Publié par Abbé Alain René Arbez le 18 février 2023

Les festivités du carnaval occasionnent des manifestations populaires exubérantes un peu partout dans le monde. Né en Europe, le carnaval s’est répandu chez les latins, les germaniques et les nordiques. Puis il a essaimé ces réjouissances annuelles permettent de transcender la morosité  et de rassembler des foules. D’où provient cette tradition et comment faire la part des choses ?

Historiquement, le carnaval est la conjonction de fêtes antiques et de traditions culturelles chrétiennes fixées au Moyen Age. L’Eglise a choisi au XIIème s. de canaliser les effervescences populaires en les reliant au seuil du carême afin de leur attribuer une perspective religieuse. C’est donc le carême qui a donné sens au carnaval comme période festive exutoire avant les semaines de jeûne qui préparent à la fête de Pâques. Le mardi gras a lieu la veille du mercredi des cendres, à partir duquel on va s’abstenir de viandes, d’œufs et de préparations culinaires riches.

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Dans l’antiquité, l’année commençait en mars, au moment du renouveau de la nature, le passage de l’hiver au printemps, de la mort à la vie. On retrouve dans le carnaval une survivance des bacchanales, des lupercales et des saturnales. Alors les esclaves devenaient provisoirement les maîtres, les maîtres prenaient la place des esclaves, les enfants se déguisaient en adultes et les hommes se travestissaient en femmes. L’ordre habituel des rapports sociaux disparaissait, les individualités s’effaçaient sous les masques et les maquillages.

Depuis le Moyen Age, le carnaval a développé sa richesse folklorique et a peu à peu perdu de vue son orientation spirituelle. La diversité des manifestations s’est accentuée au cours du temps, depuis la Renaissance à nos jours. Le carnaval est vécu comme un temps de libération sociale. Des villes sont devenues emblématiques de ces fêtes qui attirent les foules : le carnaval de Cologne et de Munich, le carnaval de Bâle, celui de Nice, et surtout de Venise, le plus médiatisé. Les costumes raffinés du carnaval de Venise sont emblématiques de la culture de la Renaissance, ils s’inspirent de la Comedia del Arte (Arlequin, Colombine, Polchinelle)

Les pays catholiques ont été le tremplin du carnaval, dont certains ont connu des dérives avec exubérance et outrance. Au Brésil, les défilés de chars et de costumes somptueux, les sambas interminables et la promiscuité de foules électrisées sont aussi accompagnés de violences, de crimes et de débauches. Il y a cependant plusieurs carnavals célèbres qui enchantent les populations : Sao Paulo, Recife, Salvador de Bahia

Si le carême s’adresse à la spiritualité, le carnaval est fréquemment ressenti comme défoulement des instincts. Il semble que la connexion voulue initialement n’a pas fonctionné, malgré la qualité esthétique et le soin apporté aux déguisements ou aux personnages des chars. Dans les pays germaniques, le carnaval s’appelle « Fastnacht », terme dérivé de faseln, qui signifie déraisonner, raconter des bêtises…

Pour l’historien des religions Mircea Eliade, le carnaval est une tradition archaïque liée aux cycles de la nature. Certains papes comme Clément IX, Clément XI et Benoît XIII ont essayé de freiner ces exubérances populaires parfois dévoyées, mais sans succès. Les incontrôlables manifestations de foule à Carnaval jouaient ce rôle de contestation de l’ordre social, d’explosion passionnelle, impossibles à contenir. Ainsi, au milieu des défilés, un simple d’esprit était couronné et affublé d’ornements royaux, un âne était revêtu de vêtements épiscopaux et placé devant l’autel…

Le plus grand carnaval suisse – inscrit au patrimoine de l’UNESCO –  est celui de Bâle, ville protestante. De tradition catholique, le carnaval a franchi les obstacles de la Réforme, malgré les condamnations de Luther et malgré le séjour de Jean Calvin dans la cité rhénane. Toutefois, les festivités se déroulent une semaine après le carnaval catholique et certains chars du défilé ne manquent jamais de tourner le pape en dérision.

En dehors des traditions liées au christianisme, Pourim, un carnaval hébreu ? La fête juive la plus joyeuse (dont le nom persan signifie « sort ») rappelle un peu le carnaval et ses fantaisies, les enfants se déguisent, les familles sont en fête, les rôles sont inversés. Il y a abondance de mets et de boissons. Mais malgré quelques libertés prises avec les prescriptions hébraïques, ce n’est pas une fête du cosmos comme l’était à l’origine le carnaval issu de rites païens, c’est plutôt une fête du salut, la victoire du peuple juif (4ème s. avant JC) sur les desseins meurtriers de Haman, premier ministre du roi de Perse, ayant programmé l’extermination des juifs présents dans le pays (Esther 3,13). En effet, be ezrat hashem, grâce à Mordehai et à sa nièce Esther, le massacre massif fut habilement désamorcé à temps et ce fut la victoire de Chouchane le 13 adar, cependant commémorée le 15, pour honorer la parole du sage : « Lorsque ton ennemi tombe, ne te réjouis pas ! ».

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Abbé Alain René Arbez, prêtre catholique, commission judéo-catholique de la conférence des évêques suisses et de la fédération suisse des communautés israélites, pour Dreuz.info.

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