Publié par Guy Millière le 5 mars 2023
Poutine, le sordide naufrage russe et les totalitaires occidentaux

Les penchants de toute une droite française située à la droite de la droite pour Vladimir Poutine me laissent très songeur, pour ne pas dire plus, et susciteraient mon éloignement immédiat, même si Vladimir Poutine n’avait pas envahi l’Ukraine et n’y avait pas envoyé une armée qui multiplie les crimes de guerre.

Le fait que Vladimir Poutine rappelle au monde qu’il est un dictateur criminel suscite mon éloignement absolu, et me conduit à tenter de remédier à l’amnésie qui peut aisément s’épandre dans l’air vicié du temps présent, tant concernant Poutine que concernant ce qu’il a fait de la Russie.

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Faut-il rappeler que Vladimir Poutine a été longtemps un officier du KGB, puis, après un passage chez les truands de Saint Pétersbourg juste après la chute de l’Union Soviétique, le directeur du KGB, le service de propagande, de désinformation et d’élimination physique d’opposants du régime soviétique ? Oui, il le faut.

Faut-il souligner que Vladimir Poutine a fait organiser des attentats à Moscou aux fins d’accuser les indépendantistes tchétchènes et de mener en Tchétchénie, dès 2000, une guerre striée de massacres et d’atrocités ? Oui, il le faut là encore.

Faut-il dire qu’au fur et à mesure qu’il a mis sa dictature en place, il ne s’est pas contenté d’emprisonner ou faire tuer les oligarques qui ne se soumettaient pas à lui et ne lui donnaient pas une partie de leur fortune, mais a fait assassiner les Russes exilés en Europe occidentale qui le gênaient, les journalistes qui le critiquaient et ses opposants politiques ? Oui, il le faut, toujours. Et il faut ajouter que cela lui a permis d’amasser en 22 ans une fortune estimée à 200 milliards de dollars, par des moyens de racket, de chantage et de corruption.

Faut-il ajouter ce que Poutine a fait de la Russie au cours de ses deux décennies de pouvoir ? Oui, il le faut, encore et toujours.

La Russie est un pays qui, faute de règles de droit, n’a pas vu s’opérer d’investissements permettant l’émergence d’industries à même de produire des marchandises susceptibles d’être vendues sur le marché mondial, et vit aujourd’hui essentiellement de la vente de matières premières énergétiques, gaz et pétrole (on peut ajouter le blé depuis quelques années). Le salaire moyen en Russie équivaut à 600 dollars américain. C’est un salaire de pays du tiers-monde.

La Russie est un pays où des sommes considérables ont été englouties dans le secteur de l’armement sans que l’armée russe soit une armée efficace, comme on le voit depuis un an en Ukraine : les deux atouts de l’armée russe sont l’artillerie et une grosse quantité de bombes, d’obus et de missiles d’une part, et la possibilité répugnante d’utiliser des êtres humains comme chair à canon, d’autre part (on peut ajouter à cela un arsenal nucléaire datant de l’ère soviétique). Ces sommes auraient pu être utilisées pour améliorer la vie de la population, mais Poutine avait d’autres objectifs. 

La Russie est un pays où le respect pour l’être humain n’existait pas à l’époque soviétique et n’existe pas davantage aujourd’hui. Et c’est, outre l’utilisation d’êtres humains comme chair à canon, un pays où, dès qu’on sort de Moscou et Saint Pétersbourg, la très grande pauvreté devient flagrante et où la surveillance de la population et la violence policière contre celle-ci est omniprésente. Et cette surveillance et cette violence se sont accentuées depuis l’invasion de l’Ukraine. Il est désormais des mots qu’on ne peut plus prononcer en Russie sans finir dans une geôle et sans risquer de subir des sévices.

La Russie est un pays où la censure régnait avant la guerre contre l’Ukraine, mais où maintenant la télévision d’Etat diffuse à dose intensive une propagande ignoble par laquelle des propagandistes bien rémunérés incitent à l’extermination des Ukrainiens, à la destruction de l’Occident (présenté caricaturalement comme constitué essentiellement de pédophiles dépravés). Et s’il était encore de ce monde, Joseph Goebbels regarderait la télévision russe en se disant qu’il a des disciples zélés.

