Publié par Jean-Patrick Grumberg le 31 mars 2023

La France était déjà dans la tourmente avant même la décision unilatérale d’Emmanuel Macron, la semaine dernière, de relever l’âge minimum de départ à la retraite de 62 à 64 ans, après qu’il n’ait pas réussi à faire voter cette mesure par le Parlement.

La colère des Français transcende les retraites et l’autoritarisme de Macron, note le “Financial Times”. Il y a une rage généralisée et durable contre l’État et son incarnation, le président. L’adoption impopulaire par Macron d’un relèvement de l’âge de la retraite, sans vote, augmente le ressentiment.

La France ne peut pas continuer ainsi.

Il est temps de mettre fin à la Cinquième République, avec sa présidence toute puissante – la chose la plus proche d’un dictateur élu dans le monde développé – et d’inaugurer une Sixième République moins autocratique.

  • La Cinquième République a été proclamée en 1958, dans le chaos de la guerre d’Algérie et dans la crainte d’un coup d’État militaire.
  • La Constitution a été rédigée pour et en partie par Charles de Gaulle, qui s’est lui-même hissé au rang de héros d’une guerre qu’il n’a pas gagnée, “l’homme providentiel” dont le nom même – ça tombait bien – faisait de lui l’incarnation de l’ancienne France.
  • La Constitution a donc créé un exécutif fort, même s’il n’est pas centré sur le président.

La philosophie de gouvernement de la Cinquième République ressemblait à ce qu’on découvre aujourd’hui comme étant les ressorts du socialisme :

  • L’accord prévoyait que les Français remettent une grande partie de leurs revenus à l’État, qui s’occuperait d’eux.
  • Les Français devaient se soumettre à une bureaucratie souvent cauchemardesque.
  • On leur faisait croire que l’éducation serait gratuite, ainsi que les soins de santé, les pensions de retraite, et souvent même des vacances subventionnées, sans leur faire remarquer – et tout a été mis en œuvre pour qu’ils ne le remarquent pas – qu’on leur prenait 100 pour leur redistribuer 30.
  • Jusqu’aux années 1990, le système a plus ou moins fonctionné. La France avait connu, merci aux Etats-Unis et au plan Marshall, ses “Trente Glorieuses” – 30 années de croissance économique, de 1945 à 1975.
  • Le moment où la Cinquième République a perdu de son éclat a probablement été le choc pétrolier de 1973, depuis lequel l’économie a pratiquement stagné, et qu’aucune nouvelle entreprise de dimension mondiale ne soit apparue.

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Le désenchantement à l’égard du président s’est manifesté dans les taux d’approbation

  • Mitterrand (président de 1981 à 1995) et Chirac (1995-2007) avaient généralement des taux d’approbation compris entre 40 et 60 %, selon l’institut de sondage Kantar Sofres.
  • Les trois derniers présidents, Nicolas Sarkozy, François Hollande et Macron, se situent généralement entre 20 et 40 %.
  • La cote de François Hollande est même tombée à 4 %.

En 60 ans, le président français est passé d'”homme providentiel” à “celui qu’on élit pour pas faire passer l’autre”.

Lorsque les choses vont mal, les Français rejettent la faute sur les technocrates – et surtout sur le président, qui décide sans les consulter, mais ils ne remettent jamais en question le système qui est la cause de leur malheur, parce que dès l’école, on les éloigne de toute réflexion économique.

“La vie des gens ordinaires se sent déterminée, jusqu’au jour de leur retraite, par une prétendue méritocratie parisienne dont ils ont été exclus à la naissance. Les trois quarts des personnes qui s’identifient comme appartenant aux ‘classes populaires’ disent se sentir l’objet d’un mépris social et d’un manque de reconnaissance”, rapporte Luc Rouban, expert en politique à Sciences Po.

C’est d’autant plus rageant que la promesse du pays est proclamée sur les façades de toutes les mairies : “Liberté, égalité, fraternité”. Cependant, la France n’est pas le Royaume-Uni ou les États-Unis, et il y a de moins en moins de libertés, une égalité par nivellement par le bas, et aucune fraternité.

Depuis que Macron est devenu président en 2017, la colère populaire l’a pris pour cible.

“Les fruits de la Vème République ne sont pas si mauvais. Mais le système lui-même est dépassé”, estime Catherine Fieschi, fondatrice du think-tank Contrepoint.

Le caractère autocratique de l’État explique en partie pourquoi les Français sont si en colère. La République fonctionne presque sans le Parlement, qui n’a pratiquement aucune importance, n’est devenu qu’une institution qui tamponne et enregistre. La France dispose aujourd’hui de six pouvoirs inégaux : la présidence, le pouvoir judiciaire, les syndicats, l’Education nationale, les médias, et la rue. Si le président décide de faire quelque chose, seule la rue peut l’en empêcher – et encore : la plus grande manifestation du siècle, contre le mariage homosexuel, n’a pas été entendue. Quand à arrêter le pays par des manifestations et des grèves, à part les Gilets Jaunes, dont les opérations se sont terminées en eau de boudin, seuls les syndicats, donc les communistes, ont cette capacité : ils ne défendront jamais les Français mais des “avantages acquis”, même s’ils ont été “mal acquis”.

La rue et le président ne se parlent pas, ni avant, ni pendant, ni après les émeutes et les grèves. Le président méprise la rue, les politiques la manipulent, les médias l’instrumentent. Le président, pas que Macron, est institutionnellement arrogant, et cherche rarement le compromis.

La classe dirigeante gagne toujours, l’autre perd toujours. Parce qu’elle regarde les journaux du soir, religieusement.

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Jean-Patrick Grumberg pour Dreuz.info.

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