Publié par Eduardo Mackenzie le 31 mars 2023

Gustavo Petro a admis publiquement, sans aucune inhibition, qu’il est « seul responsable des actions à Los Pozos, Caquetá ».

De deux choses l’une : soit Petro a écrit cela sans se rendre compte de la portée de ce qu’il disait, soit il estime qu’il jouit d’une immunité totale qui le protégera de toute action accusatoire prévue par les articles 174 et 178 de la Constitution colombienne, pour être, comme il le dit, le « commandant en chef des forces militaires ». Avant d’aller plus loin, une remarque : cette dernière phrase de Petro est incertaine. La Constitution dit qu’en Colombie, le président de la République est le « commandant suprême des forces armées », ce qui est autre chose, puisque la notion de « forces armées » est plus large que celle de « forces militaires ». Les forces armées sont, en Colombie, l’armée, la marine, l’aviation et la police nationale (cette dernière est « un corps armé permanent de nature civile », non militaire).

Maintenant, le point :  Petro prétend être « seul » responsable de ce qui s’est passé à Los Pozos le 2 mars dernier. Dans cet endroit, une série de crimes ont été commis contre la force publique, contre des civils et contre Emerald Energy, une compagnie pétrolière. Nous, les Colombiens, ne voulons pas oublier cet épisode grave. S’il subsiste une once d’État de droit en Colombie, la justice doit enquêter et punir à la fois les auteurs matériels et les instigateurs, quels qu’ils soient, de cette tragédie.

L’adjoint Ricardo Arley Monroy Prieto, de la police nationale, a été capturé et égorgé ce jour-là par une milice d’extrême gauche qui s’est déguisée en «garde paysanne» pour commettre cette atrocité avec perfidie et dissimulation. Ce même jour, un membre de cette bande a perdu la vie dans des conditions qui n’ont pas encore été élucidées. Et ce n’est pas tout. Le groupe de policiers, 79 au total, dont Ricardo Monroy faisait partie, a été attaqué, désarmé, kidnappé et soumis à des humiliations  et des tortures pendant près de 34 heures. La « garde paysanne » les a alors emmenés dans un camion et leur a annoncé qu’ils allaient leur trancher la gorge, comme ils l’avaient fait avec Monroy, qui a été laissé gisant au sol dans un pâturage, agonisant pendant des heures sans le moindre secours médical jusqu’à sa mort.
Si le président Petro est le « seul responsable » de l’abandon de ces policiers, comme il le proclame lui-même, ses aveux ouvrent la voie à une crise institutionnelle qui ne pourrait se terminer qu’avec la déchéance de l’investiture de Petro. Ou, au contraire, les aveux de Petro ont-ils été rendus publics comme une moquerie et comme un ordre aux autorités d’abandonner leurs enquêtes ?

Petro déforme ce qui s’est passé à Los Pozos. Il a déclaré que son ordre de laisser la police sans soutien visait à les empêcher de « massacrer les manifestants » et certains « enfants ». Mais ce jour-là, à Los Pozos, il n’y avait ni enfants ni manifestants. Il y avait une milice, armée de machettes, de revolvers, de poignards et de gourdins qui a forcé près de 600 indigènes à se joindre à eux afin qu’ils assument une partie de la responsabilité du massacre qu’ils avaient prémédité contre les fonctionnaires qui protégeaient la compagnie pétrolière chinoise menacée.
Grâce à cette ruse, la fausse « garde paysanne », dirigée selon divers analystes par les FARC, a désarmé et kidnappé les 79 policiers qui avaient été dépêchés par le gouvernement. Pour qu’ils subissent l’embuscade et l’humiliation ? Cependant, par un truchement de langage, Petro a transformé les voyous en « enfants » et en « population civile » et leurs victimes en « massacreurs ». Et, pour couronner le tout, il a étendu son tour de passe-passe aux juges. Dans un Twitter, il a souligné qu’il ne voulait pas « de juges qui font pression sur des enfants pour qu’ils soient bombardés, pour faire de faux positifs ou pour massacrer des manifestants ». Petro ignore-t-il que le chef de l’exécutif ne peut pas ordonner aux juges d’ouvrir, d’entraver et de clore une enquête ?
Lorsque la justice pénale militaire a voulu capturer le colonel Javier Castro, commandant de la police du Caquetá qui n’a rien fait pour sauver la vie de Ricardo Monroy et a laissé les policiers et les civils kidnappés sans soutien, le général Henry Sanabria, directeur de la police nationale, a révélé d’autres aspects de la sanglante journée. Il a révélé qu’Alfonso Prada, ministre de l’Intérieur, présent sur ces lieux de mort, avait accepté de devenir l’otage de la « garde paysanne » afin qu’elle ne décapite pas les autres 78 policiers.

