
La violente attaque de l’ambassade de Russie à Bogotá contre La W Radio est une mauvaise nouvelle pour la liberté de la presse, d’information et d’opinion en Colombie.
L’ambassade de Russie a attaqué sans justification La W en disant qu’une interview réalisée par cet important média était « extrémiste » et en accusant cette radio de confondre liberté d’opinion avec « le flirt avec l’idéologie du terrorisme » (sic).
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Le silence du président Gustavo Petro à cet égard suggère que l’acte de ces diplomates contre La W ne dérange pas vraiment le Palacio de Nariño. Heureusement, le ministre des Affaires étrangères, Álvaro Leyva Durán, a rappelé au moins les normes constitutionnelles et légales qui protègent l’activité journalistique et la liberté d’information et d’opinion en Colombie.
Il faut signaler que les responsables de La W et de l’Association ibéro-américaine de la presse indépendante (Aipicol), ainsi que d’autres personnalités, ont repoussé l’attaque de l’ambassade russe. Aipicol a catégoriquement rejeté « l’ingérence indue de l’ambassade de Russie en Colombie contre le travail journalistique de Julio Sánchez Cristo et des [autres] journalistes de La W Radio Colombia ».
L’ambassade de Russie exige de « condamner activement les idées extrémistes promues » par l’interview. Cette demande est grotesque. Quelle autorité morale cette ambassade peut-elle avoir pour exiger un tel geste ? Ne représente-t-elle pas le gouvernement russe qui a envahi l’Ukraine le 24 février 2022 et qui mène une guerre d’extermination contre la population civile de ce pays depuis 2014 et entend également renverser les autorités démocratiquement élues et annexer de force toute l’Ukraine ?
Le 24 mai dernier, La W avait interviewé par téléphone Ilya Ponomarev, député à la Douma russe en 2007, farouche opposant à Vladimir Poutine et homme d’affaires réfugié en Ukraine depuis 2016. En 2014, Ponomarev était le seul député à la Douma à avoir voté contre l’annexion de la Crimée par la Fédération de Russie. Lorsque Ponomarev s’est rendu en Californie, le Kremlin a annoncé qu’il ne permettrait pas son retour. Depuis lors, Ponomarev est activement recherché par les agents de Poutine. Ponomarev n’a pas voulu fuir aux États-Unis lorsque des véhicules blindés russes ont franchi la frontière ukrainienne. Il a choisi de continuer à combattre le régime russe depuis Kyiv, sa patrie d’adoption. Face aux menaces qu’il reçoit, il communique avec les journalistes par téléphone tard dans la nuit.
« Nous croyons que la guerre en Ukraine est une conséquence directe de toutes les actions de Poutine pour usurper le pouvoir. Par conséquent, nous voulons créer un nouveau pouvoir », déclarait Ponomarev en novembre 2022. En 2012, avec un autre député, Dmitri Gudkov, il avait mené les protestations contre le retour de Poutine au poste de président de la Russie et contre les irrégularités de cette élection.
Le 25 mai, Ponomarev a estimé que l’incursion de soldats russes alliés à l’Ukraine dans la région de Belgorod constitue « le début du processus de libération de la Russie ». « Pour la première fois, a-t-il ajouté, le drapeau de la Russie libre flotte sur les villes et villages russes. »
Dans son dialogue avec les journalistes de La W, Ponomarev a estimé : « Le régime de Moscou va tomber après avoir perdu la guerre contre l’Ukraine ». Concernant l’attaque de Belgorod, l’ancien député a noté que la Légion russe de la liberté agit de manière autonome et n’est pas un instrument des Ukrainiens.
Ce discours anti-Poutine et ces faits sont ceux que l’ambassade russe ne veut pas que propagent les médias colombiens. Pour ces diplomates ces thèses sont « terroristes ». Or, les vrais terroristes sont ceux qui lancent, depuis le territoire russe, des missiles monstrueux contre des hôpitaux, des maternités, des écoles, des théâtres et des gares routières en Ukraine. Ceux qui représentent le pouvoir qui a ordonné la torture et l’assassinat d’une cinquantaine de civils non armés dans la ville martyre de Boutcha, entre le 9 et le 11 mars 2022, d’une balle dans le cou, ne peuvent pas faire de telles requêtes.
Il va sans dire que la lettre de l’ambassade russe inclut un paragraphe qui cherche à convertir la simple description journalistique des atrocités commises par les troupes russes en Ukraine en « idéologies radicales ». La lettre demande au gouvernement colombien d’interdire de telles informations. Il le dit ainsi : « En Colombie, il y a une législation (…) qui vise à prévenir et à combattre la propagation des idéologies radicales (…) et des organisations violentes. » La presse indépendante est-elle des « organisations violentes » ? Nous, journalistes, ne pouvons pas permettre que l’attaque contre La W soit considérée comme un incident passager. Nous devons être conscients que cette lettre contient une exigence liberticide explicite contre laquelle nous devons tous lutter avec détermination, en refusant toute tentative de censure et en évitant toute forme d’autocensure.
Voir le texte de l’ambassade russe à La W Radio : https://www.wradio.com.co/2023/05/26/las-voces-que-rechazan-comunicado-de-rusia-contra-w-radio/
© Eduardo Mackenzie (@eduardomackenz1) pour Dreuz.info. Toute reproduction interdite sans l’autorisation écrite de l’auteur.
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