Publié par Gaia - Dreuz le 7 août 2022

Source : Marianne

Le matin du 9 août, Emmanuel A., demandeur d’asile rwandais de 40 ans, signale la mort du père Olivier Maire au sein de la communauté des Montfortains de la Manche, où il séjournait. Le suspect est aussi soupçonné d’avoir incendié la cathédrale de Nantes un an plus tôt. Souffrant de troubles psychiatriques, il a été hospitalisé, mais l’enquête pour « assassinat » se poursuit.

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De son vivant, sa bonté et sa générosité étaient saluées de tous. Son décès, violent, perçu « avec horreur et sidération » selon les mots de monseigneur Jacolin, évêque de Luçon, a plongé les catholiques de France dans l’effroi. Le drame est découvert au matin du 9 août 2021, lorsqu’un homme âgé de 40 ans se présente à la gendarmerie de Mortagne-sur-Sèvre (Vendée) pour signaler le meurtre du père Olivier Maire, âgé de 61 ans. Demandeur d’asile rwandais, Emmanuel A. explique qu’il est hébergé depuis plusieurs mois par le prêtre au sein de la congrégation des missionnaires montfortains où la victime officie.

Aux gendarmes, « il remet alors deux clefs, celle de la voiture appartenant à la communauté religieuse et celle d’une chambre dans laquelle se trouvait le corps du père Olivier Maire », relate Yannick Le Goater, vice-procureur de La Roche-sur-Yon. Puis il demande à être « mis en prison », sans avouer pour autant en être l’auteur du crime. L’autopsie du corps de l’homme d’Église révèle qu’il a reçu de violents coups à la tête entraînant « des hémorragies internes et externes » mortelles, mais l’examen n’a « pas permis de déterminer la nature de l’arme du crime », précise le parquet. Une information judiciaire pour « homicide volontaire » est ouverte, mais l’état psychologique du suspect ne permet pas son audition en garde à vue. L’homme est alors admis en hôpital psychiatrique.

À travers tout le pays, les hommages au prêtre, battu à mort, pleuvent. La conférence des évêques de France ainsi que monseigneur Laurent Percerou, évêque de Nantes, louent « les qualités d’écoute » et « la bienveillance » du défunt originaire du diocèse de Besançon, dont l’absence les plonge dans « une profonde tristesse ». Un « pasteur des âmes, homme de bien », « bibliste passionné » ayant œuvré de longue année en Afrique puis à Rome, « mort victime de sa générosité, martyr de la charité », déplore encore l’évêque de Luçon.

Polémique

Dans un communiqué, le chef de l’État salue également ses qualités humaines. « Il portait jusque dans les traits de son visage la générosité et l’amour de l’autre », écrit-il, tandis que Jean Castex exprime sa « vive compassion ». Quelques jours plus tard, Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux, assiste aux obsèques. Puis l’enquête prend une autre tournure. Le 19 août, le vice-procureur en charge de l’affaire indique avoir ouvert une information judiciaire pour « assassinat », précisant que « certains éléments de l’enquête peuvent laisser entendre une telle préparation ».

Les hommages passés, la polémique enfle. Car Emmanuel A., déjà mis en examen pour l’incendie de la cathédrale de Nantes en juillet 2020, avait été libéré de détention provisoire deux mois avant le drame et assigné à la communauté religieuse des Montfortains. « Il faisait, depuis cette date, l’objet d’un contrôle judiciaire strict sur décision du magistrat instructeur avec notamment une obligation de pointage deux fois par mois », détaille Yannick Le Goater. Le 20 juin, le père Olivier Maire avait contacté la gendarmerie pour signaler un incident. Emmanuel A. souhaitait, en effet, quitter son lieu de résidence. L’homme avait alors été hospitalisé en psychiatrie jusqu’au 29 juillet, date à laquelle il était retourné vivre sous le même toit que le prêtre.

