
La plus grande fuite de documents classifiés depuis dix ans a provoqué une crise à Washington et chez les alliés américains.
La centaine de documents publiée pour l’instant détaille l’espionnage des États-Unis sur ses alliés, et donne un aperçu de l’analyse américaine sur la guerre en Ukraine et au moins deux pays neutres qui envisagent des plans de soutien à la Russie. Alors que les responsables du Pentagone sont toujours en train d’examiner la validité des documents, le ministère de la Justice a déclenché une enquête criminelle contre Jack Teixeira, l’auteur de la fuite.
Il est possible que d’autres documents soient publiés, mais la fuite a déjà fait beaucoup de dégâts, obligeant des alliés cruciaux des États-Unis à réagir dans ce qui est devenu un incident embarrassant pour Washington.
Les services de renseignement américains ont infiltré l’armée russe, le groupe Wagner et le GRU
Plusieurs documents fuites montrent la profondeur de l’espionnage américain en Russie. Les services de renseignement américains ont infiltré l’armée russe dans une plus large mesure que généralement supposée.
A titre d’exemple, les Pentagon Papers montrent que dans certains cas, les États-Unis ont averti l’Ukraine d’attaques imminentes. Les documents font également référence à la planification interne du GRU, l’agence de renseignement militaire russe, et du groupe Wagner, l’entrepreneur militaire privé essentiel à l’effort de guerre de la Russie, suggérant que tous deux sont compromis par les États-Unis.
Voici les principales révélations contenues dans les documents à ce jour.
1 Les systèmes de défense aérienne de l’Ukraine en péril. Les munitions destinées aux systèmes de défense aérienne de l’ère soviétique déployés par l’Ukraine seront bientôt épuisées, ce qui pourrait mettre en péril Kiev dans la guerre contre la Russie, selon des documents. Selon un document datant de février, le système de défense antimissile S300 devrait être à court de munitions d’ici le mois de mai et le système SA-11 Gadfly d’ici la fin du mois de mars.
Ces deux systèmes représentent environ 89 % des défenses aériennes de l’Ukraine et sont essentiels pour contrer les fréquentes attaques de missiles russes.
Les documents du Pentagone suggèrent que l’Ukraine ne pourrait résister qu’à quelques vagues supplémentaires de frappes de missiles russes.
Des blogueurs militaires russes et des médias d’État ont déjà publié les détails de ces documents.
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2 Le Pentagone met en doute la contre-offensive de printemps de l’Ukraine. L’Ukraine devrait lancer une contre-offensive majeure au printemps, mais les États-Unis doutent de la capacité de Kiev à reprendre des territoires importants, selon un document top secret. Selon le Washington Post, une évaluation réalisée au début du mois de février fait état d’un « déficit de génération de forces et de maintien en puissance » pour l’armée ukrainienne.
L’Ukraine cherche à reprendre des territoires à l’est et au sud, où Kiev pourrait couper un pont terrestre vers la péninsule de Crimée.
Publiquement, l’administration Biden a indiqué que l’Ukraine regagnerait des territoires lors de l’offensive à venir.
Mais les documents brossent un tableau plus sombre, avec Kiev susceptible de lutter contre les positions russes retranchées dans le sud-est de l’Ukraine et avec des « déficiences » en matière d’entraînement et de munitions, selon l’examen du Post.
Si ces deux premiers points ont plutôt de quoi rassurer la Russie, il n’est pas interdit de spéculer qu’il pourrait s’agir d’une campagne de propagande montée pour encourager Poutine à baisser sa garde.
3 Les renseignements américains sur la Russie pourraient désormais être compromis. Les documents contiennent des informations sur les forces russes en Ukraine, que les États-Unis ont obtenues grâce à la collecte de renseignements. Ces fuites sont susceptibles de conduire Moscou à engager une répression sévère sur la capacité d’agents étrangers d’intercepter des communications, et sur les possibles fuites internes.
Certains analystes ont déclaré que la Russie connaissait les méthodes de collecte de renseignements des États-Unis et qu’elle s’efforçait déjà de combler les lacunes. Cela ne surprend pas. Il y a peu de zones d’ombres concernant les méthodes respectives des services de renseignements des différents pays.
Mais Kurt Volker, membre éminent du Center for European Policy Analysis, a déclaré cette semaine que la Russie allait certainement commencer à s’intéresser d’encore plus près à la question.
« Ils examineront ces données et essaieront de comprendre d’où [les Américains] tirent ces informations. Quelle est la part de renseignements humains, quelle est la part de transmissions ?
4 L’agence d’espionnage israélienne a soutenu les manifestations nationales. Certains des documents divulgués indiquent que le chef du Mossad a soutenu des manifestations nationales contre le projet de réforme judiciaire du Premier ministre Benjamin Netanyahou. Selon les documents, le Mossad aurait lancé des « appels explicites à l’action » contre le plan de réforme judiciaire auprès du personnel de l’agence et encouragé les citoyens israéliens à protester contre la réforme judiciaire, qui rééquilibrerait le pouvoir législatif, aujourd’hui inférieur au pouvoir judiciaire, y compris la possibilité de passer outre les décisions politiques de la Haute cour.
