Réflexion d’un membre des amitiés judéo-chrétiennes
Dans sa préface au commentaire du livre d’Esdras[1], Yosef Rabinowitz cite le Gaon de Vilna sur le rôle respectif de la Torah écrite et de la Torah orale dans la foi, l’identité et la vie en Dieu de Son Peuple. Le Gaon de Vilna, reprenant lui-même les commentaires talmudiques, compare les Sages transmettant la Torah écrite à des « clous bien enfoncés ».
Le sens immédiat est simple : la Torah orale (la Loi orale) est le développement herméneutique – reçu et interprété à l’époque actuelle – de la Loi écrite (la Torah écrite, inaccessible sans interprétation ou, à tout le moins, réception). Mais pour que la Transmission fonctionne, la Loi écrite doit être enfoncée profondément, comme des clous dans les bois d’une charpente. Il est intéressant que le Gaon de Vilna – aujourd’hui Vilnius en Lituanie – développe cette image inorganique alors même que l’image “plus douce” de la graine et de l’arbre est un classique dans la culture talmudique.
Risquons une interpolation. Le Jésus historique[2] a été en effet profondément cloué. Au sens littéral sur la Croix (Croix de la mort et de la Résurrection, Arbre de vie en Dieu). Au sens peut-être encore plus fondamental cloué, ancré dans la Loi (dans la Torah, Lui qui n’a cessé d’avertir les autorités religieuses du raidissement de leur réception de la Loi). Jésus pensait probablement que beaucoup d’autorités religieuses étaient plus proches d’une forme d’idolâtrie (garder la Torah comme un objet) que d’une Torah de Vie.
Les deux branches viennent se tenir la main lorsque l’on revient sur un commentaire concis et extrêmement suggestif de l’abbé Alain-René Arbez sur L’origine biblique du signe de croix.[3] L’auteur nous dit : “À l’origine, bien des siècles avant Jésus, on a l’ habitude en terre d’Israël de tracer sur le front un signe de bénédiction divine en forme de +, ancienne graphie du tav, la dernière lettre de l’alphabet hébraïque désignant le T de Torah.”
Accompagnant probablement ses bénédictions avec ce que nous appelons le signe de croix, Jésus le comprenait comme le signe du Tav de la Torah. La Croix sur laquelle Il a été crucifié ne doit donc pas être comprise seulement comme l’instrument d’exécution et de sacrifice, mais aussi comme le symbole du Tav de la Torah écrite et orale, véritable Arbre de Vie disponible sur terre. Symbole gigantesque de foi en Dieu, la Croix nous rappelle à la confiance qu’Il a un projet qui nous concerne et que nous pouvons y participer consciemment par une fidélité constante[4] à la Loi écrite et un développement constant4 de la Loi orale. Jésus a été crucifié, non selon la défaite d’un faux messie, mais selon la victoire d’un vrai Témoin.
Rabinowitz, dans son commentaire, souligne à quel point la dernière période de l’exil babylonien a dû être destructrice pour la foi d’Israël ; il met en valeur le rapprochement que l’on peut faire avec les incertitudes de notre époque. Il en va de même pour celle de Jésus. C’est pourquoi notre devoir, ici et maintenant, est de porter notre propre croix. C’est-à-dire porter notre propre Torah. Suivant Rabinowitz et Arbez, soutenir que la Croix et la Torah[5] sont identiques pourrait être un bon début sur le chemin de la vraie Foi.
[1]The Book of Ezra: A New Translation with a Commentary Anthologized from Talmudic, Midrashic, and Rabbinic Sources, ed. by Yosef Rabinowitz and Nosson Scherman, The ArtScroll Tanach Series, 1st ed (Brooklyn, N.Y: Mesorah Publications, 1984).
[2] Dans la mesure, bien évidemment, où il nous est accessible.
[3] En ligne en français sur le site de l’Église catholique de Genève.
[4] La plus constante possible / le plus constant possible…
[5] En risquant une maladresse, on pourrait dire de la Torah qu’elle est la Tradition biblique d’Alliance avec Dieu.
Abonnez-vous sans tarder à notre chaîne Telegram, pour le cas où Dreuz soit censuré, ou son accès coupé. Cliquez ici : Dreuz.Info.Telegram.
Au dernier § de l’article ci dessus il est fait mention “des incertitudes de notre époque”.
Il s’agit effectivement d’une perte générale de la FOI au sein de la société matérialiste dite “de consommation” d’où est absente la spécificité ontologique de l’être humain “créé à l’image de Dieu”..Le summum de l’hérésie est illustré par la controverse actuelle sue la légalisation de l’euthanasie : non seulement les médecins sont appelés à renier leur serment d’Hippocrate “primum non nocere” -ne jamais porter atteinte à la vie du patient-, mais il est actuellement fait l’impasse sur l’interdit religieux fondamental ‘ tu ne tueras point” des 10 Commandements de la loi mosaïque que Jésus nous a transmise.
Il est urgent de ressusciter la dignité humaine revendiquée par l'”amida” la prière du croyant juif qui se tient DEBOUT pour invoquer le Créateur.
Le grand rabbin de France, Haim Korsia, ne serait pas ennemi, dans cet objectif, d’une coproduction avec la hiéarchie catholique. Rappelons l’excellent ” Les racines juives de la messe” (Ed. Emmanuel) qu’il a préfacé, et son dialogue avec le cardinal Barbarin relatif à l’amitié judéo-chrétienne en France. (Ed. Emmanuel, 2017)
Pourquoi pas lui suggérer une émission spéciale réactualisée sur ce thème, jumelée à la fois sur l’antenne de KTO par exemple, et l’émission juive ” A l’origine” sur Fr 2 …?