L’homme était pourtant en situation irrégulière, et faisait l’objet de trois mesures d’Obligations de quitter le territoire français (OQTV) depuis plusieurs années. Arrivé illégalement en France en 2012, à l’âge de 32 ans, il avait fui le Rwanda où il exerçait comme policier, selon La Croix. Il fait alors une première demande d’asile qui lui est refusée. On lui signifie la même année qu’il doit quitter la France. Il effectue des recours qui déclenchent autant de notifications de sortie du territoire. Mais Emmanuel A. reste en France jusqu’à l’incendie de la cathédrale et le meurtre du prêtre. Révolté par cette information, Bruno Retailleau, sénateur Les Républicains (LR) de Vendée et proche de la victime dénonce « un fiasco judiciaire » dans les colonnes du Figaro. « Je ne me résous pas à cette mort révoltante, que nos institutions auraient dû empêcher », ajoute-t-il.

Torture psychologique

Face à la controverse, Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur, indique, lors d’un déplacement sur place, que les deux premières mesures à l’encontre du suspect « ont été annulées par le tribunal administratif de Nantes ». Et la troisième, datant du 5 novembre 2019 « faisait toujours l’objet d’un recours ». Puis il explique les raisons pour lesquelles Emmanuel A. se trouvait toujours en France au moment du drame. « Suite à l’incendie qu’il y a eu à la cathédrale de Nantes, nous ne pouvions pas exécuter la décision d’expulsion du territoire national de cette personne puisqu’elle a été pendant plusieurs mois en prison, puis libérée sous contrôle judiciaire et ce contrôle judiciaire prévoyait explicitement qu’elle ne pouvait pas quitter le territoire national en attendant la décision de justice. »

Devant l’ampleur de la vindicte publique qui gronde à l’encontre du suspect, cloué au pilori, d’anciens enseignants, amis et hébergeurs volent à son secours. « Emmanuel a mangé́ à notre table. Nous avons été au musée ensemble. Plusieurs fois je l’ai conduit ici ou là en voiture, seule, parce qu’Emmanuel était un homme bon et doux, profondément respectueux, avec lequel on se sentait en sécurité́. Il a été́ hébergé́ par des membres de ma famille plusieurs mois, lorsqu’il n’avait nulle part où aller. Il était discret, gentil, était aimé́ de tous », écrit Cécile Murray, ex-professeur d’Emmanuel A.

Et d’expliquer que le demandeur d’asile, bénévole au sein de l’église et très impliqué, avait d’abord été heurté par le scepticisme de l’Ofpra, l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, organisme en charge d’étudier sa demande de régularisation, face au récit des horreurs qu’il avait vécues au Rwanda. « On lui disait que son histoire n’était pas la vérité. Emmanuel pleurait, impuissant, témoigne-t-elle. J’ai vu ce jour-là commencer pour cet homme qui avait déjà vécu la torture au premier degré une torture psychologique. L’angoisse, la peur, le sentiment d’injustice. »

Fragilité mentale

Une fragilité́ mentale se serait alors progressivement installée, se dégradant au gré des refus de régularisation et des ordonnances de reconduite à la frontière durant huit ans. Enfin, une agression en 2019 sur le parvis de la cathédrale de Nantes aurait définitivement fait vaciller son état psychologique. « Emmanuel est venu chez nous, balafré à la joue, ses lunettes cassées, dans un état de panique. (…) Il répétait qu’il ne comprenait pas pourquoi il avait été attaqué », écrit Odile Brousse, la tante de Cécile, qui a également hébergé Emmanuel A.

Cet évènement va réactiver d’anciens traumatismes. Il ne sera plus jamais comme avant, selon ses amis. « Un homme à qui on refuse de vivre comme un homme, à un moment, ne peut plus tenir. (…) On la laissé dans une détresse telle qu’un homme pourtant si doux, et encore une fois je ne suis pas la seule à le dire, se retrouve aujourd’hui tellement perturbé psychologiquement qu’il a tué́ celui qui lui tendait la main », déplore enfin Cécile Murray. Depuis son arrestation, Emmanuel A. aurait été entendu par les enquêteurs, mais « pas par le magistrat instructeur », déclare Emmanuelle Lepissier, procureure de la Roche-sur-Yon, à Marianne. « L’information judicaire est toujours en cours. Et l’homme toujours hospitalisé ». Le 9 août prochain, une messe, organisée par le diocèse de Luçon, sera consacré au prêtre décédé.

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