
Joe Biden s’est rendu à Kiev. Il a réaffirmé son soutien à l’Ukraine.
Les paroles qu’il a tenues à Kiev, puis à Varsovie, en Pologne, un pays qui gagne en importance au sein de l’Alliance Atlantique, sont positives et indispensables. L’affirmation claire par l’administration Biden de ce que Poutine est un criminel contre l’humanité est aussi un pas dans la bonne direction. Mais, quand bien même les Etats-Unis sont, de très loin, le principal fournisseur d’armes et d’aide matérielle à l’Ukraine, les fournitures d’armes sont insuffisantes, souvent tardives, et montrent l’ambivalence de l’administration Biden.
Cela fait un an que la Russie a déclaré la guerre à l’Ukraine. La guerre devrait être finie, depuis des mois.
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Elle n’est pas finie parce que, je n’ai cessé de le répéter, l’administration Biden a fait le choix de la durée et de l’hésitation, et n’a pas donné à l’Ukraine les moyens d’une victoire rapide et nette.
Et je dois le redire : ne pas avoir donné des moyens de défendre les villes ukrainiennes pendant des mois a conduit à des dégâts et à des morts qui auraient pu être largement évités. Et avoir tardé à donner des HIMARS à l’Ukraine a permis à la Russie de construire des barrières défensives et de creuser des tranchées qui rendront la libération des terres ukrainiennes occupées par les Russes bien plus difficile.
Je dois le redire aussi, et le rappeler à ceux qui auraient oublié : l’administration Biden, au départ, était prête à s’accommoder d’une victoire rapide de la Russie et du remplacement de Zelensky par un homme à la solde de Poutine. Quand elle a dû choisir d’aider l’Ukraine, elle a tenu des discours enflammés disant qu’elle soutiendrait l’Ukraine jusqu’au bout, et les discours ont été impeccables (ceux tenus par Biden à Kiev et à Varsovie s’inscrivent dans leur continuité), mais les actes, d’emblée, n’ont pas suivi les discours, ou les ont suivi avec lenteur, et souvent avec parcimonie.
Jusque voici quelques jours, les généraux américains qui analysent la guerre (David Petraeus, Ben Hodges, Jack Keane, Keith Kellogg) pensaient, et je pensais avec eux, que la guerre s’achèverait d’ici l’automne 2023. Cela supposait que l’administration Biden continue son aide, même avec lenteur et avec parcimonie, et continue aussi et surtout à la faire monter en puissance.
La rencontre de l’OTAN qui a eu lieu voici peu en Belgique a suscité des doutes, que je partage entièrement.
L’administration Biden a dit fermement non à toute perspective de livrer des ATACMS (qui ont une portée de 300 kilomètres) à l’Ukraine, en disant qu’elle ne voulait surtout pas que l’armée ukrainienne ait les moyens de toucher le territoire russe avec des armes américaines, et dans des commentaires faits par les délégués américains, il a été dit que l’armée ukrainienne ne devait pas toucher non plus la Crimée avec des armes américaines. L’administration Biden a aussi fermé la porte à la livraison d’avions F 16.
Ce que pensent les généraux américains qui analysent la guerre est que l’administration Biden voudrait une solution négociée plutôt qu’une victoire claire, nette et totale de l’Ukraine, souhaiterait épuiser l’armée russe jusqu’à ce que Poutine accepte de transiger, entendrait lui proposer alors de garder la Crimée et deux oblasts ukrainiens (Donetsk et Louhansk), et imposer alors cette issue au gouvernement ukrainien. Poutine n’étant pas près d’accepter de transiger, cela signifierait, le cas échéant, une guerre plus longue, plus destructrice, plus meurtrière…
Si ce que pensent les généraux américains qui analysent la guerre est exact, ce sera lamentable. Et j’espère que sur ce point ils se trompent. Laisser du territoire ukrainien, même très peu, à Poutine serait lui concéder une victoire partielle, et le message envoyé aux dictateurs du monde serait très négatif. Laisser la Crimée à Poutine serait lui laisser une base depuis laquelle continuer à menacer l’Ukraine, entraver l’usage du port d’Odessa, nuire fortement à la possibilité d’une reconstruction de l’Ukraine, maintenir une situation de tension en Europe, et trahir le gouvernement ukrainien.
Si ce que pensent les généraux américains qui analysent la guerre est exact, ce comportement ne serait pas surprenant de la part d’une administration démocrate.
