Publié par Mauricette le 2 janvier 2023

Source : Prixm

Sorti en 1959, le film Le Roi cruel (de son titre original Erode il grande en italien) est un péplum franco-italien réalisé par Victor Tourjanski. Il retrace la vie du roi Hérode le Grand, le puissant et tyrannique despote de Judée alors en place au moment de la naissance de Jésus. Et le choix de traduction des producteurs français rejoint bien la réalité décrite dans les évangiles…

Le texte biblique qui raconte la fuite en Égypte et le massacre des innocents juste après la naissance de Jésus et la visite des mages

Ce passage est le chapitre 2 de l’évangile de Matthieu, juste après la longue généalogie du chapitre 1. On vous a presque laissé le chapitre en entier (15 petits versets ça va !) afin de saisir toute l’action et les mouvements qui s’enchaînent juste après la naissance de Jésus.

Jésus étant né à Bethléem de Judée aux jours du roi Hérode, voici que des mages d’Orient arrivèrent à Jérusalem disant :
— Où est le roi des Juifs qui vient de naître ? Car nous avons vu son étoile à l’orient et nous sommes venus l’adorer.

Ayant appris cela, le roi Hérode fut troublé et tout Jérusalem avec lui. […] Ayant fait venir secrètement les mages, Hérode s’enquit avec soin auprès d’eux du temps où l’étoile était apparue. Et il les envoya à Bethléem en disant :
— Allez, informez-vous exactement au sujet de l’enfant et lorsque vous l’aurez trouvé, faites-le-moi savoir afin que moi aussi j’aille l’adorer.

Ayant entendu les paroles du roi, ils partirent. Et voilà que l’étoile qu’ils avaient vue à l’orient allait devant eux jusqu’à ce qu’elle vint et s’arrêta au-dessus du lieu où était l’enfant. À la vue de l’étoile ils se réjouirent avec une très grande joie. Ils entrèrent dans la maison, trouvèrent l’enfant avec Marie sa mère et se prosternant, ils l’adorèrent puis, ouvrant leurs trésors, ils lui offrirent des présents : de l’or de l’encens et de la myrrhe. Et ayant été avertis en songe de ne point retourner vers Hérode ils regagnèrent leur pays par un autre chemin.

Alors qu’ils s’en étaient retournés voici, un ange du Seigneur apparut en songe à Joseph, disant :
— Lève-toi, prends l’enfant et sa mère et fuis en Égypte et reste là-bas jusqu’à ce que je te dise car il arrivera qu’Hérode cherchera l’enfant pour le faire périr.

Lui, s’étant levé, prit avec lui l’enfant et sa mère de nuit et se retira en Égypte. Et il fut là-bas jusqu’à la mort d’Hérode afin que fût accomplie la parole dite par le Seigneur à travers le prophète, disant : « D’Égypte j’ai appelé mon fils. ».

Alors Hérode, voyant que les mages s’étaient joués de lui, fut très en colère et il envoya tuer tous les enfants dans Bethléem et de toute sa région depuis l’âge de deux ans et au-dessous, d’après le temps qu’il s’était fait préciser par les mages. […]

Hérode étant mort, voici, un ange du Seigneur apparut en songe à Joseph en Égypte disant :
— Lève-toi, prends l’enfant et sa mère et va en terre d’Israël car ils sont morts, ceux qui recherchaient la vie de l’enfant.

Lui, s’étant levé, prit l’enfant et sa mère, et vint en terre d’Israël. Entendant qu’Archélaüs régnait en Judée à la place d’Hérode son père, il craignit de s’y rendre et, averti en songe, il se retira dans la région de la Galilée et il vint s’installer dans une ville appelée Nazareth.

Évangile selon saint Matthieu, chapitre 2, versets 1-3 ; 8-16 et 19-23. Traduit du grec par les équipes du programme de recherches La Bible en ses Traditions.

Devenez “lecteur premium”, pour avoir accès à une navigation sans publicité, et nous soutenir financièrement pour continuer de défendre vos idées !

En tant que lecteur premium, vous pouvez également participer à la discussion et publier des commentaires.

Montant libre






Évitement spatial et complète opposition : l’histoire d’Hérode le Grand et de Jésus

Jean-Léon Gérôme (1824-1904), La fuite en Égypte (1896, huile sur toile, étude préparatoire pour le tableau de 1897). Musée George-Garret, Vesoul (France). Domaine public.

Le chassé-croisé entre Hérode et Jésus

Il y a énormément de choses à dire sur ce passage. Nous avons déjà abordé quelques éléments de ce court chapitre dans d’anciens numéros : la figure historique du roi Hérode ; mais aussi la tradition des « Rois » Mages ou encore le face-à-face plein d’ironie entre Hérode et les mages. Mais aujourd’hui, nous nous concentrons seulement sur un grand enjeu, à savoir la mise en opposition entre deux personnages : Hérode et Jésus.

