Publié par Gertrude Lamy le 26 août 2022

Source : 20minutes

La promesse que veut concrétiser Gérald Darmanin, bien que passée inaperçue, faisait bien partie du programme d’Emmanuel Macron avant les élections présidentielles.

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  • Gérald Darmanin a avancé, ce lundi, l’idée de camps de redressement militaires pour les jeunes délinquants dont le premier pourrait voir le jour à Mayotte.
  • Selon le ministre de l’Intérieur, cette idée faisait partie des promesses de campagnes d’Emmanuel Macron pendant la campagne pour l’élection présidentielle de 2022.
  • Encore floue dans son programme, le président avait bien émis cette idée pendant son débat de l’entre-deux-tours face à Marine Le Pen.

On dit que les voyages forment la jeunesse. Selon Gérald Darmanin, l’armée disposerait des mêmes vertus. En visite à Mayotte ce lundi, le ministre de l’Intérieur a avancé l’idée de « lieux de rééducation et de redressement » pour les mineurs délinquants, encadrés par des militaires.

Si le ministre a précisé que le premier de ces « camps » pourrait voir le jour sur l’archipel de l’océan Indien, département et région d’outre-mer, il a également précisé qu’il en avait déjà discuté avec le président de la République, sous-entendant que celui-ci y serait favorable, puisque la proposition faisait partie des promesses d’Emmanuel Macron lors de sa candidature à un second mandat en avril dernier.

Une déclaration qui en a surpris plus d’un sur les réseaux sociaux, les internautes se demandant bien d’où peut bien sortir cette affirmation.

FAKE OFF

Le ministre de l’Intérieur dit vrai. Aussi discrète fut-elle, cette proposition a bien été évoquée pendant la campagne de la présidentielle 2022 d’Emmanuel Macron. Si elle globalement passée sous les radars des oppositions et des observateurs, le candidat « En Marche » l’avait pourtant annoncé à au moins deux reprises.

Dans son trac Emmanuel Macron, Avec vous (toujours disponible en ligne)le président sortant étalait en page 20 ses propositions sur le thème de la sécurité. Parmi elles, on pouvait lire : « Pour les mineurs délinquants, la possibilité d’un encadrement par des militaires. » Laconique, l’idée ne mentionne pas de camps et ne précise pas de limite d’âge autre que l’absence de majorité.

Une proposition floue et discrète

A l’époque, le projet n’était peut-être pas tout à fait défini puisque dans la version Web du programme de campagne disponible sur le site d’En Marche, l’aspect militaire disparaît, pour laisser place à « un centre éducatif fermé ».

C’est lors du débat du second tour entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen que la proposition s’est précisée dans les mots du président. Au sujet des délinquants mineurs, le président sortant propose alors « soit de la rétention dans un environnement militaire, soit des travaux d’intérêts généraux sous contrôle. » Sa justification ? « Mettre un délinquant léger dans une prison où il va fréquenter des délinquants plus lourds c’est une absurdité. » Depuis, Emmanuel Macron ne s’est pas prononcé à ce sujet.

L’idée aurait pu lui être soufflée à l’oreille par son ministre de la Justice. En effet, quelques mois plus tôt, en octobre 2020, Eric Dupond-Moretti avait déclaré chez nos confrères de BFM TV travailler avec Florence Parly sur « un partenariat entre le ministère de la Justice et celui des Armées » pour l’encadrement de « certains mineurs ou jeunes majeurs » délinquants.

Un cheval de bataille de la droite

Lier le redressement de la jeunesse, et notamment des jeunes délinquants, à l’armée n’est pas une idée nouvelle. Eric Ciotti, grand nostalgique du service militaire obligatoire (même s’il en a été exempté), avait proposé en 2011 une voie « entre la rue et la prison » qui avait pour objectif d’envoyer les jeunes délinquants en Epide. Soit des centres encadrés par des militaires et destinés à aider des jeunes à se réinsérer dans l’emploi, mis en place en 2005 par le gouvernement de Dominique de Villepin.

Problème, ces centres étaient destinés aux jeunes volontaires et non comme sanction à la délinquance. Le projet avait de toute façon été vidé de sa substance par le nouveau gouvernement de Jean-Marc Ayrault en 2012. Les Républicains, Aurélien Pradié en tête, avaient relancé le débat en 2021 d’un encadrement militaire pour canaliser les jeunes délinquants, justifiant que les structures et le cadre légal étaient déjà en place depuis l’essai raté de 2011.

Une expérience peu convaincante de 1986 à 2004

Mais la paternité de ces initiatives revient probablement à l’amiral Christian Brac de La Perrière qui a fondé en 1986 les centres JET (Jeunes en équipes de travail). Ces stages de quatre mois avaient pour but d’aider de jeunes détenus à se réinsérer dans la société via « du travail, de la formation et le moins de télévision possible », selon les propres mots de l’amiral rapportés par Le Monde dix ans plus tard. Le tout encadré par des militaires, officiers et sous-officiers. Ce programme commençait autant que possible par un service militaire pour ceux qui ne l’avaient pas encore effectué.

Le constat de l’historien et militaire Michel Goya. – Capture d’écran Twitter

Fermé en 2004, ce programme a été décrié pour ses résultats décevants par plusieurs spécialistes. Selon Michel Goya, militaire et historien, sur les 5.800 participants passés par les JET, plus de 60 % des mineurs qui s’étaient portés volontaires étaient retombés dans la délinquance et 20 % des majeurs étaient à nouveau en prison dans les deux ans qui suivaient leur sortie. Il ajoute que les JET n’ont pas laissé un très bon souvenir dans l’armée.

Un constat abondé par un rapport du Sénat établit en 2003 qui souligne que « les armées mettent en avant la faiblesse des résultats obtenus, qui s’explique par le caractère particulièrement difficile des jeunes pris en charge et par la brièveté des stages qui ne permettent pas une véritable réinsertion sociale et l’apprentissage d’un métier, seul garant d’une sortie durable de la délinquance ».

Dans son blog, Gilles  Sainati, vice-président chez tribunal judiciaire de Toulouse et ancien juge d’application des peines, précise les raisons de ces échecs : «L’armée n’arrive pas a appréhender les problématiques personnelles notamment toxicomanes ou culturelles…le comportementalisme disciplinaire à ses limites.» Il ajoute que ces séjours de rupture, qui ne travaillent donc ni avec la famille, ni avec l’environnement du jeune, ne proposent aucun dispositif solide de suivi. Le jeune retombe donc «dans ses habitudes antérieures qu’elle soient délinquantes, toxicomaniaques, les deux, etc.»

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