Publié par Abbé Alain René Arbez le 7 mars 2023
Dies Judaicus 2023

La célébration du Dies Judaicus a eu lieu ce Dimanche avec 400 participants en l’église St Antoine de Padoue.

Après la salutation de paix par moi-même, accueil par Jean Claude Bernstein, modérateur du groupe de dialogue chrétiens et juifs de Genève.

Ont suivi les lectures bibliques du jour Genèse et évangile de Matthieu, entrecoupées par le chant du psaume en hébreu par le rabbi Hillel. 

Voici les deux prédications de ce temps fort, celle du pasteur Schmid (sur Abraham) et la mienne (sur la transfiguration)

Toute la messe a été chantée en hébreu par moi-même et la chorale.

L’office s’est terminé par la bénédiction d’Aaron, donnée par tous les ministres présents.

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Accueil du Dies Judaicus 2023

Bienvenue à vous tous, à chacune et à chacun, dans cette assemblée du Dies Judaicus 2023 : aujourd’hui se côtoient des personnes de confession catholique, orthodoxe, protestante et juive. Cette célébration instituée il y 12 ans rappelle chaque année aux chrétiens l’origine et la dimension hébraïques de leur foi. J’ai contribué avec conviction à la mise en place de cette fête par mon mandat à la JRGK (Jüdisch-römisch-katholische Gesprächskommission) de l’université de Lucerne. Mandat qui m’a été confié par les évêques et la fédération israélite.

Je salue tout d’abord et remercie de sa présence le pasteur Vincent Schmid, théologien et ancien pasteur de la cathédrale St Pierre, ainsi que le pasteur Samuel, de la communauté Temple of Praise qui célèbre le culte chaque dimanche à l’église St Jean XXIII. Bienvenue au Père irlandais Edward Flynn, de passage chez nous entre deux missions humanitaires au service des femmes du Tiers Monde.

Je salue la présence amicale du rabbin Hillel Habibi, actif dans le dialogue judéo-chrétien. Bienvenue au Père Habtom Hadish, prêtre orthodoxe copte érythréen, qui célèbre chaque dimanche avec sa communauté à l’église St Hippolyte. Je salue le Pasteur genevois Maurice Salib, ancien collègue à Chêne-Bougeries, celle du Pasteur vaudois Daniel Fatzer, engagé dans le rapprochement interconfessionnel. Fraternelle bienvenue à Jean Claude Bernstein, modérateur du groupe de dialogue judéo-chrétien de GE. Saluons également Richard Pittet, président de l’association évangélique Gesher Haïm. Le Père Basile Kotrotsos, prêtre grec de Chambésy ainsi que la pasteure anglicane Daphné – retenus – sont en union de pensée avec nous.

Nos différentes appartenances issues d’un tronc hébraïque commun nous encouragent à célébrer ensemble la Présence aimante d’un Dieu qui encourage notre unité autour de l’essentiel, dans le respect de nos traditions respectives.

Il est superflu de rappeler que Jésus était juif, que sa mère Marie était une juive fervente, ainsi que sa famille, ses amis, et tous les apôtres. L’évangile de la transfiguration nous redit le lien vital entre Jésus, Moïse et Elie.  Cette révélation engage notre lutte contre toute forme d’’antisémitisme et inspire notre soutien au peuple juif. Signalons que ce retour aux sources communes est la seule garantie d’un œcuménisme effectif entre chrétiens divisés. Aujourd’hui, en ce Dies Judaicus, nous  honorons la judéité de Jésus : comme à Yom Kippour, la célébration  commencera en demandant à Dieu son pardon et sa miséricorde pour toutes les occasions manquées, durant trop longtemps, de vivre fraternellement entre chrétiens et juifs. Quel que soit le lourd poids des fautes du passé, nous avancerons avec conviction vers cette vérité commune de l’alliance avec Dieu, c’est cette révélation d’un amour originel qui nous rapproche les uns des autres et qui nous rassemble aujourd’hui dans la prière et la louange.


