Publié par Gertrude Lamy le 14 septembre 2022

Source : Breizt-info

Ces trois années que nous venons de vivre serons probablement vues par les historiens futurs comme celles d’un changements profonds à l’échelle de la planète.

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Il est toujours difficile, lorsqu’on vit les événements, d’appréhender leur valeur historique.

J’avais une vingtaine d’années en 1968. Étudiant en plein Quartier Latin, (j’étais en « taupe » à Henri IV) j’ai vécu au quotidien et de l’intérieur la période du mois de mai. Même vu du centre des événements, je n’avais qu’une vision très « parcellaire » et sans  doute très incomplète quant aux « racines » réelles du mouvement. A l’époque, on a trop focalisé sur les mouvements des étudiants alors qu’il s’agissait d’un changement de société, particulièrement en Occident.

La disparition de l’URSS

La vision d’Hélène Carrère d’Encausse dans son livre L’empire éclaté  paru en 1973 s’est révélée  assez exacte. Les nationalismes, étouffés par le système soviétique qui avait imité le régime des Tsars, ont repris le dessus au bout de 75 ans. Il a fallu trois générations pour que le mythe disparaisse. Ce bouleversement profond de l’équilibre des puissances militaires a eu comme conséquence première de consacrer une hégémonie américaine qui existait à l’état latent depuis la fin de la guerre. Cependant, l’état profond américain n’a pas eu la patience d’attendre que le fruit tombe tout seul. Pour accélérer la chute, il a utilisé différents stratagèmes qui, certes, ont fonctionné, mais se sont révélés à « double tranchant ». Ce fut le cas pour les frères musulmans, sortis par Anouar el Saddat des geôles égyptiennes où Nasser les avait mis. Le président égyptien voulait améliorer ses relations avec la famille Séoud par cette mesure d’apaisement.

Zbignew Brzezinski en profita pour conclure un « deal » avec les Saoudiens afin de former avec la CIA ce qui allait devenir « Al Qaïda »

L’armée Rouge s’enlisa dans le bourbier afghan et se retira en 1989, ce qui permit aux Talibans de s’y implanter.

La Commission Trilatérale

Depuis les années 70, l’état profond réfléchissait à une autre organisation économique mondiale qui assurerait la stabilité dans un monde devenu « monopolaire » La puissance financière du dollar, monnaie fiduciaire, officiellement depuis 71, mais depuis beaucoup plus longtemps dans la réalité, compte-tenu de l’opacité sur les réserves d’or de la FED, et son monopole de facto de monnaie de réserve internationale conférait aux banquiers internationaux une puissance hégémonique.

Il restait à organiser le monde en fonction de celle-ci.

La Commission Trilatérale, issue spirituellement du Club des Bilderberg en 1973, introduite en France par Raymond Barre, avec l’appui de Giscard d’Estaing, théorisa cette architecture « mondialiste ».

Le pilier intellectuel fut le « néo-libéralisme » développée par Milton Friedman au travers de « l’Ecole de Chicago », qui cadrait très bien avec ce monde sans frontières ayant le profit pour moteur. Le monde économique allait s’organiser autour de trois sphères de prospérité. Là-encore, les effets pervers (pour l’état profond) mirent plusieurs décennies avant de se manifester.

Le monde des années 90 était le résultat de ce plan soigneusement élaboré qui visait à l’hégémonie américaine dirigée par l’état profond discrètement mis en place depuis plusieurs décennies, et qui s’était emparé un par un des leviers du pouvoir, à l’insu du peuple américain. Celui-ci demeurait persuadé que le concept de « destinée manifeste », initialement restreint à l’Amérique du Nord, faisait de lui le peuple élu de Dieu qui devait répandre les bienfaits de la liberté et de la démocratie partout sur la planète.

Un monde différent

Entre 1991 et 2022, le monde a changé. Le projet de la Commission Trilatérale a changé la donne.

Les pays industrialisés sont entrés dans l’ère « post-industrielle » et leurs activités ont évolué vers le commerce, la finance et les services. Les pays « émergeant » sont devenus « l’atelier du monde » et le tiers-monde est resté « le tiers-monde » dont on extrait simplement les matières premières du sol et du sous-sol, conformément à ce qui était prévu.

Le dollar, devenu incontournable, avait permis, au travers du FMI, d’acquérir à bas prix des ressources agricoles gigantesques et l’état profond américain avait décidé, convaincu par Dick Cheney que le pétrole allait bientôt manquer, d’en prendre le contrôle de l’extraction. Il fallait simplement trouver un bon prétexte, ce qui fut fait entre 2001 et 2003. Le résultat fut une déstabilisation du proche et moyen-orient. L’intervention en Irak, sous un prétexte mensonger de présence d’armes de « destruction massive » a durablement disqualifié les États-Unis.

Parallèlement à tout cela, malgré les promesses faites par l’OTAN aux dirigeants russes après la disparition de l’URSS, l’OTAN continua à s’étendre vers l’Est de l’Europe en établissant une sorte d’arc défensif tout autour de la Russie. La guerre de Yougoslavie et le rattachement autoritaire du Kosovo furent également interprétés par la Russie comme des actes hostiles. Le livre de Zbignew Brzezinski « le grand échiquier » publié en 1997, avait théorisé cette approche et son auteur est resté persuadé jusqu’à sa mort en 2017 que la Russie devait être détruite car elle représentait un danger pour les États-Unis.

