
Je croise régulièrement cette affirmation que les Démocrates et Joe Biden incitent à la guerre pour sauver les élections de mi-mandat en novembre. Ou que Donald Trump oscille et tergiverse lorsqu’il parle du conflit, pour ne pas déplaire à son électorat.
Il m’a semblé important de rapporter les faits, pas les hypothèses des uns et des autres, car je pense que c’est ce que vous attendez de moi. Je sais bien qu’un certain nombre d’entre-vous ne veulent surtout pas entendre ou croire la réalité si elle ne fait pas avancer leur vision des choses. C’est aux autres, heureusement une majorité, que je m’adresse.
La droite annonce qu’elle est le parti de la vérité, pas le parti de l’idéologie, contrairement à la gauche. Mais est-ce vraiment vrai ? Les événements du Coronavirus et de l’Ukraine ont repoussé les lignes et brouillé les cartes : la propagande est partout.
J’ai passé en revue un certain nombre de sondages d’opinion. Tous ne sont pas d’une grande fiabilité, mais je vous les indique tout de même afin de dégager la tendance générale.
1 Un récent sondage AP-NORC (1), établi le 23 mai dernier, révèle que les Américains donnent de plus en plus la priorité à limiter les dommages causés à l’économie américaine, plutôt que de sanctionner la Russie pour sa guerre en Ukraine. Deux questions étaient posées à un public de 1 172 adultes américains.
- Approuvez-vous de sanctionner la Russie aussi efficacement que possible, même si cela nuit à l’économie américaine ?
- Le 22 mars, une majorité de 55% d’Américains interrogés était pour.
- Le 22 mai, les personnes voulant sanctionner la Russie même si cela nuit à l’économie américaine se retrouvaient en minorité, 45% d’entre elles y étant encore favorables. (l’administration Biden a accusé Poutine d’être responsable de la hausse des prix de l’essence et des denrées alimentaires).
- Question : Faut-il éviter les dommages à l’économie américaine, même si cela signifie que les sanctions contre la Russie sont moins efficaces ?
- Le 22 mars, une minorité de 42% des personnes interrogées refusait d’imposer des sanctions moins efficaces à la Russie, et était prête à sacrifier leur confort de vie pour cela.
- Le 22 mai, c’est désormais une majorité de 51% d’Américains qui acceptent des sanctions moins efficaces contre la Russie.
2 Les résultats d’un sondage réalisé par l’Institut de la démocratie basé à Washington DC (2) montrent que le chancelant président américain Joe Biden est critiqué pour son action en Ukraine, qu’une majorité d’Américains s’oppose aux mesures visant à soutenir l’Ukraine et à nuire à la Russie.
Selon le sondage,
- Seuls 6% des Américains soutiennent la politique ukrainienne de M. Biden,
- 53 % la désapprouvent.
- La moitié des Américains (50 %) désapprouve son budget d’aide de 40 milliards de dollars à l’Ukraine, tandis que 45 % seulement le soutiennent.
- À peine 5% considèrent l’Ukraine comme une priorité absolue, contre 26 % pour la pénurie de lait maternisé, 21 % pour l’inflation et 16 % pour l’économie et l’emploi.
- 58 % des Américains ont une opinion négative de la gestion du président Biden de la politique étrangère, contre 37 % seulement d’opinions positives.
3 Un sondage, réalisé par le Trafalgar Group et la Convention d’Action des Etats du 25 au 29 mai (3), a demandé à 1091 électeurs probables aux élections générales, de choisir qui, à leur avis, entre les décisions politiques et les dépenses de Biden, et la guerre entre la Russie et l’Ukraine, contribuent davantage à l’inflation.
- Une solide majorité d’électeurs Démocrates (55,2%), considère que l’inflation est due à la guerre en Ukraine, indiquant que ceux qui votent pour Biden sont désireux que le président se désinvestisse du conflit.
4 L’économie est une priorité plus importante que punir la Russie, écrit le quotidien de gauche et pro-Biden Forbes, le 24 mai (4). Sans crainte de dénoncer la politique étrangère de Biden – ce qui est suffisamment rare pour être mentionné, le journaliste Robert Hart écrit que « la majorité des Américains pensent que la protection de l’économie – et non la sanction de la Russie – devrait être la principale priorité du pays ».