Les fuites du Pentagone sur les activités du Mossad confirment donc que les États-Unis espionnent cet allié majeur au Moyen-Orient. Il y a des précédents, ce n’est pas une nouveauté. Et elle va dans les deux sens.
Le bureau de M. Netanyahou a évidemment démenti ces allégations contre le Mossad. Pouvait-il faire autrement ?
5 La Corée du Sud est préoccupée par la fourniture de munitions aux États-Unis. D’autres documents font également état de l’espionnage par les États-Unis de la Corée du Sud, l’allié majeur dans la région indo-pacifique, en ce qui concerne son soutien à l’Ukraine. Les documents divulgués indiquent que la Corée du Sud était disposée à fournir aux États-Unis des obus d’artillerie pour reconstituer les stocks américains, mais qu’en privé, Séoul craignait que les munitions ne soient détournées vers l’Ukraine.
Mardi, le bureau du président sud-coréen Yoon Suk-yeol a fait comme Netanyahou et a nié. Il a déclaré qu’un « nombre important » des documents avaient été falsifiés, citant une conversation récente entre les chefs de la défense des deux pays.
« Les soupçons d’écoutes dans le bureau présidentiel de Yongsan sont erronés », peut-on lire dans un communiqué.
Là encore, avait-il le choix ?
D’ailleurs, les retombées de cette fuite ont provoqué des tensions en Corée du Sud.
Le Parti démocratique de Corée du Sud, un parti politique d’opposition au parti plus conservateur de M. Yoon, a critiqué l’espionnage des États-Unis.
« Nous regrettons profondément que la principale agence de renseignement des États-Unis ait mené des activités d’espionnage illégales contre ses alliés », a déclaré le Parti démocrate lors d’une conférence de presse tenue lundi.
Un aspect de cette « fuite » me surprend, cependant, tant pour la fuite que pour la réaction de la Corée. En effet, en novembre dernier, CNN annonçait que les États-Unis envisageaient d’acheter 100 000 munitions d’artillerie à la Corée du Sud pour l’Ukraine : ce n’était donc pas un secret, et s’il a « fuité », il ne devrait pas déclencher ce genre de réaction de Yoon.
6 L’Égypte prévoyait secrètement de fournir des fusées à la Russie. Les documents contiennent également des informations classifiées selon lesquelles l’Égypte prévoyait secrètement de soutenir la Russie dans sa guerre contre l’Ukraine. Selon un document, le président égyptien Abdel Fattah El-Sisi a ordonné la production et l’expédition de 40 000 roquettes à Moscou.
El-Sisi a également prévu de fournir secrètement de la poudre à canon et de l’artillerie à la Russie. Il aurait ordonné à ses subordonnés de ne pas divulguer la vente d’armes aux alliés occidentaux.
L’Égypte est un allié clé des États-Unis dans la région du Moyen-Orient. Les États-Unis fournissent chaque année plus d’un milliard de dollars au Caire, soit un tiers de l’aide de Washington à Jérusalem, alors que Le Caire n’est pas menacé de destruction.
Le porte-parole de la Maison-Blanche pour la sécurité nationale, John Kirby, a fait comme les autres dirigeants : il a minimisé.
Il a déclaré mardi que les États-Unis n’avaient pas vu de preuves indiquant que l’Égypte avait donné suite à ces plans. Un haut fonctionnaire égyptien a également démenti ces allégations dans des commentaires diffusés par les médias d’État.
Le député Don Beyer (D-Va.) a déclaré que si les allégations contenues dans les documents étaient vraies, « cela devrait conduire à une révision majeure des relations de l’Amérique avec l’Égypte ». C’est un effet de manche, cela n’arrivera pas, et Beyer le sait.
« J’ai longtemps critiqué le bilan épouvantable du gouvernement égyptien en matière de droits de l’homme, mais si cela est vrai, cela devrait soulever de profondes questions pour tous ceux qui défendent le statu quo », a tweeté M. Beyer.
7 Les Émirats arabes unis ont accepté de collaborer avec des agents d’espionnage russes contre les États-Unis et le Royaume-Uni. Selon un autre document, les Émirats arabes unis (EAU) prévoyaient de collaborer avec des espions russes contre les services de renseignement des États-Unis et du Royaume-Uni. Le service fédéral de sécurité russe (FSB), principal successeur du KGB de l’ère soviétique, et qui fonctionne sur les mêmes bases, a affirmé que les responsables de la sécurité des Émirats arabes unis avaient donné leur accord à ce plan, selon un examen du document effectué par l’Associated Press.
Le document du Pentagone fait état de renseignements d’origine électromagnétique, ce qui signifie que les informations ont été obtenues par le biais de messages électroniques ou d’interceptions d’appels téléphoniques. Washington aurait surpris le FSB en train de se vanter de l’accord, selon l’AP.
