Dialogue entre Gladys, présidente des femmes haïtiennes de Genève et l’abbé Alain-René Arbez
Gladys : le culte marial prend parfois des proportions considérables dans la piété populaire de l’Eglise catholique. N’est-ce pas en fait un obstacle pour l’œcuménisme?
Alain-René : il y a d’abord eu en Orient des traditions orales de vénération de Marie très anciennes, puis la proclamation du statut de Theotokos (mère de Dieu fait homme) au concile d’Ephèse en 431. Cette vénération (qui n’est pas adoration) s’est ensuite déplacée vers l’Occident, avec la propagation de « Notre Dame » au Moyen Age. Il est vrai que la figure de la Vierge Marie a joué un rôle significatif dans la vie de foi des chrétiens, particulièrement chez les catholiques et chez les orthodoxes.
Depuis la Réforme, un réajustement biblique de ce rôle a été formulé avec des variantes importantes. Un bon nombre de protestants, comme les luthériens et les anglicans, ont une vraie dévotion pour Marie. D’autres, chez les évangéliques, voient dans ce culte marial une tendance idolâtrique contraire à l’évangile.
Gladys : mais son rôle existe-t-il en lui-même, ou est-il subordonné au Christ ?
Alain-René : selon l’évangile, Marie, servante du Seigneur, doit conduire au Christ, image incarnée de l’amour du Père. Il y a eu parfois des projections excessives sur la personne de Marie, comme si elle était co-rédemptrice. Certes elle intercède avec la force de l’amour maternel, mais ne fera pas pression sur son Fils pour lui arracher des faveurs qu’il refuserait de nous accorder !
En fait, on ne prie que Dieu seul, par le Christ, dans l’Esprit. On invoque Marie et les saints pour leurs mérites et leur exemple. Dans la communion entre ciel et terre, l’intercession de Marie et des saints n’est pas négligeable, mais elle reste liée au Christ ressuscité, et il ne faudrait pas se tromper d’interlocuteur ni offenser la transcendance de Dieu, source fondamentale de vie et d’amour.
Gladys : il y a eu le dogme de l’Immaculée Conception de Marie promulgué par Pie IX en 1854 et celui de l’Assomption proclamé en 1950 par Pie XII. C’est une époque marquée par des apparitions de la Vierge. Quelle importance donner à ces expressions de foi ?
Alain-René : le dogme de l’immaculée conception n’a de sens que par rapport à la christologie. Marie n’est pas considérée en elle-même, mais par rapport au Christ et au salut qu’il a apporté au monde. De plus, l’Eglise n’oblige personne à croire aux apparitions de la Vierge à Lourdes, à Fatima, à la Salette, à Medjugorie ou ailleurs. Ces manifestations religieuses populaires sont laissées à l’appréciation de chacun. L’essentiel est que la révélation est close à la mort du dernier apôtre : ainsi, dans le credo tout est dit du salut de Dieu et aucun ajout quel qu’il soit ne peut venir modifier ce dépôt vivant de la foi apostolique. Cela étant, il est clair que l’Eglise accompagne avec discernement ces manifestations : par exemple à Lourdes, tout est centré sur la personne de Jésus Christ sauveur, qui fait encore des miracles, dans les corps et dans les coeurs. Cela nous rappelle que Marie notre Mère est surtout celle qui conduit au Christ, seul médiateur entre Dieu et les hommes. « Faites tout ce qu’il vous dira ! »
Dans son exhortation « Marialis cultus », le pape Paul VI disait en 1974 : « La volonté de l’Eglise catholique, sans atténuer le caractère propre du culte marial, est d’éviter avec soin toute exagération susceptible d’induire en erreur les autres frères chrétiens sur la doctrine authentique de l’Eglise »
Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Abbé Alain René Arbez, prêtre catholique, commission judéo-catholique de la conférence des évêques suisses et de la fédération suisse des communautés israélites, pour Dreuz.info.
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« apparitions de la Vierge à Lourdes, à Fatima, à la Salette, à Medjugorie ou ailleurs. Ces manifestations religieuses populaires sont laissées à l’appréciation de chacun «
Monsieur l’abbé c’est un peu court. De tous les saints Marie est apparue le plus souvent. De plus ses apparitions ont suscité grande émotion et forte dévotion. Il y a là un phénomène quasi inédit qui mériterait davantage d’attention. Au delà des grandes et célèbres apparitions, il existe de multiples apparitions locales moins connues du grand public mais bien vivaces. Ce phénomène est-il dû à une grande activité spirituelle de Marie elle-même ou procède-t-il d’une manifestation à caractère religio-sociologique perpétré invariablement sur des siècles?
Il n’y a rien de court ici….
Les apparitions mariales sont revendiquées depuis l’an 40 (?), selon une tradition espagnole beaucoup plus tardive (la Vierge serait alors apparue à St Jacques, ce qui pose un problème d’ordre chronologique et historique, même si c’est une grande dévotion populaire, la Virgen del Pilar).
L’Eglise ne considère pas les apparitions de Marie comme des vérités de foi à croire, cette vénération est laissée librement à la spiritualité de chacun. Les apparitions sont des expériences mystiques que l’on peut considérer de différentes manières, et cela n’a surtout aucun rapport avec les apparitions du Ressuscité aux temps apostoliques. La série d’apparitions mariales commence à se populariser à partir de l’an 500, et ces manifestations ont eu lieu depuis sur tous les continents, surtout au 19ème siècle, époque de dévotions populaires.
En parlant d’apparition, il est à noter que la Bible ne mentionne pas que Jésus soit apparu à sa mère dans les 40 jours qui ont suivi sa résurrection, jusqu’à son ascension. On parle de Marie de Magdala, des femmes, de Pierre, des disciples d’Emmaüs, des autres disciples, de plus de 500 disciples à la fois (I Corinthiens 15 : 6-7), etc.. mais pas de Marie, mère de Jésus.
Pour moi, il ne fait aucun doute que Jésus soit allé voir sa mère, mais ce n’est pas relaté.
Tout comme le moment totalement personnel de la rencontre de Jésus et de Pierre mentionné seulement par « Il est apparu à Pierre » (Luc 24 : 34 ; I Cor 15 : 4), celui de Jésus et de sa mère l’était tout autant et n’avait pas à être raconté.
Merveilleuse Marie ! Au delà de tout ce qui a été dit sur elle, cela vaut vraiment la peine d’aller simplement la (re) découvrir en (re) lisant les évangiles.
Et par la même occasion, (re) découvrir son fils, « l’Agneau de Dieu qui ôte le péché du monde » Jean 1 : 29. Une rencontre personnelle, rien qu’avec Lui.
« … (Marie) … elle intercède avec la force de l’amour maternel, mais ne fera pas pression sur son Fils pour lui arracher des faveurs qu’il refuserait de nous accorder ! »
Porte d’entrée royale au cœur de son divin Fils, Marie est dans une telle symbiose avec Lui qu’Elle sait ce qui Lui est recevable ou non, … et la Servante Éternelle du Seigneur ne se prévaut jamais de ce qu’Il accordera, … quand bien même Elle le sait avant nous !
Souvenons nous simplement de l’épisode des noces de Cana, où Elle interpelle Jésus ! … Elle ne se met pas en avant ! … mais au contraire, sachant quelle sera la Volonté de son Fils, Elle répond simplement : « Faites ce qu’Il vous dira. »
« Humble mais Mère avant tout », … Telle est Marie, … mon épouse et moi le savons, par expérience, … mais c’est là un autre sujet !