrivait : « Christianus ullus, christianus nullus ! » chrétien isolé, chrétien insignifiant !

Le talmud de Babylone a mis en lumière une devise qui résume cet aspect essentiel : « Kol Israel arevim zé bazé », tous les fils d’Israël sont solidaires !

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Cet adage porteur de sens correspond à un commentaire du Lévitique (26,37)  en forme d’avertissement : « Ils trébucheront, l’homme sur son frère, à cause du péché de son frère » Le talmud souligne que chaque membre du peuple de Dieu est solidaire de son prochain. Des midrashim font remarquer que la faute d’un seul peut faire trébucher toute l’assemblée, mais le mérite d’un seul peut aussi sauver le peuple tout entier, et même l’humanité tout entière.

« Vous êtes tous solidaires. Même s’il ne se trouve qu’un seul juste parmi vous, vous êtes tous soutenus par son mérite. Et non seulement vous : le monde entier est soutenu par son mérite, ainsi qu’il est écrit, Proverbes 10, 25 : le juste est le fondement du monde. (Tanhouma, paracha Nitsavim)

On retrouve cette spiritualité lors du Yom Kippour, au moment de la confession des péchés par l’assemblée. « Achamnou, bagadnou ! = nous sommes en faute, nous avons trahi… » La formulation incantatoire est au pluriel : Kol Israel arevim, individu et collectivité ne font qu’un dans la reconnaissance des manquements. Dans la littérature rabbinique, quel que soit le membre qui souffre, c’est toute la communauté qui en pâtit. Il y a un mutualisme spirituel, tous pour un, un pour tous…

A partir de là, le terme haverim signifie de nos jours les amis, les membres d’un groupe. Haver étant de la même racine que le-haber qui veut dire unir et associer. En hébreu moderne, me-houbar est utilisé pour dire : connecté au réseau.

En Juges 20,11, nous lisons : « tous les hommes d’Israel s’assemblèrent, unis comme un seul homme ». A l’instar du psaume 122 : « Jérusalem, bâtie comme une ville où tout ensemble fait corps » (chè houbera la ya’dhav).

Le rabbin Steinsaltz démontre combien le mot « haver » est riche de sens. C’est essentiellement un associé, le membre d’un groupe qui s’est engagé, devant ses amis, à suivre des principes de vie. Il est à noter que Maïmonide conclut son Guide des Egarés dans l’esprit de Kol Israel haverim avec l’espérance de l’ère messianique : « Puisse celui qui a fait des miracles pour nos ancêtres et les a délivrés, de l’esclavage à la liberté, nous délivrer prochainement et nous rassembler des quatre horizons de la terre : Haverim kol Israel, et nous disons : amen ! »

Chez Rabbi Yehouda, celui qu’il nomme Abraham Ha Ivri est présenté dans un midrash comme celui qui ouvre sa tente aux quatre points cardinaux pour accueillir les voyageurs de passage. C’est une ouverture vers l’universel.

Les juges du sanhedrin rappellent à la fois l’origine commune de tous mais aussi l’originalité de chacun. « Adam a été créé homme unique pour proclamer la grandeur du Saint, béni soit-il, or il n’en est pas un qui ressemble à l’autre. Ainsi, chacun peut dire : c’est pour moi que le monde a été créé »

Mais la torah prescrit un certain nombre de comportements qui permettent de « s’ajuster » à la volonté de Dieu créateur et sauveur. « Tu aimeras ton prochain comme toi-même » (Lév. 19,2) Lorsque Jésus dialogue avec un docteur de la torah, l’homme sage mentionne lucidement l’amour de Dieu et du prochain pour avoir accès à la vie éternelle. Puis il pose la question à Jésus : mais qui est mon prochain ? Jésus lui raconte la parabole du bon samaritain pour déplacer les codes et mettre l’accent sur le passant qui a réellement exercé la miséricorde. Jésus reprend le chapitre 19 du Lévitique : « Kedochim tiyou ! Soyez saints comme je suis saint ! » Dans son enseignement, on constate que Jésus est en phase avec la phrase du talmud  qui est devenue la devise du Magen David Adom : « qui sauve une vie, c’est comme s’il sauvait le monde entier »

Juifs et chrétiens se retrouvent ici sur la même longueur d’ondes : comme le disait le rabbin Elie Benamozegh : « le judaïsme a l’universel comme objectif et le particulier comme moyen ».

L’Eglise de Jésus Christ directement issue de la tradition hébraïque est dénommée « catholique » dès l’an 109, pour indiquer que son enseignement de vie venu de Jérusalem concerne le bien de toutes les nations. C’est un universalisme et non pas – comme certains le pensent à tort – un mondialisme ! Par conséquent les réalités locales comme les nations gardent leur spécificité puisqu’il ne s’agit pas d’une communauté hors sol et ahistorique.

Le Dictionnaire encyclopédique du Judaïsme indique : « La conception juive de la fraternité qui relie les hommes est un corollaire de l’image de Dieu, considéré comme le Père de toute l’humanité ».

Lorsque les chrétiens catholiques célèbrent la fête des rameaux et de la passion, ils se réfèrent à un rituel juif qui illustre parfaitement ce concept où se jouent inséparablement  la communauté et la personne. Ainsi, lors de la fête de Soukkot, les juifs font mémoire de la sortie d’Egypte en habitant des cabanes, et ils pour honorer Dieu, ils prennent en main un bouquet de végétaux : palmier, myrte, saule et cédrat. Ces quatre espèces symbolisent le peuple de Dieu : certaines branches sont parfumées, d’autres n’ont ni bonne odeur ni beauté. En effet, certains membres de l’assemblée se distinguent par leurs œuvres bénéfiques, tandis que d’autres incolores, inodores et sans saveur sont dépourvus de tout mérite.

Mais Dieu plein de miséricorde considère le peuple dans son ensemble, et pour lui, le parfum des uns se communique aux autres. Le peuple juif expérimente ainsi le Kol Israel haverim, et les chrétiens se régénèrent dans la communion des saints. Les communautés juives et chrétiennes ont des sources communes enracinées dans l’alliance, éclairées des Saintes Ecritures, c’est pourquoi leur héritage spirituel et éthique commun, dans le respect fraternel de chaque tradition, est aujourd’hui une chance unique de poser ensemble des jalons de justice et de vérité en direction du monde à venir.

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Abbé Alain René Arbez, prêtre catholique, commission judéo-catholique de la conférence des évêques suisses et de la fédération suisse des communautés israélites, pour Dreuz.info.

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