Les Émirats arabes unis sont un partenaire stratégique des États-Unis au Moyen-Orient, mais ils entretiennent également des liens étroits avec la Russie.
Evidemment, un représentant des Émirats arabes unis a déclaré à CNN que cette allégation était « catégoriquement fausse ».
8 Selon NBC News, des responsables américains ont étudié les moyens de persuader Israël de fournir une « aide létale » à l’Ukraine tout en lui permettant de rester officiellement neutre dans le conflit entre Kiev et Moscou. Parmi les options envisagées, Israël aurait pu acheminer du matériel à l’Ukraine par l’intermédiaire de tierces parties, ou souligner le soutien de Moscou à l’Iran ainsi que son rôle dans la guerre civile en cours en Syrie.
9 Des pirates informatiques travaillant avec l’agence d’espionnage russe FSB ont prétendu avoir interrompu les activités d’une société canadienne de gazoducs au début de l’année, a rapporté le journal The Globe and Mail. Le président de la société a lui aussi, comme les autres, démenti ces affirmations et les autorités canadiennes n’ont pas été en mesure de confirmer l’existence de la cyberattaque.
Chine. L’interception de renseignements russes montre que Pékin voulait déguiser l’aide létale à la Russie en articles civils. Les documents indiquent que la Chine a approuvé la fourniture d’une aide létale à la Russie dans le cadre de sa guerre en Ukraine, mais souhaitait que les livraisons restent secrètes. Un résumé de renseignement top secret daté du 23 février indique que Pékin a approuvé la fourniture progressive d’armes à Moscou, qu’elle déguiserait en articles civils, selon un rapport du Washington Post.
Un autre rapport des services de renseignement prévient que Pékin :
« utilisera probablement les attaques de l’Ukraine à l’intérieur de la Russie comme une occasion de présenter l’OTAN comme l’agresseur, et pourrait augmenter son aide à la Russie s’il estime que les attaques sont importantes ».
Un autre document contient des détails sur un essai mené par Pékin sur l’un de ses missiles expérimentaux avancés – le DF-27, un engin de vol plané hypersonique – le 25 février. Il indique que le véhicule a volé pendant 12 minutes sur une distance de 1 300 miles et qu’il possède une « forte probabilité » de pénétrer les systèmes américains de défense contre les missiles balistiques.
Enfin, selon un autre dossier des services de renseignement figurant dans la série de documents divulgués, Pékin considérerait une frappe ukrainienne « significative » avec des armes américaines ou de l’OTAN sur le territoire russe comme une escalade du conflit qui justifierait l’envoi d’armes à la Russie.
Les forces spéciales britanniques en Ukraine. Un document suggère que le Royaume-Uni a déployé jusqu’à 50 forces spéciales en Ukraine entre février et mars de cette année, ce qui représente plus de la moitié du personnel des forces spéciales occidentales présent dans le pays à ce moment-là. Ce chiffre est considérablement plus élevé que celui des États-Unis et de la France, qui auraient déployé respectivement 14 et 15 forces spéciales. On ignore quelles activités les forces spéciales ont pu mener et si les effectifs ont été maintenus à ce niveau.
La Hongrie et les États-Unis. L’un des documents montre que le Premier ministre hongrois, Viktor Orbán, a décrit les États-Unis de Biden comme l’un des trois principaux adversaires de son parti, le Fidesz. La discussion a eu lieu lors d’une réunion du groupe parlementaire du Fidesz en février. Une source pro-gouvernementale à Budapest a déclaré au Guardian que M. Orbán n’avait pas cité les États-Unis, mais l’administration Biden en particulier.
La lutte pour l’Arctique. Un des rapports fait état de l’inquiétude du ministère russe de la Défense face aux projets de l’OTAN de contester plus activement les revendications russes dans l’Arctique en augmentant les patrouilles de navires de guerre et en renforçant la présence militaire générale de l’alliance dans la région, en tant que « précédent pour établir la légitimité d’une base militaire de l’OTAN dans les zones de l’Arctique revendiquées par la Russie ».
Le Nicaragua cherche à s’écarter de la dépendance de la Russie. Les services de renseignement américains ont signalé que, depuis le milieu de l’année dernière, Managua négociait avec une société chinoise la réalisation d’études en vue de la construction d’un port en eau profonde à Bluefields, sur la côte caraïbe du pays, ce qui pourrait permettre à Managua de diversifier ses relations en matière de défense en s’affranchissant de sa dépendance à l’égard de la Russie.
Bilan : diplomates frustrés et alliés espionnés.
Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Jean-Patrick Grumberg pour Dreuz.info.
Henry Kissinger à ecrit ou dit:
« Etre un ennemie de l’Amerique peut être dangereux, mais être un ami est fatal » et l’épqoque que nous vivons sous l’ère Biden semble donner raison à Henry Kissinger. tout fout le camp dans ce pays, vite Trump.