Publié par Eduardo Mackenzie le 19 avril 2023
Colombie : Le contrôle des prix ne nous mènera pas au paradis

Le gouvernement de Gustavo Petro a trouvé la baguette magique (une matraque magique, devrions-nous dire) pour résoudre les graves problèmes économiques qu’il a lui-même créé : le contrôle des prix.

Ces derniers jours, le ministre Guillermo Reyes a annoncé, par exemple, qu’il y aurait un contrôle des prix sur le transport aérien, pour résoudre le chaos du secteur (deux entreprises en faillite en une semaine) et pour permettre aux Colombiens de voyager partout, notamment aux îles San Andres et Providence. Merci beaucoup docteur Reyes ! Le ministre a mâtiné la mesure désastreuse en disant qu’il ne s’agit « que de plafonner » les billets d’avion.

La chose sonne bien. En réalité, c’est un leurre : le contrôle des prix – l’ordre de vendre en dessous du prix d’équilibre – est, pour les socialistes, la première phase pour mater les entreprises (il suffit de signer quelques décrets). Ils ne s’arrêtent pas là, au contrôle des prix à court terme. Ils tendent à pérenniser ce contrôle dont les effets sont tôt ou tard négatifs. Dans son programme visant à démanteler le méchant capitalisme, ce levier est, pour eux, le bienvenu. Car dans le contrôle des prix, il y a, sous la table, d’autres plans : contrôle de la production et de la distribution et, par conséquent, réduction des libertés individuelles.

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Pour cette raison, à la veille du 1er mai, Petro et sa clique annoncent des prodiges : les axes vitaux de l’économie resteront sous la férule de l’État socialiste ; il y aura un contrôle des prix sur tout afin que la population devienne heureuse. L’objectif de l’annonce sur le contrôle des prix « du panier familial de base », faite par la ministre Gloria Ines Ramirez, n’est pas autre chose que cela. Petro prévient qu’il y aura également des contrôles des prix dans le secteur du logement et de l’énergie. Merveilleux. 

Nous savons où mène ce chemin lumineux. Le Castro-Chavisme commence par le contrôle des prix alimentaires et débouche sur les boîtes Clap, avec de la nourriture pourrie (1) et une hyperinflation, comme cela s’est produit au Venezuela.

Sommes-nous donc aveugles à ce point ? Ne savons-nous pas ce qui se cache derrière le cirque petriste du contrôle des prix sine die ? Ne savons-nous pas quel rôle a joué le contrôle des prix au Venezuela et en Argentine ? Oui, beaucoup savent ce qui est en jeu. Juan Camilo Restrepo, ancien ministre des Finances, a prévenu : « La ministre du Travail a déjà commencé à parler de contrôle administratif des prix. Mauvais présage. L’Argentine a placé 1 500 produits sous contrôle administratif, et aujourd’hui il y a une inflation de 70 % ».

Les économistes libéraux ont utilisé le contrôle des prix dans certaines situations graves, comme aux États-Unis durant la période de 1942 à 1946, avec des résultats efficaces contre l’inflation. Dans l’après-guerre, l’inflation a pris fin grâce au dynamisme de la production et au rétablissement de la demande sans mesures de contrôle brutales. Nixon a relancé ce contrôle de 1971 à 1974. Mais lorsqu’il y a mis fin, les prix des denrées alimentaires ont grimpé en flèche et l’inflation a atteint les deux chiffres.

La hausse actuelle de l’inflation des prix due aux effets de la pandémie de Covid (notamment une augmentation de la demande due aux confinements) a relancé, aux États-Unis et dans de nombreux pays, le débat sur le contrôle des prix.

Deux écoles s’affrontent à Washington : les radicaux, menés par Isabelle Weber, défenseure de la MMT (théorie monétaire moderne), parlent d’imposer un « contrôle stratégique des prix » et de poursuivre les injections massives de crédit de la banque centrale pour contribuer à la stabilité monétaire. Les analystes orthodoxes reprochent au MMT de ne pas s’intéresser à l’inflation ni au rendement du capital, et soutiennent qu’avec les faibles taux de chômage actuels, il est temps de freiner le laxisme monétaire par des hausses modérées des taux d’intérêt. Les radicaux répondent que le maintien de la flexibilité monétaire contribue également à la neutralité carbone et à la lutte contre le changement climatique.

En Colombie, l’inflation a à voir avec le Covid mais elle ne s’explique pas uniquement par ce facteur externe, car elle a une origine supplémentaire forte : les attitudes absurdes du nouveau gouvernement contre Ecopetrol (2) et contre le secteur stratégique des hydrocarbures du pays, et les autres modifications structurelles que Petro tente d’imposer aux autres secteurs pour des raisons idéologiques (les théories de la professeure Weber ne sont pas loin).

La presse économique colombienne a expliqué sur tous les tons que le contrôle des prix ne combat pas l’inflation et qu’elle est au contraire une mesure imprudente qui a causé des dommages en Colombie et dans d’autres pays, même développés, à d’autres époques. Il n’est pas nécessaire d’être un lecteur de Hayek ou des anti-keynésiens pour savoir que les contrôles des prix ralentissent la concurrence, l’innovation et l’offre, réduisent la consommation, créent des pénuries et font apparaître des marchés noirs et ouvrent la voie à la détérioration de la qualité des biens et services produits dans ces conditions.

