
Les anticléricaux, les antireligieux, et spécialement les anticatholiques en rage contre les dogmes, citent souvent la fameuse phrase : « credo quia absurdum », « je crois parce que c’est absurde ! » attribuée à tort à Tertullien. Le but étant de démontrer par là que la foi est une démarche irrationnelle, et que toute croyance autre que scientifique ou idéologique est un leurre.
Mais il y a un problème : Tertullien n’a jamais écrit cette phrase, et lui qui donnait de l’importance à la raison n’aurait jamais pu formuler un tel déni ! Au fil du temps, cette formule est devenue un marqueur polémique, à tel point que Voltaire, en rage contre l’Eglise, l’a utilisée en l’attribuant à …St Augustin. Les existentialistes l’ont abondamment citée.
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Le pape Benoît XVI, qui vient de nous quitter, a développé une position chrétienne mettant en valeur la raison, présente dans la démarche de foi. Car si la foi peut sembler irrationnelle à certains rationalistes, elle n’est en pas moins raisonnable aux yeux des croyants. Tout en respectant la simplicité du cœur, l’Eglise ne fait pas la promotion de la foi du charbonnier. Même Michel Onfray a évolué sur le sujet et il comprend aujourd’hui l’attitude du croyant qui estime crédible la présence de Dieu dans la vie du monde, ceci, d’autant plus que lui-même ne partage pas cette approche.
Pourquoi attribue-t-on à Tertullien, célèbre père de l’Eglise, une phrase hostile à la raison ? Dans son ouvrage « De carne christi », Tertullien réagit essentiellement contre les positions extrêmes de Marcion, un hérésiarque du 2ème siècle. Ce chef religieux dissident croit à la divinité de Jésus, mais il refuse son humanité. Pour lui, l’humanité du Fils de Dieu fait désordre.
Tertullien argumente donc dans son traité pour montrer que Marcion passe à côté du mystère de l’incarnation du Verbe de Dieu tel que le présente St Jean dans le 4ème évangile. Car St Jean, dans son prologue, réagit aux idées grecques lorsqu’il affirme que le Logos s’est fait chair. Ce qui est inacceptable pour les esprits rationnels inspirés par les philosophes grecs. Selon eux, l’homme étant une étincelle divine tombée du ciel dans un corps méprisable, Dieu ne peut avoir eu la mauvaise idée de s’incarner dans un être humain, appelé Fils de Dieu, qui de plus, est mort crucifié et est ressuscité !
Marcion reprenant cette logique, rejette l’humanité de Jésus. Dans la même foulée, il récuse tout l’ancien testament considéré comme charnel et obsolète, pour n’admettre que le nouveau, perçu comme spirituel. Cette posture est une des bases de l’antijudaïsme qui a obscurcit l’histoire. Pour ces interprétations docétistes et gnostiques, Marcion a été excommunié par l’Eglise.
C’est précisément dans ce contexte que Tertullien réagit fermement en écrivant De carne Christ (De la chair du Christ) où une phrase précise a été détournée de son sens : « prorsus credibile est quia ineptum est », ce qui ne signifie pas « je crois parce que c’est absurde » -sorte de suicide intellectuel – mais : « je crois parce que cela dépasse les limites humaines ».
En d’autres termes, le Fils de Dieu est mort, ceci est crédible, car cela ne convient pas aux conformités restrictives de l’esprit humain. Dans un autre écrit Tertullien considère cependant que rien ne doit être cru inconditionnellement. Ce qui ne l’empêche pas de s’inspirer d’Aristote pour lequel quelque chose a des chances d’être vrai s’il s’agit d’une affirmation incroyable, car l’esprit humain façonne ses idées selon sa convenance. « Les hommes croient aux choses qui sont vraisemblables. Si une chose est incroyable et invraisemblable, elle peut être vraie, puisque ce n’est pas en raison de sa probabilité que nous la croyons » (rhétorique II, 23, 1400a 6-9).
Ainsi, Tertullien s’oppose à Marcion et à d’autres postures hérétiques qui nient l’incarnation jugée non conforme aux acceptions dominantes. Il se situe clairement dans la pensée de l’apôtre Paul qui affirme que « Dieu choisit ce qui semble insensé dans le monde pour confondre ce qui se prétend sage » (1 Co 27). En effet, la sagesse de ce monde s’avère impuissante à sauver l’être humain, alors que la crucifixion de Jésus, inconvenante aux yeux des sages qui font l’opinion, ouvre une ère nouvelle de salut dans l’humanité.
Au début du 2ème s. Ignace d’Antioche mettait lui-même les croyants en garde face aux dérives de la critique païenne du christianisme, en particulier dans tout ce qui nie la matérialité des faits au nom de croyances éthérées :
« Soyez donc sourds quand on vous parle d’autre chose que de Jésus Christ, de la race de David, fils de Marie, qui est véritablement né, qui a mangé et qui a bu, qui a été véritablement persécuté sous Ponce Pilate, qui a été véritablement crucifié, est mort, et aux regards du ciel, de la terre et des enfers, qui est aussi véritablement ressuscité d’entre les morts ».