Elle se révèle de plusieurs manières, et notamment par des précisions spatiales et factuelles qui se déroulent au moment de la Nativité puis au moment de la fuite en Égypte : Jésus étant menacé de mort par Hérode, roi tyrannique et jaloux ; la Sainte Famille s’enfuit en Égypte pour échapper au massacre des innocents. Bref, la géographie est le théâtre qui permet à la fois des rencontres et des évitements :

  • La rencontre des Mages et de la Sainte Famille (Marie, Joseph et Jésus)
  • Mais aussi l’évitement d’Hérode et de Jésus.

Que peut-on comprendre des mouvements et déplacements respectifs d’Hérode et de Jésus dans ce passage ?

Nicolas Poussin (1594-1665), Le massacre des innocents (vers 1625-29, huile sur toile, 147 x 171 cm). Musée de Condé, Chantilly (France). Domaine public.

L’évitement mutuel de deux rois : Hérode et Jésus

Tout ce chapitre se structure en deux parties distinctes : la première partie met en scène le mouvement des mages vers Jésus, tandis que la deuxième partie met en scène le mouvement de Jésus qui fuit Hérode.

Autrement dit, ce mouvement de Jésus est accompagné d’un jeu d’évitement et constitue un parfait chassé-croisé au point que jamais Hérode et Jésus ne se rencontrent :

  • Jésus est à Bethléem quand Hérode est à Jérusalem (Mt 2,3)
  • Quand Hérode vient à Bethléem, Jésus est en Égypte (Mt 2,13-15)
  • Quand Jésus revient d’Égypte, Hérode n’est plus là, il est mort. (Mt 2,19-21)

À travers cet évitement réciproque, l’évangéliste met en scène l’opposition entre deux royautés incompatibles :

  • Hérode est un tyran devenu fou de son pouvoir humain au point d’assassiner des enfants innocents,
  • tandis que Jésus est un roi d’un tout autre type puisque sa royauté est de nature divine.

En fait, il s’agit là de ce qu’on appelle une « construction en diptyque » qui met en écho Hérode et Jésus. Le but, dès le début de l’évangile, consiste à initier le lecteur au sens de la royauté divine.

Domenico Fetti (1589-1623), La fuite en Égypte (1622-23, huile sur toile, 63 x 80,5 cm), Musée d’histoire de l’art, Vienne (Autriche). Domaine public.

La parfaite opposition entre Hérode et Jésus

Plus généralement, c’est tout l’évangile de Matthieu qui met en perspective les royautés opposées d’Hérode et de Jésus en insistant sur leur opposition. Cela se retrouve à travers trois distinctions très nettes :

  • Hérode vit à Jérusalem, dans des palais somptueux, menant une vie de richesse et de luxe.
  • Jésus naît à Bethléem dans un simple logis puis se retrouve carrément placé dans une « mangeoire ».

  • Hérode, non-Juif, porte le titre de « roi des Juifs » obtenu grâce à la collaboration avec l’empire romain.
  • Jésus porte légitimement ce titre puisqu’il a été annoncé par les prophètes et qu’il est descendant du roi David.

  • Hérode est un puissant de la terre, il commande tout Jérusalem et les grands-prêtres, les scribes et les soldats lui obéissent.
  • Jésus n’est sur terre qu’un nouveau-né faible et sans défense dans les bras de sa mère, mais c’est bien devant lui que les mages se prosternent.
Peter Paul Rubens (1577-1640), L’adoration des mages (vers 1629, huile sur toile, 355 x 493 cm), Musée du Prado, Madrid (Espagne). Domaine public.

Le mot de la fin

Dans les évangiles, la figure d’Hérode constitue comme une figure d’Antéchrist puisqu’il présente en creux tout ce que le Christ n’est pas. Le philosophe et poète russe Vladimir Soloviev a justement une magnifique phrase à ce sujet, montrant combien le Christ prend à contre-pied les attentes et les gloires vainement humaines :

« L’Antéchrist ne s’explique pas en proverbes. Il peut s’expliquer entièrement par un seul proverbe et même par un proverbe bien peu subtil : Tout ce qui brille n’est pas d’or. »

Vladimir Soloviev (1853-1900), L’Antéchrist, Traduction de J.-B. Séverac, La Bibliothèque russe et slave, Paris, Michaud, 1910

Abonnez-vous sans tarder à notre chaîne Telegram, pour le cas où Dreuz soit censuré, ou son accès coupé. Cliquez ici : Dreuz.Info.Telegram.

Inscrivez-vous gratuitement pour recevoir chaque jour notre newsletter dans votre boîte de réception

Si vous êtes chez Orange, Wanadoo, Free etc, ils bloquent notre newsletter. Prenez un compte chez Protonmail, qui protège votre anonymat

Dreuz ne spam pas ! Votre adresse email n'est ni vendue, louée ou confiée à quiconque. L'inscription est gratuite et ouverte à tous

En savoir plus sur Dreuz.info

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Continue reading