Publié par Thierry Martin le 24 mars 2023

BoJo n’a pas dit son dernier mot et se pose en recours en s’opposant à Rishi Sunak et aux « bregretistes » du Parti Tory toujours prêts aux concessions vis-à-vis du régime de Bruxelles.

« C’est inacceptable. Je voterai contre les arrangements proposés», a affirmé Boris Johnson dans un communiqué publié mercredi matin, avant le vote qui a validé l’accord conclu entre Londres et Bruxelles sur les règles commerciales dans l’Ulster, la province britannique d’Irlande par 515 voix contre 29. Les Tories ont reçu l’appui des Travaillistes (socialistes) ainsi que celui du parti Libéral Démocrate. Dans les contres nous retrouvons les deux anciens Premier ministre Boris Johnson et Liz Truss, ainsi que les fidèles Priti Patel, Jacob Rees-Mogg et Sir Jake Berry, un total de 22 Tories auxquelles s’ajoutent 6 DUP conduit par Sir Jeffrey Donaldson et un indépendant. En effet les députés britanniques se sont prononcés sur un des éléments de cet accord du « cadre de Windsor » (Windsor Framework) signé le 27 février entre le nouveau premier ministre Rishi Sunak et la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen. Au Royaume-Uni tout passe par le parlement et personne n’y voit rien à redire, bien au contraire. Il s’agit ici d’une mesure, appelée « frein de Stormont » du nom du parlement local nord-irlandais, permettant aux députés de la province britannique de bloquer l’application de nouvelles règles commerciales votées à Bruxelles, et susceptibles de s’appliquer en Irlande du Nord.

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« Les arrangements proposés signifieraient que soit l’Irlande du Nord reste captive des règles de l’Union européenne – et divergerait ainsi progressivement du reste du Royaume-Uni – ou ils signifieraient que tout le Royaume-Uni est incapable de s’émanciper correctement (de l’UE) et de bénéficier du Brexit », a critiqué Boris Johnson. Et il a enjoint le gouvernement d’adopter la loi qu’il avait lui-même défendue pour sortir unilatéralement le Royaume-Uni du protocole signé avec Bruxelles et régissant le statut de l’Irlande du Nord.

Londres se lie les mains en serrant celles de Bruxelles

Il y a moins d’un an Boris Johnson, alors Premier ministre, avait présenté au Parlement britannique un projet de loi, le Northern Ireland Protocol Bill. Il permettrait au Royaume-Uni de s’affranchir de pans entiers du protocole, en supprimant tout contrôle des produits destinés exclusivement au marché nord-irlandais, la voie verte, et en écartant le rôle de supervision de la Cour de justice de l’UE. Une voie rouge étant créée pour les produits destinés à l’export. Ce projet de loi avait été voté par les Communes au grand dam de Bruxelles et était en débat à la Chambre des lords. Le retirer fut « une grande erreur », a lancé BoJo. Raccord avec ce qu’il lançait en août 2020 : « Il n’y aura pas de frontière en mer d’Irlande… Plutôt mourir. » Londres se lie les mains en serrant celles de Bruxelles, le nouvel accord du « Cadre de Windsor » ayant renoncé à ce projet de loi déjà validé par la Chambre des Communes.

Malgré le vote favorable au texte le parti conservateur reste divisé sur la manière de concrétiser le Brexit. Un groupe de députés conservateurs, réunis au sein du Groupe pour la recherche européenne (ERG), a critiqué le « frein de Stormont », estimant qu’il serait « en pratique inutilisable ».

Ils regrettent « qu’aucune loi de l’UE ne soit (…) supprimée en Irlande du Nord contrairement à ce qu’a déclaré » le gouvernement. Cet accord est également critiqué en Irlande du Nord par les unionistes du DUP, dont le parti paralyse depuis près d’un an les institutions locales pour s’opposer au statut post-Brexit de la province. Les membres du Parti unioniste démocrate (DUP) sont bien décidés à ne lâcher aucune concession au gouvernement de Rishi Sunak.

