
« L’armée française n’est pas adaptée à gagner une guerre », a-t-il assuré lors d’une interview dans Le Parisien à l’occasion de la sortie de son nouveau livre « Paroles d’honneur* », sorti le 9 novembre.
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La France doit faire « beaucoup plus et de manière urgente » pour améliorer le niveau des armées françaises en cas de guerre », dit Pierre de Villiers, qui estime qu’il faut d’abord « partir du modèle d’armée que l’on veut », et ensuite « aborder la question du financement ». Seule demie « satisfaction » notée par le général : les augmentations dans le budget de la Défense de « 1,7 milliard d’euros par an depuis 2017 » et « même 3 milliards d’euros pour 2023 ». Mais, pour l’ancien chef d’état-major des armées, « il va falloir aller bien au-delà ».
Aux questions d’Apolline de Malherbe dans le Face à Face sur BFMTV, il déclare :
« Accélérons le calendrier. On ne constitue pas des stocks de munitions en six mois. On ne construit pas des chars, des avions, des bateaux en six mois »
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« Ca fait 20 ans qu’on parle d’accroitre notre capacité en force de réserve. On ne l’a pas fait essentiellement avec les astuces de garçons de bain qui nous ont imposé des pressions budgétaires ».
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« J’ai démissionné en 2017 parce que je voyais le monde de plus en plus dangereux mais surtout de plus en plus instable ».
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« En 1914 et 1939, aucun dirigeant ne voulait la guerre. Il faut mettre les moyens »
Augmenter le budget, accélérer le calendrier
« L’Ukraine doit nous forcer à une réadaptation de notre modèle. Il faut l’adapter non pas à ce que nous faisons depuis des dizaines d’années, des opérations de guerre, mais à gagner une guerre », déclare-t-il, appuyant ses propos d’un rapport parlementaire publié en février. « Les armées françaises n’ont pas aujourd’hui les moyens d’un conflit de haute intensité. La solution ? Accroître le budget, bien plus que les 3 milliards d’euros d’augmentation prévue pour 2023 ».
Au programme, moderniser les forces, remplacer les vieux matériels, renouveler la composante océanique stratégique et accélérer les calendriers pour une montée en puissance de l’appareil industriel. « Tout l’aspect logistique est à revoir », selon lui.
La menace nucléaire russe
« Quand un dictateur est dans un tunnel, il ne recule pas. J’ai toujours retenu ça comme leçon de l’histoire »
Face à une menace nucléaire russe, Pierre de Villiers dit faire confiance aux dirigeants actuels pour travailler tous les scénarios.
Il pense cependant que Vladimir Poutine, actuellement en situation d’échec en Ukraine, est capable de recourir à de telles mesures, « parce qu’un dictateur ne recule jamais dans un tunnel. »
« La doctrine d’emploi du nucléaire tactique en Russie n’est pas la nôtre.
[…]
Chez eux, cela fait partie des moyens d’emploi classiques, conventionnels. Personne ne peut dire avec certitude qu’il ne l’utilisera pas dans les mois qui viennent. »
Macron : des promesses, des paroles et des promesses
Le président de la République avait annoncé le retour à une économie de guerre en juin 2022. Un appel qui tarde à être suivi de faits, regrette le général Pierre de Villiers.
« Les affaires continuent comme en temps de paix, or nous sommes dans une période d’économie de guerre. Le président a eu raison de dire ça. L’économie de guerre, ça veut dire qu’on prend des procédures adaptées. Le 24 février, l’Ukraine a été attaquée et depuis on est toujours dans ces procédures budgétaires et la loi sur la programmation militaire sera votée au printemps prochain. Moi, je dis accélérons les calendriers, il y a urgence. On ne reconstitue pas les stocks de munitions en six mois. On ne construit pas des chars, des bateaux, des sous-marins en six mois. On ne reconstitue pas une cohérence entre les hommes, les équipements, la formation, l’entraînement en six mois. Il faut se dépêcher”
Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Jean-Patrick Grumberg pour Dreuz.info.
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Depuis la dissolution du pacte de Varsovie en 1990, les missions dévolues aux armées par le pouvoir politique sont les OPEX. Ce n’est que depuis deux ans (avec les frictions contre la Turquie en Méditerranée) qu’on commence à parler de guerre de haute intensité. Cette nouvelle mission va être inscrite dans la loi de programmation militaire au printemps, puis le budget pour la remontée en puissance sera étalé sur cinq ans. Tout ceci n’est pas sérieux.
Si comme le dit Macron nous passions en économie de guerre (mais pour lui qu’est-ce que cela veut dire ? Nous étions déjà en guerre contre le Covid…) il faudrait affecter d’autorité des moyens de production aux besoins des armées, et surtout il faudrait tailler à la hache dans le budget. Les 800 milliards d’euros annuels des budgets sociaux n’y survivraient pas !
En fait dans la position du général de Villiers, il y a un présupposé qui est que la France doit pouvoir intervenir dans une guerre de haute intensité ailleurs que sur son territoire. Cette position interventionniste est motivée par le souci de donner à la France une position éminente dans le concert des nations, et de justifier notre place de membre permanent du conseil de sécurité des nations unies. Il faut reconnaître que tout ceci relève des gloires passées et que nous n’avons plus les moyens aujourd’hui de tenir un tel rang.
Une autre politique est possible. La France pourrait abandonner toute velléité de régenter le monde (le sacrifice ne serait pas bien grand, car qui nous écoute encore aujourd’hui ?) et confier à ses armées l’unique mission de défendre son territoire et ses intérêts dans le monde. Dans ce cas il nous suffirait de notre force de dissuasion nucléaire, d’une petite armée conventionnelle pour protéger les frontières, et de moyens renforcés en renseignement et en forces spéciales.
Ce modèle d’armée serait infiniment moins coûteux. Quelque part il serait assez semblable à celui de la Suisse.
Il est dommage que ce débat ne soit jamais porté sur la place publique. Apparemment, tous les partis politiques s’entendent sur le maintien du modèle d’armée interventionniste, et sur le refus d’attribuer aux armées le budget correspondant.
Nous allons dans le mur…
Je n’avais pas l’impression qu’il parlait de ferrailler ailleurs pour le prestige du pays, mais bien de défendre notre peau. J’ai tort ?