Lekh-lekha

Lorsqu’Abram paraît dans le récit, il est un homme installé. Il a une patrie et une famille. Il est enraciné dans un pays qui est le sien.

Un appel vient remettre en cause cet enracinement.  Une voix lui dit littéralement : Va vers toi en direction du pays que je te montrerai.   Ce « va vers toi » se dit en hébreu lekh-lekha. L’expression est importante, quoique pas toujours bien rendue par nos versions françaises. Dans la Torah lekh-lekha est le titre général qui recouvre la vie du Patriarche jusqu’à sa mort. Abram est par excellence l’homme qui va vers lui-même.

Ce « va vers toi » est un peu l’équivalent biblique du « Connais-toi toi-même » des philosophes Grecs.

D’emblée il nous est annoncé que la dimension humaine est une conquête. L’art d’être un homme, cela s’apprend, sous la conduite de la Parole de Dieu. Il s’agit de passer d’une identité fixe définie par le milieu ambiant (la famille, la patrie, la culture) pour participer au projet dynamique de Dieu.

Si l’on vous pose la question : Qui êtes-vous ?  Montrer votre carte d’identité ne suffira pas. La seule vraie réponse est : Je vais vous raconter mon histoire… C’est exactement ce qui est offert ici à Abram. Une histoire est ouverte devant lui. En s’y engageant il va partir à la découverte de lui-même et plus généralement de la condition humaine sous le regard de Dieu.

En effet ce « va vers toi » dépasse sa seule personne. Il est une invitation à quiconque met ses pas dans ceux d’Abram. L’histoire du Patriarche est un miroir dans lequel est montré qui nous sommes et qui pouvons devenir avec Dieu. De telle sorte qu’en connaissant ce que Dieu nous fait connaître de Lui, nous nous connaissions nous-mêmes. La Torah est un enseignement sur l’homme avec Dieu dont nous ne sommes nullement dispensés en tant que chrétiens.

A l’invitation est adjointe une promesse : Je te bénirai ! Dieu s’engage à être présent dans l’histoire qu’il propose à Abram. Il s’agit d’une histoire avec Dieu, ce qui change tout. Cela ne signifie pas que le Patriarche sera protégé de façon surnaturelle. Mais c’est l’assurance que quoiqu’il arrive il ne sera pas abandonné, il ne sera jamais privé de la grâce de Dieu qui engage sa Parole dans cette promesse.

Et voici que cette bénédiction particulière doit devenir universelle. A travers le peuple issu d’Abram, elle a vocation à s’étendre à toutes les familles humaines, à toutes les familles de l’alliance avec Noé, vraiment toutes.  Abram est donc le point de départ du projet de Dieu pour l’humanité.

Par Jésus-Christ, nous autres chrétiens avons reçu d’Israël notre part de cette bénédiction. A notre tour nous avons à la transmettre à nos contemporains. Bénissez, ne maudissez jamais !  exhorte l’apôtre Paul, reprenant au passage une formule rabbinique.

Dans la période crépusculaire que nous traversons, dans ce monde hanté par la violence, la peur et l’inversion idolâtre des valeurs,  soyons des gens de la bénédiction accordée par Dieu à Abram. Elle assure à nos cœurs que le Grand Berger n’abandonne jamais, malgré l’absurde et l’épaisseur de nuit.

Amen.

Pasteur Vincent Schmid


Transfiguration

Jésus est un maître spirituel en Israël, un rabbi qui a autour de lui des disciples attentifs. Ils sont ses compagnons de route dans l’annonce du règne de Dieu et ils se posent des questions, en le voyant agir et en écoutant son enseignement. Et c’est précisément sur ce chemin de questionnement qu’a lieu ce qu’on appelle la Transfiguration. Jésus est accompagné de Pierre, Jacques et Jean, ils sont ensemble sur la montagne…La montagne, dans la tradition biblique, c’est toujours un lieu spirituel, l’espace où la terre et le ciel se rejoignent. Avec la nuée, qui rappelle l’exode.

