Publié par Pierre Rehov le 21 mars 2022

Les images sont atroces et révulsent. Les prises de position, évidentes pour toute personne ayant un minimum de sensibilité et d’humanité. Les médias en rajoutent. Les candidats à la présidentielle tentent de tirer la couverture à eux ou de rassurer leurs bases.

Il ressort qu’un pays est envahi par un autre et qu’un dictateur a frappé d’un poing d’acier sur la fragile table européenne, entrainant désastre et malheur, victimes innocentes et paralysie du monde libre face à un paysage apocalyptique en noir et blanc. Mais il convient, parfois, de dépassionner le débat pour comprendre les mobiles. Et, surtout, de l’inscrire dans son déroulé historique naturel. C’est l’une des bases de la froide géopolitique.

La guerre est de retour en Europe. Elle est sur nos écrans, dépeignant une situation quasiment absente du continent pendant toute une vie, avec des nouvelles et des médias sociaux montrant la brutalité brute de tout cela.

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D’habitude c’était moins grave. Cela se passait loin, au Moyen Orient ou en Asie. Trois soupirs mouillés à l’heure des actualités de TF1 ou de France 2, vilains Juifs, vilains Américains, gentils musulmans. Ou alors non, le contraire. Enfin, on ne sait pas trop. Tout dépend de son média favori et du temps que l’on passe sur Facebook et Twitter. Et puis, il y a la pandémie. Qu’est ce qu’ils nous cassent les pieds avec leurs bombes quand on est déjà privé de restau, de cinéma, et obligés de porter des masques ! Tout ça c’est loin. Cela se passerait à Hollywood que l’on ne serait pas plus surpris que ça. “Chérie, passe-moi le sel”.
Mais voilà, cette fois la guerre est là. De même que lorsque Clinton et le parti démocrate américain ont bombardé la Serbie au profit de la mafia albanaise financée par l’Arabie saoudite, car le Président voulait faire oublier ses prouesses sexuelles dans le bureau ovale, il suffit d’un coup de volant ou presque, pour se rendre sur les lieux du drame à partir de Marseille ou Lyon.

Alors que l’avenir de l’Ukraine est en train de se jouer, le monde entier se demande pourquoi la Russie a choisi d’envahir le pays. Qu’est-ce qui a changé par rapport au statu quo établi par l’accord de Minsk et l’annexion de la Crimée en 2014 ? Alors que de nombreux experts se concentrent sur la justification et la psychologie personnelles de Vladimir Poutine, le contexte historique brosse un tableau plus large.

Avant tout, il y a le précédent historique de la géographie, qui a façonné la politique militaire et étrangère russe pendant des siècles. Plus des trois quarts des 144 millions de Russes sont concentrés à l’ouest de la chaîne de montagnes de l’Oural, qui sert de frontière naturelle à l’Europe, et se trouvent principalement dans la Grande plaine européenne. Cette caractéristique naturelle, une longue plaine plate continue en forme d’entonnoir, est concentrée en Pologne, à partir de 200 miles, en raison des Carpates, qui s’étendent de façon exponentielle vers la Russie. Essentiellement, cela crée une position russe indéfendable contre l’invasion occidentale là où il est le plus facile d’envahir.

Les dirigeants russes ont appris de l’histoire que les frontières naturelles sont leurs meilleures amies, et que leur absence se solde par un désastre. Historiquement, les armées européennes, de Napoléon à Hitler, ont utilisé cette autoroute pour envahir la Russie, car elle devient plus indéfendable lorsque la plaine rencontre les centres de population situés sous les montagnes de l’Oural.

De plus, en tant que puissance mondiale, la Russie est limitée dans sa capacité à projeter sa puissance via sa marine. En outre, lorsqu’on analyse la géographie russe, on constate que la plupart de ses ports sont gelés pendant l’hiver ou situés loin des positions stratégiques. C’est ce qui a motivé l’annexion de la Crimée en 2014, alors que le bail du port ukrainien de Sébastopol, le seul port d’eau chaude stratégiquement placé de la Russie, prenait fin.

Enfin, à l’extrémité sud de la plaine, avant la barrière des Carpates, se trouve l’Ukraine, qui partage avec la Russie occidentale la plus grande frontière de plus de 1 900 km. Pour la Russie, l’Ukraine se trouve le long des artères corrodées de l’État russe et doit donc servir d’État tampon afin que l’OTAN n’ait pas la capacité militaire de perturber la zone riche en pétrole et en industries de la Volga, à l’extrémité sud de la grande plaine européenne.

