Publié par Guy Millière le 2 juillet 2022

J’ai dit récemment que le monde occidental était sur le fil du rasoir. Je l’ai dit parce que la volonté du monde occidental d’être à la hauteur des valeurs qu’il est censé incarner a pu, en dépit de discours fermes, sembler fléchissant, ce qui, dans le contexte présent, était inquiétant.

Le sommet de l’OTAN qui vient d’avoir lieu à Madrid a été un pas dans la bonne direction. Dans le communiqué final, la Russie est clairement désignée comme un pays ennemi de l’OTAN et des pays qui composent l’organisation, et comme le principal danger qui pèse sur l’Europe. La défense de la souveraineté de l’Ukraine est clairement affirmée. La candidature de la Suède et de la Finlande est officiellement acceptée, et la Turquie approuve désormais sans réticence : la Suède et la Finlande seront bientôt membres à part entière de l‘OTAN. La force de réaction rapide de l’OTAN va vite passer de 40.000 à 300.000 hommes. Les pays qui ne dépensaient pas pour leur défense les sommes prévues quand ils ont adhéré à l’OTAN ont tous revu leurs dépenses à la hausse. Il reste cependant des gestes à faire : les livraisons d’armes à l’armée ukrainienne ont augmenté, mais elles restent insuffisantes. Seuls les Etats-Unis ont les moyens d’augmenter nettement leurs livraisons d’armes, et il serait très important que l’administration Biden soit poussée à faire le nécessaire. Des républicains et des généraux américains s’y emploient.

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Le Président Zelensky s’est adressé aux chefs d’Etat et de gouvernement réunis à Madrid et a expliqué pourquoi il faudrait que la guerre soit achevée avant l’hiver, et il a souligné que les destructions perpétrées par la Russie avaient créé une précarité pour des milliers d’Ukrainiens dont le logement a été détruit et qui n’ont pas quitté le pays. On peut penser qu’en faisant perpétrer les destructions qu’il fait perpétrer, Poutine veut créer cette précarité. Zelensky a rappelé aussi le but présent de Poutine : faute d’avoir réussi à s’emparer de Kiev, ce qui était son plan A, Poutine veut annexer le Donbass et la zone Sud du pays, et il veut rendre le reste de l’Ukraine non viable, et faire disparaitre l’Ukraine en tant que pays et le peuple ukrainien en tant que peuple, ce qui correspond à la définition d’une tentative de génocide. Si les livraisons d’armes augmentent nettement (ce qui a été promis par Biden, mais pas encore effectué, achever la guerre serait possible. Et on prête l’intention à l’armée ukrainienne, si elle a ce dont elle a besoin, de mener une contre-offensive au cours de l’été.

Très peu de commentateurs aux Etats-Unis, même au sein de la gauche, adoptent des attitudes myopes et pusillanimes par rapport à la situation. En France, les positions sont plus partagées et la lucidité n’est pas toujours présente, et je dois rappeler dès lors qu’une victoire de la Russie est impensable, car elle signifierait la victoire de ce que j’ai appelé le nouvel axe du mal, celui des dictatures anti-occidentales, Russie-Chine-Iran et serait pour le monde occidental, une défaite majeure et potentiellement le signe d’un déclin irréversible. Le sommet de Madrid a été un pas dans la bonne direction, oui, mais il n’est pas suffisant, non.

Je dois rappeler aussi pourquoi une victoire de l’Ukraine est indispensable, non seulement pour l’Ukraine, mais pour le monde occidental dans son ensemble : une victoire de l’Ukraine sera une victoire de la démocratie et du droit sur la brutalité barbare et un signal fort envoyé à tout le nouvel axe du mal, et le message envoyé sera vu dans le monde entier, en Corée du Sud, au Japon et à Taiwan, en Inde, en Amérique latine, en Israël et dans tout le Proche-Orient.

Il n’est pas possible de dessiner présentement les contours de ce que pourrait être cette victoire : les plus lucides analystes américains (non, ils ne s’appellent ni Henry Kissinger ni Douglas McGregor, ni John Mearsheimer, et s’appellent Jack Keane, Mike Pompeo, Keith Kellogg, Frederick Kagan) pensent qu’infliger des revers à l’armée russe et la repousser conduira Poutine à tenter de sauver la face et à maquiller sa défaite pour ne pas perdre la face. Il faudra en ce cas, ajoutent-ils, des revers importants, car Poutine s’acharne. Il ne sera pas question de pénétrer le territoire russe. Il faudra que l’armée russe soit suffisamment affaiblie pour que le bellicisme effréné et l’appétit de destruction de Poutine soient mis en sourdine.