C’est en effet lors de l’épisode fondateur du Sinaï que l’alliance entre Yahvé et Israël s’écrit en lettres de feu sur les tables de la Loi. La torah, c’est une loi génératrice de nouvelle harmonie dans les relations humaines, une éthique bienfaisante, que les prophètes aimeraient voir accueillie dans toutes les nations. La torah, le mot hébreu vient d’une racine qui signifie « tirer des flèches vers une cible ». Il s’agit donc de se donner des objectifs de vie inspirés par la Parole de Dieu. Or, rater sa cible, cela correspond exactement au terme biblique hatat, « le péché ». On comprend pourquoi Jésus a toujours insisté sur le fait qu’il ne voulait surtout pas abolir la torah, puisque c’est un guide lumineux et fiable vers l’accomplissement humain. De ce fait, elle reste d’actualité pour tous les membres de l’alliance, juifs et chrétiens, chacun selon sa tradition.

C’est cette mission de valorisation de la torah qui donne au visage de Jésus cette clarté saisissante sur la montagne, et voici qu’apparaissent à ses côtés Moïse et Elie, c’est à dire la loi et les prophètes, on pourrait dire « toute l’israélité » de Jésus et de son témoignage. La prière du « Shema Israel » traditionnel, « écoute Israël » s’actualise ici dans l’appel céleste à écouter le Fils: « Celui-ci est mon Fils bien aimé, écoutez-le! »

Enthousiaste, Pierre propose aussitôt de mettre en place trois tentes pour ce moment privilégié. C’est là encore une évocation du temps de l’Exode, quand le peuple accompagné par Dieu chemine au désert, car lors de cette pérégrination, les Israélites habitent des huttes provisoires, et même l’arche d’alliance a sa cabane spéciale : le Mishkan, où elle est transportée et honorée.

En effet, nous sommes tous des pèlerins de la vérité en marche vers notre accomplissement. Nous avançons en tension créatrice entre le monde présent olam ha zè, et le monde à venir : olam haba… Pour les gens de la Bible, la tente c’est le lieu privilégié de l’hospitalité, de l’accueil, où l’on partage les galettes de pain avec l’huile et le sel, ainsi que l’eau, comme beaucoup l’ont fait, par exemple : Abraham au chêne de Mamré avec ses trois visiteurs mystérieux.

Cet évangile de la Transfiguration éclaire parfaitement la démarche du dies judaïcus. Après des siècles sombres, le concile Vatican II a rejeté tout antijudaïsme. Depuis 1965, à la suite de l’initiative de Jean XXIII sollicité par Jules Isaac, et grâce à l’action du pape Jean Paul II, puis avec Benoît XVI et François, cette œuvre de refondation des relations entre chrétiens et juifs se poursuit à travers des échanges, des rencontres, des initiatives communes.

Nous vivons dans un monde traversé par des conflits fratricides. Il nous faut être vigilants pour privilégier partout la paix, mais aussi pour dénoncer un antisémitisme et un antisionisme qui prennent des dimensions inquiétantes.

Ensemble chrétiens et juifs nous tenons le flambeau des 10 commandements et de la sagesse biblique pour apporter la lumière spirituelle là où règnent l’obscurantisme et le fanatisme. Nous portons un trésor spirituel commun inestimable, hérité des pères dans la foi. Laissons cet héritage fructueux rapprocher nos traditions respectives, afin de lutter contre tout ce qui bafoue la dignité humaine et continuons d’ouvrir tous ensemble des chemins d’espérance dans ce monde tourmenté.

Amen.

Abbé Alain René Arbez


Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Abbé Alain René Arbez, prêtre catholique, commission judéo-catholique de la conférence des évêques suisses et de la fédération suisse des communautés israélites, pour Dreuz.info.

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