Hugo Chavez a très vite utilisé le contrôle des prix, à partir de 2002, avant de lancer sa folle vague d’expropriations, d’interventions et de nationalisations. Il a continué avec le contrôle de l’accès aux devises étrangères et avec le contrôle de la mobilisation des marchandises à l’intérieur du Venezuela, avant de fixer le salaire minimum sans consulter les entreprises. Ainsi il a commencé sa dictature abjecte. Sur les dix mille industries que comptait le Venezuela en 2000, et après avoir « négocié » avec le racket chaviste, 3000 ont fait faillite en moins de quatre ans. Et l’hémorragie économique a continué.

Ce schéma progresse en Colombie. Gustavo Petro ne fait rien d’autre que suivre un script exécuté et testé dans d’autres pays. Nous le savons bien, mais la clique gouvernementale actuelle s’efforce de montrer le contraire : leur plan est de rendre les gens heureux et de « raffermir la paysannerie » et de « contrôler les prix élevés des denrées alimentaires » et de tout le reste.

Les conseillers de Petro en Espagne sont des amis du contrôle des prix. Cette année, les dirigeants de Podemos ont demandé au gouvernement de Pedro Sanchez de geler les prix du panier de base « comme ils étaient avant » l’invasion russe de l’Ukraine, et d’augmenter de 33% la taxe sur les bénéfices des chaînes de distribution. Cela s’est terminé par une tape sur les doigts pour Sanchez de la part de la Commission européenne. Bruxelles a expliqué qu’il existe d’autres solutions et que les mesures de contrôle des prix affectent le marché unique « au détriment des consommateurs et des agriculteurs européens ».

La guerre en Ukraine est utilisée comme prétexte. L’extrême gauche française avait demandé avant celle-ci, en janvier 2022, de bloquer, sans limite de temps, les prix des produits de première nécessité et de l’énergie. Le blocage des prix du gaz, décidé par Macron en octobre dernier, a alourdi la dette publique de plusieurs milliards d’euros. Pour la payer, la France, pays avec une pression fiscale de 47%, la plus élevée de la zone euro et seconde en Europe, devra augmenter cette charge. Cela réduira nécessairement la consommation et le marché intérieur.

Manipuler les prix est une chose sérieuse. Hayek écrit : « Tout contrôle arbitraire des prix, ou des quantités de certaines marchandises, prive la concurrence de son pouvoir de coordonner efficacement les efforts individuels, parce que les variations des prix cessent alors d’enregistrer les modifications des circonstances, et ne fournissent plus un guide sur l’action individuelle ». L’économiste Thierry Aimar rappelle que les prix sont « des vecteurs d’information sur les comportements et les choix subjectifs des agents » et que « leur vocation est d’exprimer le réel et ses inévitables changements ».

Pour deviner la suite en Colombie, il suffit de voir la chronologie des actions de Chavez/Maduro au Venezuela. Cet itinéraire est celui que suit Petro, puisque dans son schéma intellectuel il n’y a pas d’autre horizon. L’augmentation du taux d’intérêt à 7,5% par an décidée par la Banque de la République ne suffira pas. Les débats et les remèdes contre l’inflation dans d’autres pays ne peuvent pas être appliqués chez nous. Ni les Etats-Unis ni la France ne sont confrontés, par exemple, à un phénomène de dévaluation du peso face au dollar déclenché par les déclarations irresponsables de Petro au début de son mandat.

Ils n’ont pas non plus ce qui se passe quotidiennement en Colombie : le transport terrestre de marchandises est bloqué par des indigènes en colère, par des bandes illégales ou par les « grèves armées » de l’ELN et des FARC. Dans un pays où il n’y a plus ni armée ni police, la production industrielle, agricole et commerciale n’a aucune perspective puisque les piliers de la souveraineté sont en cendres à cause des mesures erronées du gouvernement.

Dans ces conditions, serons-nous capables de réduire l’inflation et le chômage grâce à un contrôle stratégique des prix ? Non. Avec ce mécanisme, Petro ne fera que porter un coup supplémentaire à l’économie. Personne ne doute plus de cela après ce que Petro a montré, sur ce qu’il allait faire avec les secteurs clés de l’économie nationale.

© Eduardo Mackenzie (@eduardomackenz1) pour Dreuz.info. Toute reproduction interdite sans l’autorisation écrite de l’auteur.

(1) Les cartons Clap sont des colis alimentaires à prix subventionné, dans le cadre d’un programme mis en place par le régime de Nicolas Maduro en 2016, pour faire face aux pénuries alimentaires, suite à la destruction de l’économie vénézuélienne. La crise humanitaire actuelle fait que les plus vulnérables ne peuvent survivre que grâce à ces boîtes. Ce système est miné par la corruption. Les boites sont reconditionnées et inégales. Les quantités de certains produits sont inférieures à ce qu’indique l’emballage. Et tous les foyers d’un même quartier ne reçoivent pas la même chose.

(2) Ecopetrol (Empresa Colombiana de Petroleos) est la plus grande entreprise colombienne. Dédiée à l’extraction et la commercialisation de pétrole et de gaz, elle possède les deux raffineries les plus importantes du pays, ainsi que la majeure partie du réseau de pipelines. En 2021, Ecopetrol a accepté d’acheter la participation de 51,4% du gouvernement dans le conglomérat ISA pour 14,2 trillions de pesos (3,58 milliards de dollars). Ecopetrol achètera environ 569,5 millions d’actions ISA pour 25 000 pesos chacune. ISA possède des activités dans les secteurs de l’énergie, des routes et des télécommunications en Colombie, au Brésil, au Chili, au Pérou, en Bolivie, en Argentine et en Amérique centrale par l’intermédiaire de 51 sociétés affiliées et filiales.

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