Pourquoi Petro ne veut-il pas que le colonel Castro détaille ce qui s’est passé à Los Pozos ? « Je réponds devant le juge militaire qui juge mon chef de police du Caquetá de mes ordres de ne pas tuer la population civile », a plaidé Petro. Et il a fulminé : « Mes troupes ne bombarderont jamais des enfants ». Je laisse à d’autres le soin de réfléchir sur la double erreur de la formule « mes troupes » et d’expliquer si ce n’est pas là le langage typique des tyrans. En tout cas, je conclus : Petro est un Président de la République qui ne fait pas la différence entre un enfant et un adulte armé qui kidnappe et assassine des policiers. Petro est un chef d’État qui déforme les faits pour maquiller une faute personnelle qui a coûté la vie à un policier et qui aurait pu coûter la vie à 78 autres policiers.
L’autre aspect qui compromet Petro, révélé à Noticias Caracol par le général Sanabria, est le suivant: « Pratiquement, le ministre de l’Intérieur s’est échangé contre la police et il y a eu des moments de tension ». De grande tension, en effet: le gang armé avait prévenu qu’il tuerait les 78 policiers si le gouvernement tentait de les secourir. Leur libération a donc été le résultat de cet échange. Il y a des témoins de la volonté du ministre de servir d’otage : Iván Velásquez, ministre de la Défense, et Danilo Rueda, commissaire à la paix, admirateur de Fidel Castro et Hugo Chávez. Les deux fonctionnaires du gouvernement Petro ont écouté ce que Prada leur a dit, avant que les otages ne commencent leur retour à Bogotá : « Je reste ici pour que vous puissiez partir ».

La description faite par le général Sanabria a évaporé la version surréaliste donnée par le ministre Prada, en ce sens qu’à Los Pozos, il n’y a pas eu de meurtres, d’incendies ou d’enlèvements massifs de policiers, mais plutôt un louable « siège humanitaire ». Comme cela expose Petro, notamment devant les organisations internationales, Prada et Velásquez se sont précipités pour désavouer le général Sanabria. « Je n’ai pas été kidnappé (…) Je pouvais aller au magasin pour acheter ce que je voulais », a objecté Prada. « Le général Sanabria est confus », a estimé Velásquez. De telles explications sont ridicules.

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L’effort constant pour cacher ce qui s’est passé à Los Pozos révèle la stratégie qui tire toutes ces ficelles : empêcher le système judiciaire de savoir qui protège les meurtriers et les ravisseurs des policiers et qu’ils soient capturés et poursuivis. Puisque la nouvelle doctrine Petro est que la force publique doit s’habituer à être humiliée, désarmée et sous-financée. Le nouveau modèle d’État que Petro et sa clique mettent en place exige que la force publique soit considérée comme un acteur criminel. Elle doit être ligotée et exposée aux pires atrocités. Elle n’aura pas le droit de se protéger ni de protéger la population. Ces derniers jours, le procureur général Francisco Barbosa a signalé que les FARC, en effet, délivraient des cartes d’identité à la population de Caquetá pour contrôler les entrées et les sorties des villes. Et que fait le gouvernement contre cela ? Rien. L’ordre public doit rester entre les mains de miliciens patentés, déguisés en « gardes indigènes » et « gardes paysannes », deux prototypes qui sont en train d’occuper l’espace rural. Bientôt d’autres «gardes » apparaîtront dans les villes : les « gardes ouvrières », les «gardes syndicales », les « gardes étudiantes », les « gardes de quartier », les « gardes communales », et la liste n’est pas finie.

Ainsi la Colombie sera transformée en un autre chaînon du mal. Le nouvel État « pouvoir de vie » aura pour tâche de ne pas combattre le trafic de drogue et sa civilisation de la terreur. Exagération ? Diffamation? Non. C’est ce que vient de recommander au président Manuel López Obrador le nouvel ambassadeur de Colombie au Mexique, Álvaro Ninco Daza, en violation de la convention de Vienne. « La Colombie vient de jeter l’éponge et de se soumettre à ces groupes par le biais de gouvernements qui ont aidé le narco-État. Le Mexique aussi [doit se soumettre] », a-t-il déclaré. Daza a réitéré : le Mexique doit dialoguer avec les cartels car « il n’y a pas d’autre option ». Face au scandale que ces propos ont déclenché, López Obrador a rejeté, du bout des lèvres, la doctrine de « paix totale » de son ami Gustavo Petro.

En Colombie, où les infos sur les décisions perverses de Petro chassent les infos précédentes du même acabit, l’affaire de Los Pozos a été laissée dans les limbes. Peu de parlementaires ont daigné ouvrir la bouche sur ce sujet comme si cela n’était pas de leur ressort. Où nous mènent de telles attitudes ? Le juriste Javier Tamayo Jaramillo le voit clairement : «De rapt en rapt, nos forces armées disparaîtront pour être remplacées par une armée endoctrinée qui fera de nous le pâle reflet de ce que sont aujourd’hui Cuba, le Venezuela et le Nicaragua.

© Eduardo Mackenzie (@eduardomackenz1) pour Dreuz.info. Toute reproduction interdite sans l’autorisation écrite de l’auteur.

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