La Russie est un pays où les seuls opposants politiques encore vivants (car rescapés d’empoisonnements), Vladimir Kara-Murza et Alexei Navalny, sont en camp d’internement (Boris Nemtsov n’a pas eu cette chance, et a été abattu sur un pont de Moscou en 2015). On peut ajouter à leurs noms ceux de Garry Kasparov et de Mikhail Khodorkovski : le premier vit à New York, le second à Londres, où il doit prendre d’infinies précautions. J’aurais pu, jusqu’en 2019, année de son décès, rajouter le nom de Vladimir Boukovsky, un homme remarquable que je connaissais bien et dont j’ai traduit du russe plusieurs textes à l’époque où il était encore en asile psychiatrique en Union Soviétique. Il devait lui aussi être très prudent. Je ne donne pas la liste de tous ceux que Poutine a fait assassiner, elle serait longue et accablante. La première personne sur la liste pourrait être Anna Politovskaia, une grande journaliste, abattue en 2006, devant l’immeuble où elle vivait.

La Russie est un pays où l’alcoolisme règne et où l’espérance de vie des hommes se situait avant la guerre contre l’Ukraine à 59 ans, chiffre très bas, et le chiffre va baisser : il y a maintenant 200.000 morts ou blessés graves tombés en Ukraine, en une année, et les services britanniques ont calculé que l’espérance de survie d’un Russe sur le front ukrainien était d’environ quatre heures.

La Russie est un pays qu’un million de Russes ont quitté depuis le début de la guerre, et ceux qui sont partis constituaient une élite qui ne reviendra pas et ne sera pas remplacée.

Vladimir Poutine s’obstine. Il tue, et détruit. Il fait des centaines de milliards de dégâts en Ukraine et voudrait à l’évidence rayer l’Ukraine de la surface du monde et faire disparaitre le peuple ukrainien, mais il conduit aussi son pays vers la disparition. Ses récents discours décrivent, sur un mode paranoïaque dans lequel c’est lui l’agressé, une réalité qui n’existe pas. Ceux qui lui obéissent et ceux qui sont imprégnés de propagande applaudissent.

Xi Jinping va venir à Moscou soutenir Poutine comme la corde soutient le pendu. Il ne vendra pas d’armes à la Russie (je reviendrai sur le sujet dans un prochain article), et s’intéresse surtout aux matières premières russes, sur lesquelles il compte, quand la Russie aura totalement perdu la guerre et sera condamnée à devenir un protectorat chinois, ce qui sera le cas dans quelques mois.

La Russie consacrant en moyenne un milliard de dollars par an à diffuser de la désinformation au sein du monde occidental et à rémunérer des agents d’influence, il n’est, hélas, pas étonnant qu’il y ait tant de fausses informations circulant en France et ailleurs en Europe, tant sur la Russie que sur la guerre de la Russie contre l’Ukraine. Les principaux vecteurs de désinformation en Occident au temps de l’Union Soviétique étaient communistes ou compagnons de route. Ceux qui absorbaient la désinformation étaient massivement à gauche et étaient appelés idiots utiles. Aujourd’hui, trente ans après la chute de Union Soviétique, la Russie est une dictature post-communiste qui présente de nombreux traits communs avec ce que furent le national-socialisme et le fascisme, il est donc logique que les vecteurs de désinformation russe se situent surtout à la droite de la droite et que les récepteurs de la désinformation russe se situent eux-mêmes à la droite de la droite et soient les nouveaux idiots utiles. Au temps de l’Union Soviétique, communistes, compagnons de route et idiots utiles voulaient la destruction des sociétés ouvertes et du monde occidental. Aujourd’hui, les vecteurs et les récepteurs de la désinformation russe agissent pour la destruction des sociétés ouvertes et du monde occidental. La tentation totalitaire peut changer de peau, mais rester, au fond, presque identique.

© Guy Millière pour Dreuz.info. Toute reproduction interdite sans l’autorisation écrite de l’auteur.

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