Tout ceci convergeait vers une suspicion grandissante envers les États-Unis et leur domination mondiale qui se faisait de plus en plus sentir. Dès 2014, la « dédollarisation » est devenue une priorité pour la Russie et la Chine. lorsqu’elles ont commencé à étendre leur coopération économique en raison de l’éloignement de la Russie de l’Occident et remplacer les dollars dans les accords commerciaux est devenu une nécessité pour contourner les sanctions américaines contre la Russie.  (Faits et Documents N°510 page 8)

Or, cette dédollarisation était absolument insupportable pour l’état profond qui, justement, tirait toute sa puissance du dollar, pour autant que cette monnaie conserve son quasi-monopole de monnaie de réserve internationale. Ceci est certainement l’élément majeur à l’origine de la situation actuelle. Si le dollar perd ce monopole, la dette américaine, qui est en partie absorbée par l’exportation des dollars nécessaire aux échanges internationaux, va croître d’une façon quasi-exponentielle et l’inflation induite va devenir galopante. Si le dollar perd la confiance internationale dont il jouit depuis 1945, et probablement injustifiée depuis 1971, c’est la puissance de l’état profond qui est directement touchée, et par là-même la toute-puissance américaine.

Nous touchons probablement là les causes profondes de la guerre en Ukraine démarrée le 24 février 2022. Le décalage dans le temps est important, mais il a fallu une longue préparation de l’opinion publique occidentale. Il fallait à tout prix que la Russie soit l’agresseur, pour ne pas reproduire la Yougoslavie et encore moins l’Irak et surtout il ne fallait pas que les États-Unis s’impliquent directement. D’où l’idée d’un conflit régional pouvant tout au plus impliquer l’Union Européenne face à la Russie.

Mais visiblement, ce temps a été mis à profit par la Russie et la Chine (et peut-être d’autres) pour préparer le coup d’après. Car Poutine est un joueur d’échecs.

Le monde se divise sur le conflit ukrainien

La riposte immédiate à l’entrée de l’armée russe en Ukraine a été l’application de sanctions économiques qui devaient terrasser l’économie russe. Il y en avait une, notamment, qui devait  porter le coup de grâce,  et qui était l’exclusion de la Russie du programme « SWIFT ». La rapidité avec laquelle ces sanctions ont été mises en place témoigne d’une certaine anticipation. Mais visiblement, la réponse de la Russie était déjà prête également. Exiger de faire payer en roubles les livraisons des produits énergétiques, en le justifiant par  la mise à l’écart des banques russes du système des règlements internationaux, va surtout encore affaiblir le dollar en diminuant sa part de monnaie de réserve. De plus, ces sanctions vont directement affaiblir les économies européennes car elles vont se traduire par une raréfaction de leur approvisionnement énergétique, donc un renchérissement de coûts de production.

Ce qui est très curieux à observer, c’est que le rationnement énergétique était déjà inscrit dans le programme du « Great Reset » tel qu’il est écrit par Claus Schwab dans son livre paru en 2020.

On trouve notamment, page 163 : « Nous pensons qu’en faisant de l’énergie propre une partie intégrante de leurs plans, les gouvernements peuvent créer des emplois et de la croissance économique tout en veillant à ce que leurs systèmes énergétiques soient modernisés, plus résistants et moins polluants. Les gouvernements dirigés par des dirigeants éclairés associeront leurs plans de relance à des engagements écologiques. Ils offriront, par exemple, des conditions financières plus généreuses aux entreprises ayant des modèles économiques à faibles émissions de carbone ».

Ainsi donc, cette guerre en Ukraine semble tomber à point nommé pour mettre en œuvre la phase suivante de cette « grande bascule » évoquée par Emmanuel Macron, qui ressemble étonnamment à cette grande réinitialisation. On ne pourra jamais démontrer que ceci relevait d’un plan concerté, mais la question mérite néanmoins d’être posée.

Il apparaît également que le monde se fracture sur les sanctions, et ce sont 130 pays qui ont décidé de ne pas les appliquer. Ces pays représentent environ les 2/3 de l’Humanité.  Pour mieux appréhender le rapport des forces, nous avons d’un côté l’Occident (Europe occidentale et l’Amérique du Nord, auxquelles on peut adjoindre l’Australie) et de l’autre le reste du monde.

En 1970, l’Occident représentait 25% de la population mondiale(4 milliards d’habitants) et 90% du PIB mondial.

En 2022, l’Occident ne représente plus que 12,5% de la population mondiale (8 milliards d’habitants) et 45% du PIB mondial. Ces chiffres montrent très clairement que la mondialisation monopolaire (gouvernement mondial) ne verra pas le jour, et que la nouvelle géopolitique sera régionalisée autour des continents.

Vers un monde « westphalien » ?

Cette réorganisation autour des continents se dessine de plus en plus nettement. Elle est la réponse au duel qui oppose depuis plusieurs décennie les « mondialistes » aux « souverainistes ». La notion de proximité est l’un de ses fondements. Trop de peuples ont fait l’expérience malheureuse d’une domination financière par une dette émise en dollars qui les réduisait à la servitude.

Cette perte de confiance dans le dollar, ajoutée au poids grandissant des économies des pays « émergeants » à contribué à positionné ces derniers au centre de leurs continents respectifs.

La recherche d’une autonomie de proximité, permettant néanmoins de maintenir les souverainetés nationales, semble la plus adaptée aux aspirations des peuples.

Cependant, la stabilité de la paix mondiale impose qu’aucune de ces entités continentales ne soit plus puissante que toutes les autres réunies. Dans cette vision d’un monde westphalien, il apparaît évident que seule la vision « gaullienne »  d’une Europe s’étendant de « l’Atlantique à l’Oural » peut satisfaire cette condition.

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