« Le “frein de Stormont” ne peut pas s’appliquer à la législation de l’UE » souligne Donaldson

Bien qu’il soit censé réduire de façon significative le nombre des contrôles sur les biens acheminés de Grande-Bretagne en Irlande du Nord, le principal parti unioniste nord-irlandais vote contre car il s’oppose à une des dispositions techniques baptisées « frein de Stormont ». Celui-ci devrait soi-disant permettre au Parlement nord-irlandais de bloquer l’application de toute nouvelle législation européenne dans la province britannique. Or « le “frein” n’est pas conçu pour, et ne peut donc pas s’appliquer à la législation de l’UE qui est déjà en place et pour laquelle aucun consentement n’a été donné en vue de son application », souligne Jeffrey Donaldson, le chef du DUP, « il reste des domaines clés de préoccupation qui nécessitent d’être davantage clarifiés, retravaillés et modifiés ».

C’est un revers pour le premier ministre britannique, qui depuis son arrivée à Downing Street a fait de ce dossier – sujet de contentieux avec l’Europe depuis le Brexit – une priorité. Le refus du DUP paralyse la vie politique nord-irlandaise depuis un an, car le parti refuse de siéger au Parlement local et d’assumer son rôle dans le cadre du partage du pouvoir avec le Sinn Féin antibritannique. Ce dernier a appelé le DUP à retourner à Stormont. « Si le DUP a des préoccupations, il a le droit de les soulever, mais cela ne devrait pas entraver la formation d’un exécutif », a déclaré Deirdre Hargey, députée du Sinn Féin, parti gauchiste favorable à l’annexion de l’Irlande du Nord par la république d’Irlande du Sud.

L’intransigeance de Jeffrey Donaldson gêne la manœuvre de rapprochement amorcée par le premier ministre avec l’Union européenne. Ce dossier d’une autant plus grande importance que la communauté internationale s’apprête à célébrer, le 10 avril, le 25e anniversaire de l’accord du Vendredi saint (avril 1998), qui rétablissait la paix en Irlande du Nord et abolissait toute frontière entre les deux parties de l’île. Cela étant c’est oublié un peu vite la centaine de murs, barrières ou portes épaisses, pudiquement nommés « murs de la paix » qui parsèment Belfast et tout l’Ulster pour séparer la nuit venue la jeunesse protestante et catholique. Les 30 ans de « troubles » organisés par l’IRA, la branche armée du parti nationaliste Sinn Féin, nom qui veut dire « nous-même », ont laissé des cicatrices et nombreux sont les fantômes qui viennent hantés la vie politique de l’Ulster comme l’écrit si bien Stuart Neville dans Les Fantômes de Belfast.

Le président américain Joe Biden, lui-même d’origine irlandaise même si Sleepy Joe ne boit pas de bière qu’elle soit blonde ou verte, en a fait la condition à un retour à des relations commerciales normalisées avec le Royaume-Uni. Il est d’ailleurs prévu qu’il vienne prononcer un discours à la Queen’s University de Belfast, à cette occasion. D’autres personnalités américaines ont déjà annoncé leur venue, comme l’ancien président Bill Clinton et sa femme, Hillary, ancienne secrétaire d’État. Et tant pis si BoJo aurait paraît-il lancé : « Fuck the Americans ».

Lors d’un dîner organisé le 15 mars, deux jours avant la Saint-Patrick, tout ce que Washington compte de lobbyistes américano-irlandais (33 millions d’Américains revendiquent une origine irlandaise), s’était réuni pour faire pression sur les cinq partis nord-irlandais afin qu’ils votent le « cadre de Windsor ». À cette occasion, le sénateur démocrate Chuck Schumer, chef de la majorité au Sénat, a dit espérer que ce texte ouvre « la voie » au retour du DUP au gouvernement. Le conseiller à la sécurité nationale de la Maison-Blanche, Jake Sullivan, s’est aussi entretenu à Washington avec des responsables politiques nord-irlandais, dont Jeffrey Donaldson. Pour l’administration américaine, la célébration de l’accord du Vendredi saint est un événement important, et le DUP ainsi que la jeunesse orangiste qui lors des marches annuelles du 12 juillet « The Glorious Twelve » scande « No surrender ! » (Pas de reddition !) à Belfast comme à Londonderry pourraient gâcher la fête.

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Thierry Martin pour Dreuz.info.

Thierry Martin est l’auteur de Bojo, un punk au 10 Downing StreetGlobal Britain : Boris Johnson, le Brexit et l’après, 312 p. Exclusivité Amazon.fr

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