Les Démocrates américains ont une longue et sinistre tradition de comportements défaitistes. Ce sont les Démocrates qui ont abandonné le Sud Vietnam aux communistes nord vietnamiens et le Cambodge aux Khmers rouges, et ils ont une lourde responsabilité dans la tragédie des boat people et dans le génocide cambodgien. Ce sont les Démocrates qui ont abandonné le shah d’Iran et organisé (avec la contribution de la France), la prise de pouvoir par Khomeini. Ce sont les Démocrates qui ont encouragé Shimon Peres et Yitzhak Rabin à signer les effroyables accords d’Oslo, et permis au chef de bande criminelle Yasser Arafat de créer une base arrière terroriste en Judée-Samarie, l’Autorité Palestinienne. Ce sont les Démocrates qui ont fomenté le renversement de Zine Ben Ali en Tunisie, celui de Hosni Moubarak en Egypte, celui de Ali Abdullah Saleh au Yémen et celui de Mouammar Kadhafi en Libye (avec l’aide de la France, là encore). Ce sont les Démocrates qui, en retirant les troupes américaines d’Irak et en faisant sortir de prison des islamistes, dont Abou Bakr al Baghdadi, ont créé les conditions qui ont permis la naissance de l’Etat islamique. Ce sont les Démocrates qui ont redonné le pouvoir aux talibans en Afghanistan, dans une atmosphère de débâcle à Kaboul qui a rappelé la débâcle à Saigon en 1975.
L’administration Biden est destructrice sur quasiment tous les plans. Si elle n’avait pas été faible, la guerre n’aurait pas eu lieu, car Poutine aurait été dissuadé.
Le seul comportement présentable de l’administration Biden depuis que la guerre a été déclenchée est le soutien à l’Ukraine, et si ce soutien avait été plus net et plus rapide, l’Ukraine aurait déjà gagné.
Le soutien lent aura coûté beaucoup plus cher au monde occidental, en argent et en armement, que ce qu’aurait coûté un soutien net et rapide, et pour ajouter au reste, on parle maintenant d’une pénurie de munitions et on découvre que l’administration Biden n’a pas demandé aux entreprises américaines qui en fabriquent d’en produire davantage dès le début de la guerre : est-ce de l’incompétence ou autre chose?
N’avoir donné à l’Ukraine que des HIMARS bridés tirant à 80 kilomètres a permis à la Russie de sanctuariser ses bases logistiques. La fourniture de GLSDB d’une portée de 150 kilomètres améliore la situation mais ne peut remplacer les ATACMS, et l’absence d’ATACMS rendra l’offensive ukrainienne plus difficile. Biden à Kiev n’a toujours pas promis d’ATACMS.
Fournir des chars si tardivement, et en faible quantité est lamentable, et ne pas fournir d’ATACMS et de chasseurs F16 relève de la pusillanimité.
Avoir interdit à l’Ukraine de frapper en territoire russe avec les moyens qui lui sont fournis par les Etats-Unis a toujours été une décision lâche.
Avoir évoqué, pour justifier la non fourniture de certaines armes à l’Ukraine, le risque d’une utilisation d’armes nucléaires par Poutine, ou celui d’une guerre mondiale, a été évoquer des prétextes : Poutine sait parfaitement ce qui se passerait immédiatement s’il recourait à une arme nucléaire. C’est un dictateur cruel, mais ce n’est pas un fou, et il ne veut pas la destruction de la Russie. Il sait que la Chine lui a imposé de ne pas recourir à l’arme nucléaire, et il n’est pas en position de s’opposer à la Chine. Il sait, par contre, faire peur aux Occidentaux et aux piètres politiciens européens et Démocrates américains.
Et pour ce qui concerne une guerre mondiale, la Russie n’a que deux alliés qui ne veulent pas entrer en guerre, ce qui ne fait pas une guerre mondiale.
La Chine n’entend pas une seule seconde entrer en guerre au côté de la Russie et n’en aurait pas les moyens militaires. Elle entend, par contre, utiliser la faiblesse occidentale pour proposer un “plan de paix”. Et elle l’a effectivement proposé. Le plan n’est pas favorable à la Russie (il lui demande de quitter l’Ukraine). Il n’est pas non plus favorable à l’Ukraine (il laisse de côté les crimes commis par la Russie, et les dommages de guerre). Il demande au monde occidental la levée des sanctions frappant la Russie. Il est inacceptable.
