Rares sont ceux dans le monde occidental qui disent explicitement qu’ils souhaiteraient une victoire de Poutine en Ukraine.

Soutenir un dictateur coupable de crimes de guerre et d’une tentative de génocide, et qui envoie des milliers de jeunes Russes servir de chair à canon tout en s’efforçant de détruire tout un pays n’est pas très avouable. Dès lors, ceux qui souhaiteraient une victoire de la Russie biaisent.

Il y a onze mois, puis pendant des mois encore, ils ont repris à leur compte le discours de la propagande russe disant que l’armée ukrainienne menaçait les populations du Donbass censées vouloir rejoindre la Russie, et ils ajoutaient que Vladimir Poutine agissait en défenseur des “Russes du Donbass”, menacés par les “nazis” ukrainiens et par le bataillon Azov, présenté comme une sorte de régiment Waffen SS, photo-montage venu directement du FSB à l’appui. Ils ne disaient pas, bien sûr ,que les habitants du Donbass avaient voté pour l’indépendance de l’Ukraine en 1991, que le Mémorandum de Budapest signé en 1994 par la Russie garantissait le respect de  la souveraineté de l’Ukraine et de l’intégrité de ses frontières, et qu’en 2014, Poutine avait annexé la Crimée par la force et créé et armé des milices sécessionnistes à Donesk et Louhansk qui ont pris des centaines de milliers d’Ukrainiens en otage et enclenché une guerre avec l’armée ukrainienne. Ils citaient les accords de Minsk, en oubliant de dire que ceux-ci supposaient que les milices sécessionnistes déposent les armes et que des élections sous contrôle international puissent avoir lieu dans les deux pseudo-républiques sécessionnistes contrôlées par les milices créées par Poutine. Les milices sécessionnistes n’ont jamais déposé les armes, et les élections sous contrôle international n’ont jamais pu avoir lieu. Il était évident d’emblée qu’elles ne pourraient avoir lieu.

Ils ajoutaient divers délires odieux, traitaient Volodymyr Zelensky de clown obscène manipulé par George Soros et par les abominables Américains (pour ce genre de gens, les Américains sont toujours abominables).

Il reste quelque chose de ces discours chez ceux qui idolâtrent Poutine et qui exècrent les Etats-Unis. Ce sont les plus fanatiques, mais ils ne sont pas les plus nombreux.

La plupart de ceux qui souhaiteraient une victoire de Poutine en Ukraine ont évolué vers un discours parlant de paix, et de négociations qu’il faudrait mener, et qui n’ont pas lieu. Ils prennent souvent un air compatissant et feignent de se préoccuper des souffrances du peuple ukrainien. Et des politiciens occidentaux, en France (au Rassemblement National, à Reconquête, dans les groupuscules créés par François Asselineau et Florian Philippot : la plupart veulent en outre que la France sorte de l’OTAN et compte sur sa très faible armée !), mais aussi aux Etats-Unis, au sein d’une frange extrême et paléo-conservatrice du parti républicain (Tucker Carlson, Steve Turley, Douglas McGregor, Matt Gaetz), ne cessent de suggérer que pour que la paix vienne et que les négociations aient lieu, il faudrait cesser d’armer l’Ukraine.

Ce discours, je dois le dire, est d’une hypocrise odieuse.

Quelle paix peut survenir dans un contexte où la Russie occupe encore dix-huit pour cent du territoire de l’Ukraine ? Une paix impliquant que la Russie se retire des territoires qu’elle occupe, et paie les dommages de guerre qu’elle a infligé à l’Ukraine ? Inutile de proposer cela à Poutine, qui n’accepterait pas. Une paix permettant à Poutine de garder les territoires qu’il a pris ? Ce serait imposer une capitulation à l’Ukraine, légitimer une agression criminelle, et donner des idées à d’autres dictateurs tentés d’agresser leurs voisins. Ce serait aussi préparer le terrain pour une prochaine guerre russe contre l’Ukraine : récompenser un criminel ne peut que le conduire à la récidive et Poutine n’a jamais caché que ses buts étaient plus vastes qu’une simple victoire partielle. La guerre repartirait sans aucun doute dès que Poutine l’estimerait possible, même si des garanties de sécurité étaient offertes à l’Ukraine (Poutine ayant vu son agression légitimée par les Occidentaux saurait ce que valent les garanties occidentales : pas grand-chose).

