Publié par Dreuz Info le 27 octobre 2022

Dans un geste habituel, un grand rabbin de Russie a accusé un haut fonctionnaire de la défense de discours de haine antisémite en rapport avec la guerre en Ukraine, et un porte-parole du rabbin a mis en garde contre le début d’une “nouvelle ère dans les relations de la Russie avec les Juifs”.

Berel Lazar, l’un des deux grands rabbins de Russie, a lancé mercredi l’accusation d’antisémitisme contre Aleksey Pavlov, le secrétaire du Conseil de sécurité de Russie, un comité d’experts du gouvernement. Dans une colonne du journal hebdomadaire Argumenty i Fakty, Pavlov a parlé de la nécessité d’effectuer une “désatanisation” en Ukraine, qui, selon Pavlov, compte des centaines de cultes néo-païens. Il a inclus “la secte Habad-Loubavitch”, comme Pavlov l’a appelée, dans une liste de divers groupes religieux qui, selon lui, prouvent son propos.

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Le rabbin Boruch Gorin, le plus haut porte-parole de Lazar, a écrit mercredi sur Facebook que les propos de Pavlov allaient plus loin que la propagande stalinienne des années 1930 et qu’il craignait que cette remarque “entre dans l’histoire comme le début d’une nouvelle ère dans les relations de la Russie avec les Juifs“.

Le bureau de Lazar a répondu à la chronique par une lettre ouverte adressée à des “autorités” non précisées en Russie, qualifiant la chronique de Pavlov de “pièce d’antisémitisme vulgaire”. Dans cette lettre, Lazar, dont le groupe est sur la corde raide depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie en février, a déclaré que les Juifs russes “exigent une réponse immédiate et sans ambiguïté de la société et des autorités de l’État” aux déclarations de Pavlov, que Lazar a également qualifiées de “dangereuses”.

En Russie et en Ukraine, où les rabbins Habad ont fait du mouvement l’entité juive prédominante au niveau local, de nombreux non-Juifs utilisent les mots “Habad” et “Hasid” de manière interchangeable avec “Juifs”.

La Fédération des communautés juives de Russie de Lazar a entretenu de bonnes relations avec le bureau du président russe Vladimir Poutine. Le bureau de Lazar et Gorin en particulier ont dénoncé par le passé ce qu’ils considéraient comme de l’antisémitisme ou de la discrimination à l’égard des Juifs de la part de fonctionnaires de l’État et de la justice, mais ces protestations comprenaient rarement des demandes indignées d’action et ne se sont pas produites jusqu’à présent dans le contexte de la guerre avec l’Ukraine, qui a suscité une répression en Russie contre les critiques et les critiques perçus de cette campagne.

Parmi les rabbins actifs dans les communautés juives de Russie, 90 % sont Habad, tout comme moi“, écrit Lazar. Habad est l’antithèse du paganisme, a-t-il ajouté. “On pourrait qualifier la logique de M. Pavlov d’antisémitisme absurde et vulgaire, mais en fait, il s’agit d’une nouvelle édition des mêmes vieilles calomnies sanguinaires, et elles sont extrêmement dangereuses lorsqu’elles sont proférées par un membre du Conseil de sécurité de la Russie“, a écrit M. Lazar.

La lettre de Lazar fait suite à des rapports indiquant que les expressions d’antisémitisme ont augmenté dans les médias contrôlés par l’État en Russie, où elles étaient devenues taboues depuis l’arrivée au pouvoir de Poutine il y a plus de 20 ans.

Un article paru le mois dernier dans Moskovskij Komsomolets, un quotidien russe très cultivé, a qualifié plusieurs personnalités juives connues d'”agents étrangers”. En outre, une tribune libre sur le site d’un prestigieux groupe de réflexion contenait des propos antisémites sur Bernard-Henri Levy, un journaliste franco-juif qui a écrit des articles critiques sur l’invasion de la Russie.

Lazar et Habad de Russie ont protesté avec véhémence contre plusieurs mesures administratives prises ces dernières années, notamment l’interdiction d’un livre sur un Juif qui a gardé sa foi tout en résistant aux pressions pour se convertir au christianisme et l’expulsion de plusieurs rabbins Habad étrangers de Russie pour diverses raisons, notamment des allégations non précisées selon lesquelles ils représentaient un danger pour la sécurité nationale.

Mais la guerre a profondément modifié le climat social en Russie, où les médias critiques ont été fermés dans le cadre d’une répression de ce qui restait de liberté d’expression dans le pays. Alors que les cercles nationalistes se font un devoir de dénoncer les prétendus traîtres, la Fédération des communautés juives de Lazar a exprimé son mécontentement à l’égard de la guerre, qui, selon Gorin, doit cesser. Cette approche a distingué le groupe de Lazar des autres groupes chrétiens et musulmans reconnus par l’État, qui se sont prononcés en faveur de la guerre.

Le départ de plus de 20 000 Juifs de Russie cette année – un triplement des chiffres de l’année dernière et environ 16 % du nombre total de la population juive en Russie estimé pour 2020 – n’a pas échappé aux médias et aux cercles nationalistes russes. La plupart de ces événements se sont produits avant l’introduction, le mois dernier, de l’appel sous les drapeaux de 300 000 hommes devant servir dans l’assaut russe contre l’Ukraine, qui est dans l’impasse et dans lequel des milliers de soldats russes ont été tués.

Dans ce contexte, Gorin s’est joint à d’autres personnes mettant en garde contre un retour de l’antisémitisme déclaré dans le discours public en Russie, où l’oppression des Juifs et, parfois, la violence à leur encontre, ont été une politique pendant de nombreuses décennies.

Source : JTA

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