Poutine, lui, continue à tenir un discours manipulateur à l’attention de la population russe et des Occidentaux d’extrême droite qui le soutiennent (c’est l’Occident qui agresse la Russie et la patrie est en danger, dit-il aux Russes, l’Occident est dégénéré et peuplé de pédophiles, dit-il aux Occidentaux d’extrême droite), mais fait très attention à ne pas toucher un pays de l’OTAN, car il sait ce que seraient les conséquences, et il n’aurait pas touché à l’Ukraine si elle était membre de l’OTAN (Poutine peut dire merci à Merkel et Sarkozy). Il compte sur la lassitude des Occidentaux face à une guerre longue et sur la présence d’un courant isolationniste au sein du Parti Républicain américain.
D’ici mai, la Russie aura sans doute 500.000 hommes sur le front. Ces hommes n’auront pas les armes et l’équipement nécessaires pour combattre, mais Poutine est prêt à les faire tuer tous s’il pense que cela peut lui permettre d’avancer (il n’avancera pas, sinon de quelques kilomètres), et il pense aussi que s’il sacrifie dix Russes, voire bien plus, pour tuer un seul Ukrainien, cela peut lui donner un avantage, car les Ukrainiens sont moins nombreux que les Russes.
Il importe de donner vite à l’Ukraine les moyens pleins et entiers de détruire les bases logistiques russes, d’enfoncer les lignes russes vers la mer d’Azov de façon à couper les lignes d’approvisionnement reliant la Russie à la Crimée. Sans ATACMS et sans F16, ce sera difficile, et quand bien même la Russie perdra la guerre (elle a déjà perdu), elle pourrait ne pas la perdre totalement, et cela ressemblera alors à une trahison de l’Ukraine et, vu les enjeux de la guerre, à une trahison du monde occidental tout entier, qui apparaitra faible et indécis.
Si le soutien de l’administration Biden à l’Ukraine tourne (aussi peu que ce soit) à la trahison, l’administration Biden montrera qu’elle est vraiment une administration démocrate.
L’Ukraine a besoin d’une victoire rapide, claire et nette : les destructions et les morts s’accumulent. Les Etats-Unis auraient besoin d’une victoire rapide, claire et nette de l’Ukraine : il en va de la crédibilité des Etats-Unis, et la guerre coûte cher financièrement et vide les stocks d’armement. Et les courants isolationnistes montent en puissance du côté républicain. L’Europe aurait besoin d’une victoire rapide, claire et nette de l’Ukraine : sans victoire rapide, claire et nette de l’Ukraine le retour à la stabilité en Europe ne viendra pas. L’administration Biden est une administration démocrate, hélas.
© Guy Millière pour Dreuz.info. Toute reproduction interdite sans l’autorisation écrite de l’auteur.
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Bonjour M. Millière,
Il me semble qu’une victoire claire et nette pour l’Ukraine avec l’aide des États-Unis constituerait un net avantage électoral pour Joe Biden qui devrait bientôt annoncer qu’il se présente pour un deuxième mandat (personne d’autre de valable chez les Démocrates ne semble prêt se présenter).
Un prolongement de la guerre à cause de son aide hésitante et tardive nuirait à sa réélection.
Si la guerre se prolonge jusqu’en 2024, année électorale, les isolationnistes républicains ou bien ceux qui demandent que des comptes soient rendus par les Ukrainiens concernant les milliards qu’ils ont reçus et recevront, s’en trouveront renforcés.
Si Biden sait ce qui est bon pour lui, il devrait faire en sorte que le conflit cesse d’ici la fin de l’année ce qui lui permettrait de se présenter guilleret aux primaires!
Chère Magali, j’ai pensé un temps que l’administration Biden voudrait une victoire en Ukraine pour pouvoir utiliser cela électoralement lors de la campagne de 2024. Les peurs, les hésitations, les retards de livraisons d’armes me conduisent a douter et à me dire qu’ils pourraient ne pas être capables de parvenir à un résultat positif pour eux. Si la guerre dure jusqu’en 2024, la population américaine va, je pense, se lasser, ce qui sera positif pour les républicains. Cela dit, si les elections se passent comme en 2020, Biden aura des chances d’être réélus, sans faire campagne. Si les démocrates choisissent de presenter Biden pour 2024, il n’y aura pas de primaires démocrates. Je pense impossible, même avec des produits dopants, de le rendre guilleret.