Dans un tel contexte, Tertullien ne peut donc pas être l’auteur d’une apologie de l’absurde, et la phrase qui lui a été attribuée comme étendard obscurantiste contredit son combat pour la raison éclairée. Il a simplement rappelé dans son traité De carne Christi que l’inattendu et la nouveauté ont une place dans la vie du monde, et aussi que la présence active de Dieu aux côtés de l’humanité peut surprendre. Croire que l’on sait tout, que l’on a déjà tout vu et tout déterminé n’est pas raisonnable ! L’actualité nous suggère même que cela est dangereux.
Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Abbé Alain René Arbez, prêtre catholique, commission judéo-catholique de la conférence des évêques suisses et de la fédération suisse des communautés israélites, pour Dreuz.info.
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Je ne sais pas si les incroyants citent souvent cette phrase. Cela doit dépendre du milieu (personnellement c’est la première fois que j’en entends parler). Je crois néanmoins comprendre votre explication : si on croit quelque chose qui semble invraisemblable, cette chose a de fortes chances d’être vraie car l’être humain, qui est logique, l’aurait autrement rejetée. Pour être crue, il faut donc qu’une chose soit, soit vraisemblable, soit vraie (même si inhabituelle). Bref, le fait de croire est en soi une estampille de vérité ou de vraisemblance, parce que l’être humain ne croirait tout de même pas n’importe quoi.
« l’être humain ne croirait tout de même pas n’importe quoi. » Oh que si – surtout de nos jours ! La théorie du genre, la planète Terre en danger, la viabilité du mariage entre gens du même sexe, le respect exigé pour les pires déviations sexuelles, la survivance du culte pour le communisme/socialisme après un siècle d’échecs sanglants partout où il a été imposé, l’avortement en tant que méthode de contraception… et al, autant de « n’importe-quois » qui illustrent l’infinie jobardise liée à la nature humaine.
D’accord avec vous Atikva. J’essaye juste de paraphraser l’article pour voir si j’ai bien compris la démonstration sur le sens de cette phrase. On peut peut-être aussi l’expliquer ainsi : l’être humain moyen est terre à terre et n’aurait jamais été capable d’inventer une existence aussi incroyable que celle du Christ. C’est donc justement parce que c’est incroyable au point de dépasser l’imaginaire humain que cela ne peut qu’être vrai.
Je suis toujours en train d’essayer de faire de l’explication de texte, pas de donner mes opinions personnelles.
La réalité dépasse souvent la fiction…
« Croire que l’on sait tout, que l’on a déjà tout vu et tout déterminé n’est pas raisonnable! » En effet, c’est une manifestation flagrante d’orgueil.
La foi a ses raisons que la raison ne saurait avoir…
Exemple :
La foi d’un officier romain
Luc 7. 2 à 10
2 Un centenier avait un serviteur auquel il était très attaché, et qui se trouvait malade, sur le point de mourir.
3 Ayant entendu parler de Jésus, il lui envoya quelques anciens des Juifs, pour le prier de venir guérir son serviteur.
4 Ils arrivèrent auprès de Jésus, et lui adressèrent d’instantes supplications, disant: Il mérite que tu lui accordes cela;
5 car il aime notre nation, et c’est lui qui a bâti notre synagogue.
6 Jésus, étant allé avec eux, n’était guère éloigné de la maison, quand le centenier envoya des amis pour lui dire: Seigneur, ne prends pas tant de peine; car je ne suis pas digne que tu entres sous mon toit.
7 C’est aussi pour cela que je ne me suis pas cru digne d’aller en personne vers toi. Mais dis un mot, et mon serviteur sera guéri.
8 Car, moi qui suis soumis à des supérieurs, j’ai des soldats sous mes ordres; et je dis à l’un: Va! et il va; à l’autre: Viens! et il vient; et à mon serviteur: Fais cela! et il le fait.
9 Lorsque Jésus entendit ces paroles, il admira le centenier, et, se tournant vers la foule qui le suivait, il dit: Je vous le dis, même en Israël je n’ai pas trouvé une aussi grande foi.
10 De retour à la maison, les gens envoyés par le centenier trouvèrent guéri le serviteur qui avait été malade.
Les versets 14 et 15 sont pas mal aussi en ce qu’ils démontrent ce que Jésus est capable de faire.
14 Il s’approcha, et toucha le cercueil. Ceux qui le portaient s’arrêtèrent. Il dit: Jeune homme, je te le dis, lève-toi!
15 Et le mort s’assit, et se mit à parler. Jésus le rendit à sa mère.
Romains 10
C’est la parole de la foi, que nous prêchons.
Si tu confesses de ta bouche le Seigneur Jésus, et si tu crois dans ton coeur que Dieu l’a ressuscité des morts, tu seras sauvé.
Car c’est en croyant du coeur qu’on parvient à la justice, et c’est en confessant de la bouche qu’on parvient au salut, selon ce que dit l’Écriture:
Quiconque croit en lui ne sera point confus.