Plus de la moitié des Américains pensent désormais que la priorité absolue du pays devrait être d’éviter les dommages à l’économie plutôt que de punir la Russie pour avoir envahi l’Ukraine, alors que la montée en flèche des coûts et de l’inflation dans le cadre de la guerre en cours incite à réévaluer les priorités, écrit Hart.
https://www.forbes.com/sites/roberthart/2022/05/24/majority-of-americans-think-protecting-economy-not-sanctioning-russia-should-be-countrys-top-priority-poll-finds/?sh=671d4c768010
5 Au lendemain de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, et malgré l’inquiétude suscitée par elle, l’opinion publique américaine était peu favorable à une intervention militaire. Le public américain a perdu confiance dans les personnes qui supervisent l’armée au sein de l’administration Biden. En septembre 2020, sous la présidence Trump donc, 53% des Américains avaient une grande confiance dans les personnes en charge des forces armées du pays. Dans une enquête AP Norc (5), le taux de confiance est tombé à 42% sous Biden.
Selon le sondage (6) :
- Seuls 26 % des personnes interrogées pensent que les États-Unis devraient jouer un rôle majeur dans la situation entre la Russie et l’Ukraine.
- 51% pensent que le pays devrait jouer un rôle, mais mineur, et
- 20% disent que les États-Unis ne devraient pas être impliqués du tout.
6 Morning Consult (7) suit l’évolution de l’opinion des Américains et des adultes du monde entier sur le conflit en cours à la suite de l’invasion de la Russie. Il publie de nouvelles données chaque semaine. Ce qui ressort de son suivi indique une tendance que j’ai personnellement observée : un accroissement de la lassitude des Américains face à la guerre en Ukraine. Voici les résultats du dernier suivi de Morning Consult, en date du 31 mai dernier.
- Moins de la moitié des Américains considèrent que la protection de l’Ukraine relève de la responsabilité des États-Unis : 43 % des électeurs américains pensent que les États-Unis ont l’obligation de protéger et de défendre l’Ukraine contre la Russie, ce qui représente une baisse par rapport à un record de 50 % au début du mois de mai, et le chiffre le plus bas depuis le lendemain de l’invasion.
- Le soutien aux sanctions contre le pétrole russe atteint son plus bas niveau : une minorité de 48% de tous les électeurs dit que le gouvernement américain devrait imposer des sanctions sur le pétrole russe, même si cela entraîne une hausse des prix. Il s’agit du soutien le plus faible depuis la première fois que la question a été posée aux Américains, au début du mois de mars, lorsque 49 % d’entre eux soutenaient cette mesure.
- Et pour ce qui est spécifiquement des électeurs de Joe Biden, seule une minorité de Démocrates souhaite que les entreprises américaines coupent leurs liens avec la Russie : 45% des électeurs Démocrates disent que les entreprises ayant des relations sur le marché russe devraient couper définitivement ces liens en protestation de l’invasion de l’Ukraine par la Russie.
7 Mais le coup de grâce qui devrait mettre fin aux spéculations selon lesquelles Biden nourrit et entretient le conflit pour sauver le parti Démocrates pour les élections de novembre est porté par ce sondage de mai 2022 sur les préoccupations principales des Américains. La question posée était : « Quel est, selon vous, le problème le plus important auquel ce pays est confronté aujourd’hui ? » (8).
La situation en Russie arrive très loin dans les préoccupations des Américains, bien après le prix de l’essence, l’immigration illégale, l’économie en général, la hausse récente et anormalement haute du coût de la vie en raison de l’inflation provoquée par le président Biden, et en première place : « Insatisfaction à l’égard du gouvernement/Mauvais leadership ».

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Dans un prochain article, je me propose, toujours pour rétablir des faits que beaucoup inventent à leur sauce, d’examiner les démocraties ukrainienne et russe.
Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Jean-Patrick Grumberg pour Dreuz.info.
