Publié par Abbé Alain René Arbez le 3 mai 2023

Au début du 2ème siècle de notre ère, un certain Marcion avait décidé que les Ecrits du Premier testament n’avaient plus rien à faire dans la vie des chrétiens.

Pour cet hérésiarque amnésique et antisémite, tout commençait de zéro avec Jésus Christ et il jetait la Bible hébraïque aux oubliettes. La réaction de l’Eglise catholique fut immédiate et radicale : Marcion fut excommunié et sa communauté, pourtant importante au départ, disparut peu à peu. Mais l’esprit marcionite continua de travailler les consciences croyantes au cours des siècles et aujourd’hui encore, certains esprits, non sans illogisme, s’évertuent toujours à affirmer que le judaïsme n’a rien à faire dans les questions de la foi des chrétiens.

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Or, sans même évoquer le courant philosémite minoritaire mais toujours présent dans l’Eglise au cours du temps, l’après-guerre a vu apparaître des initiatives telles que la rencontre de Seelisberg, où protestants, catholiques et juifs firent le point sur les errances idéologiques ayant préparé le terrain à la Shoah. Le christianisme retrouvait sa matrice originelle et ouvrait de nouveaux horizons de compréhension de la foi. Ainsi, après de trop longues périodes d’antijudaïsme et de déviances doctrinales, un nouvel avenir des relations judéo-chrétiennes se dessinait sur les bases retrouvées d’un héritage spirituel commun. L’action de Jules Isaac auprès de Jean XXIII posait les bases du Concile Vatican II avec la promulgation de Nostra Aetate, suivie par des déclarations analogues de la part des Eglises réformées.

Côté catholique, de nombreux textes officiels abordant les relations judéo-chrétiennes furent publiés durant les 28 années de pontificat du pape Jean Paul II. Ainsi en 1985, le document romain « Pour une présentation correcte des Juifs et du judaïsme dans la prédication et la catéchèse » apportait des éclairages déterminants sur le sujet. Le St Siège estimait que les prêtres et les catéchistes ne mettaient pas suffisamment en valeur la judéité de Jésus et la fraternité en alliance des chrétiens avec les juifs.

C’est pourquoi le document affirme avec force : « Les juifs et le judaïsme doivent occuper une place centrale et non marginale ou occasionnelle dans la catéchèse et la prédication ».

La question qui se pose est de savoir dans quelles proportions ce rappel explicite a été pris au sérieux dans les paroisses. En a-t-on tenu compte dans la formation des prêtres au séminaire ?

Ce fut une ligne de pensée qui allait faire son chemin puisque en 2001, la commission biblique pontificale publiait sous la signature du cardinal Joseph Ratzinger « Le peuple juif et les saintes Ecritures dans la Bible chrétienne ». Texte où il est entre autres recommandé aux catholiques d’entrer dans la démarche de compréhension juive des textes du Premier Testament afin d’enrichir leur rapport à la Parole de Dieu.

Quoi qu’il en soit, le document catholique le plus insistant et le plus clair sur les mentalités laissant subsister le marcionisme se trouve dans le rapport du Colloque sur l’antijudaïsme en milieu chrétien organisé à Rome en 1997 à la demande du pape Jean Paul II. Il vaut la peine d’en citer quelques extraits :

« Cela concerne l’interprétation théologique correcte des rapports de l’Eglise du Christ avec le peuple juif dont la déclaration conciliaire Nostra Aetate a posé les bases.

Des interprétations erronées et injustes du Nouveau Testament relatives au peuple juif ont trop souvent circulé, engendrant des sentiments d’hostilité à l’égard de ce peuple. Ils ont contribué à assoupir bien des consciences, de sorte que, quand a déferlé sur l’Europe la vague des persécutions inspirées par un antisémitisme païen qui, dans son essence, était également un antichristianisme, à côté de chrétiens qui ont tout fait pour sauver les persécutés jusqu’au péril de leur vie, la résistance spirituelle de beaucoup n’a pas été celle que l’humanité était en droit d’attendre de la part de disciples du Christ. …/…

A l’origine de ce petit peuple situé entre de grands empires de religion païenne qui l’emportent sur lui par l’éclat de leur culture, il y a le fait de l’élection divine. Ce peuple est convoqué et conduit par Dieu, créateur du ciel et de la terre. Son existence n’est donc pas un pur fait de nature nid de culture, au sens où par la culture l’homme déploie les ressources de sa propre nature. Elle est un fait surnaturel. Ce peuple persévère envers et contre tous du fait qu’il est le peuple de l’alliance et que, malgré les infidélités humaines, le Seigneur est fidèle à son Alliance. Ignorer cette donnée première, c’est s’engager sur la voie d’un marcionisme contre lequel l’Eglise avait réagi aussitôt avec vigueur, dans la conscience de son lien vital avec l’Ancien Testament, sans lequel le Nouveau Testament lui-même est vidé de son sens. Les Ecritures sont inséparables du peuple et de son histoire, laquelle conduit au Christ. …/…

Ceux qui considèrent le fait que Jésus fut juif et que son milieu était le monde juif comme de simples faits culturels contingents, auxquels il serait possible de substituer une autre tradition religieuse dont la personne du Seigneur pourrait être détachée sans qu’elle perde son identité, non seulement méconnaissent le sens de l’histoire du salut, mais plus radicalement s’en prennent à la vérité elle-même de l’incarnation ».

A cela on pourrait ajouter la phrase célèbre de Jean Paul IIqui résume bien laproblématique : « Qui rencontre Jésus Christ rencontre le judaïsme ».

Ces rappels devraient permettre aux nostalgiques d’une théologie de la substitution de ne pas passer à côté de la réalité historique et théologique. Car comme M. Jourdain qui faisait de la prose, sans le savoir, on peut être inconsciemment marcionite et subir une vision tronquée de la Révélation totalement injuste envers les « frères aînés ».

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Abbé Alain René Arbez, prêtre catholique, commission judéo-catholique de la conférence des évêques suisses et de la fédération suisse des communautés israélites, pour Dreuz.info.

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