Publié par Abbé Alain René Arbez le 14 janvier 2023

Jean-Baptiste désigne Jésus par cette phrase mystérieuse, répétée à chaque eucharistie avant de partager la communion :

« Voici l’Agneau de Dieu, qui enlève le péché du monde… »

Alors que Matthieu, Marc et Luc ne dévoilent que progressivement, dans leur récit évangélique, qui est Jésus, Jean commence le sien comme une synthèse théologique : il met immédiatement en lumière le Christ en tant que serviteur de Dieu, image vivante du Verbe éternel et Fils de Dieu.

Il nous invite ainsi directement à la contemplation de la Parole de Dieu incarnée dans l’homme Jésus, une parole d’amour absolu, le Logos ou logiciel de la création, apparaissant au cœur de notre histoire humaine. « Voici l’agneau de Dieu… ». Cette phrase présente à chaque eucharistie n’est pas un langage ésotérique pour initiés, c’est un rappel de l’histoire sainte d’Israël en dehors de laquelle la personne de Jésus n’aurait aucun sens.

En effet, cette expression AGNEAU DE DIEU fait référence aux pages les plus importantes de la Bible. Il y a d’abord l’événement fondateur de l’alliance, la sortie d’Egypte, cette fameuse nuit où les Hébreux immolent des agneaux et en appliquent le sang sur les linteaux de leurs portes pour échapper à l’ange exterminateur qui frappe les Egyptiens. Depuis, chaque année en célébrant la Pâque, des agneaux sont sacrifiés pour être mangés en communauté afin de se remémorer la grande libération de toute servitude. Ainsi, quand Jean Baptiste s’exclame : « voici l’agneau de Dieu », c’est la communauté des croyants qui désigne à l’avance le sacrifice de Jésus en croix, véritable agneau pascal, et vrai libérateur du péché et du mal.

Voici l’Agneau de Dieu, voici le médiateur de la délivrance finale, pourrait-on traduire. Nous savons combien nous sommes nous-mêmes prisonniers de toutes sortes d’engrenages idéologiques, économiques et de servitudes modernes.

Combien nous sommes conditionnés par les mécanismes des médias et de la publicité, et marqués par les limites humaines où se déchaînent souvent les manifestations du mal. Il y a les raz de marée suscités par les forces imprévisibles de la nature – dont le nombre impressionnant de victimes nous invite à l’humilité, face à notre condition humaine sur cette terre…Et il y a les vagues, encore plus gigantesques, de la cruauté et de la folie des hommes, qui déferlent continuellement sur des communautés ou sur des peuples.

Face à ces drames à répétition, l’espérance biblique nous engage à ne jamais désespérer. Les prophètes ont toujours lancé leur message au prix de leur vie et à contre-courant des événements tragiques pour raviver l’espérance du peuple de Dieu.

Isaïe  a été un grand prophète de la paix, cette paix à laquelle tant d’êtres humains aspirent, génération après génération. C’est pourquoi il annonce comme une utopie l’ère nouvelle où les armes vont être changées pacifiquement en socs de charrue. Les instruments de mort deviendront instruments de vie. Nous aimerions tous que cela se réalise, particulièrement sur la terre biblique où a vécu Isaïe. Mais il semble impossible de passer la charrue de la paix quand les champs restent minés par la violence. Comment faire que les sillons soient lieu de germination d’avenir meilleur lorsque le sol durci refuse les moindres graines de pacification ?

L’évangéliste Jean nous dit que Jésus, libérateur d’une nouvelle Pâque, est allé jusqu’à la racine de ce qui nous opprime, le péché du monde. Ce péché qui est contagieux, puisqu’il se transmet d’une époque à l’autre avec de multiples ravages.

Jésus porte sur lui, emporte, enlève, la fatalité de ce péché du monde. Il est l’agneau de Dieu, comme cet agneau que le peuple de Dieu chassait chaque année dans le désert en le chargeant de tous ses péchés, qu’on appelle le bouc émissaire.

Nous rejoignons ainsi le célèbre passage (ch 53) du Serviteur d’Isaïe qui écrit : «  Maltraité, il n’a pas ouvert la bouche, semblable à un agneau qu’on mène à l’abattoir, à une brebis muette devant ceux qui la tondent… » Il répond au mal par le bien. Et la venue de l’Esprit sur Jésus sous la forme d’une colombe est le signe d’une création nouvelle, comme la colombe du livre de la Genèse après le déluge.

L’évangéliste nous fait ainsi entrevoir que Jésus est investi d’une présence qui dépasse infiniment sa forme humaine. Voici l’agneau de Dieu. Cela nous rappelle sans doute la question que posait Isaac à son père Abraham lorsqu’il voulait offrir son fils en holocauste: « Mon père, voilà le feu et le bois, mais où est l’agneau pour le sacrifice ? »

Pour l’évangile de Jean, le véritable agneau, c’est bien Jésus. Abraham est prêt à offrir son fils unique par obéissance à cette voix qu’il entend au fond de lui, mais l’ange de Dieu arrête son bras, car Dieu ne veut pas la mort d’Isaac. Le sacrifice d’Isaac est la préfiguration du sacrifice du Fils unique de Dieu. Car l’agneau, c’est le mystère de l’amour, le mystère du salut par l’amour.

On comprend pourquoi l’Eglise a mis cette phrase-clé au cœur de la liturgie eucharistique qui n’est pas qu’un simple souvenir du passé mais une actualisation: Voici l’agneau de Dieu qui enlève le péché du monde…Nous sommes invités nous aussi à reconnaître celui qui sauve par son sang versé et surtout, à changer nos manières de considérer Dieu. Avec l’agneau de Dieu, nous voyons que Dieu se situe du côté des victimes de la violence. Dieu s’est montré vulnérable en Jésus Christ. Il reste le tout-puissant, il est le maître de l’histoire, mais il n’agit pas dans la contrainte, il attire à lui par la seule force de l’amour.

Nous qui sommes baptisés, plongés dans l’esprit de Dieu, nous devons nous demander si nous croyons assez fort à cette puissance de l’amour, ou si nous nous laissons trop influencer par les valeurs illusoires du paganisme ambiant.

Paganisme laïc ou paganisme religieux, basé sur la violence et dans lequel – le vrai Dieu étant méconnu, l’homme n’est pas respecté…Comme Jean-Baptiste, faisons découvrir à nos contemporains qui est Jésus et son message libérateur. Et avec le Christ ainsi évoqué en paroles et en actes, nous pouvons devenir nous aussi des agneaux de Dieu, c’est-à-dire des témoins vivants de la tendresse de Dieu, de son pardon  et de sa paix pour tout être humain.

Amen

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Abbé Alain René Arbez, prêtre catholique, commission judéo-catholique de la conférence des évêques suisses et de la fédération suisse des communautés israélites, pour Dreuz.info.

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