- https://lufkindailynews.com/anpa/us/file_9aea4f99-0ef3-5c4a-b7bc-eaaf9fb76a06.html
- https://www.express.co.uk/news/politics/1619260/Joe-Biden-US-Ukraine-Zelensky-trust-poll-crisis-news
- https://dailycaller.com/2022/05/31/joe-biden-inflation-trafalgar-russia-ukraine-spending/
- https://www.forbes.com/sites/roberthart/2022/05/24/majority-of-americans-think-protecting-economy-not-sanctioning-russia-should-be-countrys-top-priority-poll-finds/?sh=671d4c768010
- https://www.dw.com/en/how-much-do-americans-care-about-russias-war-on-ukraine/a-60923770
- https://apnorc.org/projects/americas-role-in-the-russia-and-ukraine-situation/
- https://morningconsult.com/tracking-the-russia-ukraine-crisis/
- https://www.statista.com/statistics/323380/public-opinion-on-the-most-important-problem-facing-the-us/
Cher JPG,
Encore un article typiquement sophiste.
Vous noyez le poisson dans l’eau des sondages évaluant « Les Américains ».
La politique étrangère des USA n’est pas faite par « Les Américains » mais par le Département d’Etat, la CIA et le Conseil de sécurité de la Maison blanche.
Or il est factuel que ces trois là ne sont pas tout à fait étrangers aux *révolutions de couleur* de 2003 et 2004 ainsi qu’au *coup d’Etat* de 2014
— et c’est à vous que revient le devoir de documenter ces faits avec leurs prolongements actuels ; il est dommageable pour Dreuz que vous sembliez préférer les nier.
C’est vous qui noyez le poisson. C’est Poutine qui envahit l’Ukraine et pas la CIA
Cher Valp, je ne m’appelle pas Sophie.
Vous lisez en diagonale, dommage. Et vous insistez pour mettre dans ma bouche des mots que je n’ai pas prononcé pour ensuite me les reprocher.
Relisez plus lentement.
Le parallèle de la suspicion que Biden entretient le conflit pour sauver sa popularité, c’est la crainte exprimée par des commentateurs conservateurs que, effectivement, sa politique à l’égard de l’Ukraine ne sauve les législatives pour les démocrates. A ce souci, vous avez toujours répondu que les électeurs américains se souciaient d’abord de leur situation économique. Remarquez, on peut le comprendre : ils rament en ce moment, et ce peuple s’est déjà beaucoup sacrifié pour les autres. Je me demande ce que feront des législateurs républicains si le conflit persiste, et j’espère que non.
Disons qu’il est humain de se soucier de son propre bien-être et de celui de son environnement immédiat plutôt que de celui de personnes qui vivent à des milliers de kilomètres.
C’est d’autant plus accentué parce qu’on vit et perçoit directement ce qui se passe autour de nous tandis que de la guerre en Ukraine nous ne voyons essentiellement que des images passant par des médias.
Les élections ne se gagnent pratiquement jamais sur la politique étrangère surtout quand il y a une crise économique
En effet. Elles ont été gagnées en trichant massivement.
Bonjour,
le Président Ukrainien est très loin d’être le Président d’une démocratie. Il ne faut pas oublier que son armée en partie pro-nazie a tué un peu moins de 15.000 personnes au Donbas dans les quelques années précédant la guerre actuelle.
Je rêve qu’à un moment donné quelqu’un finisse par dire que la situation sur place est extrêmement complexe et qu’y cohabitent des éléments de démocratie, des nostalgiques du nationalisme pro-nazi ukrainien version 39-45, des patriotes ukrainiens combattifs et courageux, des intérêts russes légitimes, des crimes de guerre russes abominables, des militaires qui se conduisent bien ect…
Bref que nous sommes dans le réel et non dans un fantasme intellectuel avec d’un côté les gentils et de l’autre les méchants.
Une chose reste sûre néanmoins, ne vous en déplaise, la décision de passer à un conflit de haute intensité fut russe. Celle de Poutine. Ca lui est d’ailleurs bien revenu dans la figure puisque le plan visant à faire tomber le gouvernement de Zelensky a échoué.
Karol mon ami, c’est pas 15 000, c’est 2500 de mémoire, et d’après le compte rendu de l’ONU que j’ai vu, les Ukrainiens ont commis de atrocités, pareil les Russes.
Honnêtement je pense qu’une grande partie des américains et des européens s’en foutent des Ukrainiens .
Et les dindons de la farce sont encore une fois les européens qui payent le soutien de leur dirigeants non élus et déconnectés de la réalité .
Si les prix continuent de flamber ça va mal se terminer .