L’influence occidentale en Ukraine place la Russie dans une situation stratégique désavantageuse, élargissant le front défensif possible au-delà d’une position défendable, assurant pratiquement une victoire occidentale dans le cas théorique d’une guerre.

Indépendamment de ce que dit ou fait le gouvernement ukrainien, l’histoire de la Russie a été faite et défaite par cette géographie et le Kremlin sera motivé pour renforcer ces vulnérabilités, sans tenir compte du degré actuel des menaces qui pèsent sur lui.

MAIS POURQUOI cette urgence ?

Tout d’abord, l’importance de l’énergie russe. Actuellement, la Russie jouit d’un quasi-monopole sur le marché européen de l’énergie, puisque l’UE reçoit collectivement 40 % de son énergie de Russie. Cette part de marché permet à Gazprom, une entreprise d’État, d’augmenter artificiellement les prix et donne au Kremlin la possibilité d’utiliser les exportations comme une arme pour obtenir des concessions.

Il s’agit toutefois d’une arme à double tranchant, car Gazprom et Rosneft, l’autre grande compagnie pétrolière russe, représenteraient plus de 25 % des recettes budgétaires, ce qui rend la Russie dépendante de l’UE.

Les récentes découvertes en Ukraine révèlent des réserves de gaz naturel de 39 trillions de pieds cubes, ce qui les place au 23e rang mondial. Ces réserves sont principalement concentrées dans la zone économique exclusive de la Crimée et le long du Donbas, des zones contestées par la Russie.

Cependant, 19,5 milliards de dollars seraient nécessaires pour faire de ce secteur un concurrent. Si, à court terme, cela ne menacera pas un secteur qui représente plus de 40 % de l’économie russe, la dépendance européenne au pétrole est, aux yeux du Kremlin, vitale pour la sécurité nationale.

Par conséquent, les fronts actuels de l’invasion et les demandes de négociations démontrent une insistance du Kremlin à durcir leurs possessions sur des zones clés pour aujourd’hui, afin de prévenir les menaces à la sécurité nationale à l’avenir.

La dernière pièce de ce puzzle est la démographie russe. Actuellement, il y a une double crise qui aura un impact aigu sur leur armée. Tout d’abord, le taux de fécondité russe est inférieur à 1,2 naissance par femme, ce qui représente la plus forte baisse en temps de paix de l’histoire du pays, et ne suffit pas à maintenir la taille actuelle de la population, une statistique obsédante dont les dirigeants sont conscients.

En outre, en raison de la médiocrité des infrastructures de santé, l’espérance de vie des hommes russes se classe au 113e rang mondial, à 67 ans. Il en résulte un graphique démographique à l’allure bizarre, avec deux tendances exceptionnellement inquiétantes. Premièrement, la taille de la population disponible pour le service militaire se réduit rapidement.

Deuxièmement, la dernière génération soviétique arrive à la fin de sa vie. Si Poutine ne fait pas un geste maintenant, l’armée russe sera trop petite pour défendre ses frontières actuelles ou les transformer en quelque chose de défendable. Si l’armée russe se dirige audacieusement vers Kiev pour briser le moral de l’Ukraine, c’est parce que c’est sa dernière chance.

La raison pour laquelle Poutine a décidé d’envahir le pays sera débattue dans les médias aujourd’hui et par les historiens demain. Toutefois, les détails de l’invasion ne feront que brouiller les pistes quant à la motivation personnelle de Poutine, puisque la justification était mince, l’armée mal préparée et la logistique défaillante à une échelle embarrassante.

Les cartes et les tendances démographiques racontent une autre histoire, celle d’une vulnérabilité géographique qui dicte les stratégies russes depuis des siècles et d’une fenêtre d’opportunité qui se referme. Plutôt que de regarder le baril de ce destin, le Kremlin démontre son urgence à redessiner la carte en envahissant l’Ukraine au risque que cela se retourne contre lui, à juste titre.

Néanmoins, ils utiliseront toutes leurs cartes, de la Biélorussie à la menace d’une guerre nucléaire, en passant par des exigences exceptionnelles pour un règlement. À leurs yeux, l’horloge a sonné minuit et Poutine est prêt à défier les normes géopolitiques ; le son a été assourdissant et il n’y a pas de retour en arrière possible.

Il y a donc de bonnes raisons derrière cette invasion. Mais si l’on se contente d’observer les faits sans y mettre un peu de moralité, Hitler avait aussi ses raisons de vouloir agrandir l’Allemagne.
Il est donc temps de se retrancher derrière sa propre humanité et de juger ce qui se passe : c’est mal !

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Pierre Rehov pour Dreuz.info.

Certaines sources : https://www.jpost.com/opinion/article-701839

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