Si l’arme nucléaire ne faisait pas partie de l’équation, Poutine mériterait de finir comme un certain Adolf, suicidé dans un bunker, mais ce n’est pas envisageable, hélas.

Pas un mètre carré du sol ukrainien ne doit être concédé à la Russie, ajoutent les analystes américains susdits, et cette dimension des choses est insuffisamment comprise en France et en Europe occidentale : céder quoi que ce soit à Poutine serait reconnaitre que la force prime sur le droit. Et de fait, le monde occidental a gravement failli en semblant accepter en 2014 que la Russie s’empare de la Crimée et crée des mouvements sécessionnistes dans le Donbass: les accords de Minsk avaient la dimension d’une capitulation occidentale, et nul n’a rappelé à l’époque le traité de Budapest de 1994, par lequel la Russie s’engageait à garantir l’intégrité territoriale de l’Ukraine (l’Ukraine à l’époque a signé un marché de dupe, puisqu’elle a abandonné ses armes nucléaires en échange d’une garantie que la Russie a violé vingt ans plus tard.

Les enquêtes établissant les dossiers de crime de guerre contre la Russie devront conduire, ajoutent encore les analystes américains susdits, à des mises en accusation : Poutine est un criminel de guerre aux buts génocidaires et doit être traité comme tel, et jugé, par contumace.

Si le monde occidental devait s’arrêter à ce qui a été décidé à Madrid, il pourrait priver l’Ukraine de la victoire qu’elle peut et doit obtenir, et s’il s’arrêtait là, le monde occidental endiguerait la Russie pendant un temps, mais montrerait que la brutalité barbare peut payer, ce qui serait un désastre absolu.

Les semaines à venir seront décisives. Je l’ai dit. Je le répète.

La façon dont la situation est décrite sur les chaines de télévision françaises n’est pas inexacte, mais surévalue le fait que la Russie se soit emparée de Severodnesk. La Russie a mis un peu plus d’un mois à s’emparer d’une ville de cent mille habitants, en consacrant à cela l’essentiel des forces dont elle dispose, et cela montre que ces forces atteignent leurs limites.

L’armée russe est presque exsangue, ses armes modernes sont détruites, il lui reste des armes anciennes et obsolètes, une artillerie vieillissante et qui ne ferait pas le poids face à des canons César et des HIMARS américains en plus grand nombre. Elle commet toujours des crimes de guerre : les deux missiles envoyés sur un centre commercial à Krementchouk constituent un crime de guerre caractérisé, et ce n’est qu’un crime de guerre parmi d’autres. Les crimes de guerre tels que l’attaque de Krementchouk pourraient être définis aussi comme des actes terroristes : il n’y a pas de différence fondamentale entre ce que fait le Hamas quand il envoie des missiles vers Israël et ce que fait Poutine contre l’Ukraine.

Comme le montre la carte de l’Institute for the Study of War (understandingwar.org) que je place ici (le fan club du criminel Poutine peut préférer les cartes du Kremlin : elles n’ont qu’un seul problème, elles sont fausses, et bonnes pour la poubelle), la situation est stable, et si l’Ukraine ne peut procéder à une grande contre-offensive, elle mène néanmoins des actions de contre-offensive au Nord de Kharkiv et au Sud, en direction de Kherson. Les actes de résistance dans les territoires ukrainiens occupés par la Russie se multiplient. Les prisonniers russes en Ukraine sont nombreux, et des échanges de prisonniers ont commencé. Poutine continue à limoger des généraux, signe que les choses ne se passent toujours pas comme il le souhaiterait. 

Au monde occidental de faire le nécessaire, s’il veut survivre. Aux Etats-Unis, un Congrès républicain après les élections de novembre serait une excellente nouvelle pour le monde occidental.

© Guy Millière pour Dreuz.info. Toute reproduction interdite sans l’autorisation écrite de l’auteur.

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