Des négociations ne conduisant pas, au minimum, à un retrait total de l’armée russe du territoire ukrainien et au paiement de dommages de guerre par la Russie ne peuvent qu’être inacceptables pour l’Ukraine et pour le monde occidental, sauf aux yeux de ceux qui, au sein de celui-ci, sont favorables à l’idée que des dictateurs prédateurs devraient se voir autorisés à pratiquer la prédation (on peut leur ajouter les défaitistes qui parlent d’armistice à obtenir au plus vite, ou de division de l’Ukraine façon division de la Corée, et qui semblent imaginer que Poutine respecterait un armistice pendant des années,  ou que l’Ukraine se résoudrait à une amputation de territoire).

Cesser d’armer l’Ukraine ne conduirait ni à la paix ni à des négociations, non.  Cela conduirait à une victoire russe, à l’occupation de l’Ukraine par la Russie,  à des actes ignobles commis contre la population ukrainienne et, dès lors que celle-ci résisterait, à des massacres de masse, et autres abominations (faut-il rappeler que dans les territoires ukrainiens libérés de l’occupation russe, à l’est de Kharkiv et à Kherson, des salles de torture et des charniers ont été découverts : Poutine est imprégné d’ une véritable haine envers les Ukrainiens, parce qu’ils ont osé lui résister, et c’est un homme qui fait tuer ceux qu’il hait).

Il y aurait des vagues de réfugiés ukrainiens bien plus importantes encore que celles qui ont rejoint la Pologne et les pays d’Europe occidentale au cours de l’année passée (9 millions de personnes). L’Europe, qui est déjà déstabilisée, le serait bien davantage encore, et Poutine ne signerait pas d’accord de paix avec le monde occidental qui ne soit un accord provisoire qu’il serait prêt à traiter comme le Mémorandum de Budapest, autrement dit comme un chiffon de papier. (Je ne parle pas en ce cas d’accord de paix avec l’Ukraine car celle-ci, en ce cas, cesserait d’exister)

Les dirigeants de la plupart des pays d’Europe centrale savent qui est Poutine (Viktor Orban le sait aussi, mais a choisi Poutine), et ils feraient tous (sauf Viktor Orban) entrer leur pays en économie de guerre.

Poutine tenterait d’imposer ses conditions à l’ensemble de l’Europe qui devrait ou bien se soumettre (le souhait, sans doute, de ceux qui souhaitent la victoire de la Russie, et qui semblent penser qu’une Europe soumise à la Russie, pays à régime dictatorial et à économie sous développée apporterait beaucoup à l’Europe) ou augmenter considérablement ses budgets de défense, ce qui aggraverait encore les difficultés économiques présentes en Europe.

Des dictateurs tentés par la prédation céderaient sans doute à la tentation, et d’autres guerres surviendraient, en Asie (la Chine ne tarderait sans doute pas à s’en prendre à Taïwan) et au Proche-Orient où le régime des mollahs est prêt à déclencher une ou deux guerres par procuration (les Houthi au Yémen n’ont pas déposé les armes, le Hezbollah non plus).

Les Etats-Unis glisseraient plus vite encore vers le déclin que l’administration Biden tente de leur infliger, et ne pourraient plus prétendre être la puissance de la liberté.

Ceux qui souhaiteraient une victoire de la Russie sont ou bien aveugles, ou bien animés d’une telle aversion pour le monde démocratique occidental qu’ils pourraient, conduire, s’ils étaient écoutés, vers une planète livrée à la barbarie et au chaos.

Ils doivent être combattus. Sans merci.

© Guy Millière pour Dreuz.info. Toute reproduction interdite sans l’autorisation écrite de l’auteur.

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