Nous nous dirigeons clairement vers un pourrissement de la situation. Les chars lourds, les canons très longue portée et les avions ne seront pas livrés. Macron a déclaré ne pas vouloir écraser la Russie, et Biden, ou celui qui le contrôle semble être dans le même état d’esprit.
Chacun se demande ce que Poutine a dans la tête : Poutine se considère comme l’héritier de Catherine II, il pense qu’une grande partie de l’Ukraine fait historiquement partie de la Russie et qu’il est de son devoir de chef d’État de reconquérir ce territoire. Il souhaiterait donc obtenir le contrôle de la zone située à l’Est d’une ligne partant du Nord de la Transnistrie jusqu’à Kiev, coupant ainsi l’accès à la mer Noire à l’Ukraine.
Une autre ligne de partage possible, serait le fleuve Dniepr, la rive gauche à l’Est devenant russe, l’Ukraine conservant le port d’Odessa, vital pour ses exportations de céréales. S’il obtient cela, Poutine mettra peut-être fin à la guerre.
Mais il est évident que les Ukrainiens ne l’accepteront jamais, la guerre risque donc de durer. Le seul moyen d’arrêter la guerre serait que Poutine s’en aille et soit remplacé par quelqu’un de moins belliqueux, ce qui est peu probable pour le moment, mais l’Histoire est remplie d’évènements imprévus.
Les Ukrainiens n’ont donc comme choix que de résister avec les moyens que l’Occident veut bien leur donner, l’issue de la guerre dépendra de leur courage et de l’aide que nous voudrons bien leur apporter. Tout est encore possible.
Bonjour dj86,
J’ai vu ce matin un article de Breitbart London selon lequel des chars léopard de fabrication allemande ont été livrés par la Pologne qui est bien décidée à aider les Ukrainiens en dépit des menaces de Medvedev de pousser l’offensive russe vers la frontière polonaise ….
Donc les chances des Ukrainiens semblent bonnes ….
Je partage entièrement votre analyse. Rien ne changera tant que Biden est à la Maison Blanche. Si Trump est élu, Poutine partira sans demander son reste juste avant sa prise de fonctions en janvier 2025.
C’est ce qui s’était passé pour les otages de Téhéran, et les mêmes causes donnant les mêmes effets…
A mon humble avis, le gouvernement Biden n’est ni faible, ni hésitant. Il soutient Poutine depuis le début, et il n’a aidé l’Ukraine que contraint et forcé quand l’opinion publique américaine, dans sa quasi-totalité, a dit haut et fort qu’elle soutient le peuple ukrainien agressé.
Depuis, (et ça a commencé avant les élections de mi-mandat, tiens tiens), le gouvernement Biden tient un discours différent, et aide un petit peu l’Ukraine, trop peu et trop tard, bien sûr.
Cette histoire de solution négociée ne tient pas la route : obliger l’Ukraine à céder une partie de son territoire reviendrait à offrir un porte-avions à Poutine, qui en profiterait pour attaquer le reste de l’Ukraine, et n’en resterait pas là. Rien de nouveau sous le soleil.
Le gouvernement Biden envisage sûrement de donner quelques miettes supplémentaires à l’Ukraine juste avant les élections de l’année prochaine. Ils ne sont ni faibles, ni hésitants mais égaux à eux-mêmes : ils entendent détruire les démocraties occidentales et le monde libre, et les livraisons d’armes à l’Ukraine, même tardives et symboliques, leur donnent un moyen supplémentaire de ruiner les Etats-Unis.
Je fais le lien avec l’article récent sur Trump accusant Biden de nous emmener vers une 3ème WW. Si on suit la logique de Trump, la pression est à mener sur Poutine plutôt que dans la fourniture d’armes à l’Ukraine. Ce n’est pas dit ainsi par Trump, c’est ce que je déduits, en tenant compte aussi des commentaires sous cet article. Cette histoire de fourniture d’armes « mais sélective et pas trop » m’a toujours laissée dubitative par son manque de clarté.
Comme l’a dit Biden à Kiev: La paix n’a pas de prix ». Mais il aurait dû rajouter « Et la corruption n’a pas de fond ». Que la corruption soit Ukrainienne ou Démocrate Américaine. Tout repose sur la domination du complexe militaro-industriel américain qui faisait tellement peur à Eisenhower.