
La presse internationale n’a pas hésité à présenter comme un document authentique « l’évangile de Barnabé » que les autorités turques avaient annoncé dans le quotidien « Bugün » en 2012 comme la découverte du siècle. Un véritable scoop, puisque soi-disant écrit il y a 2000 ans par un disciple de Jésus, ce qui offrirait une approche tout à fait contraire aux textes bibliques reconnus par l’Eglise.
Pour le Primat de l’Eglise copte orthodoxe Tawadros, il s’agit d’une entreprise d’intoxication menée par des musulmans contre la foi chrétienne, car cet « évangile de Barnabé » est un faux grossier qu’il est facile de démystifier.
Même si l’utilisation de ce texte polémique antichrétien est courante dans certains milieux islamiques, on doit mentionner que le Dr Abbas Mahmoud al Aqqad, professeur à l’Université d’Al Azhar déconseille aux musulmans d’apporter quelque crédit à ce texte qui, selon lui, est aussi nocif pour l’islam que pour les chrétiens. Il précise même : « Personne ne peut croire à la fois à l’évangile de Barnabé et au coran ! Celui qui adhère à cet évangile ne peut être ni un véritable musulman, ni un véritable chrétien ».
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Qu’est-ce que ce prétendu évangile raconte, et de qui est-il le manifeste ?
C’est un ouvrage anonyme qui décrit, dans un style islamo-compatible, la vie de Jésus de Nazareth. Les deux versions les plus anciennes, rédigées en italien et en espagnol, datent de la fin du 16ème s. L’objectif essentiel de ce texte apocryphe est de dire que Jésus a annoncé explicitement la venue de Mahomet ! Des organisations islamiques s’en sont emparées pour argumenter leur prosélytisme, par exemple en reprenant d’anciennes hérésies connues affirmant que Jésus n’est pas mort sur la croix et qu’il n’était pas Fils de Dieu.
En 1734, George Sale déclare dans son « Preliminary discourse of the Koran » : « Les musulmans disposent d’un évangile écrit en arabe, attribué à St Barnabé où l’histoire de Jésus Christ est racontée de manière très différente des évangiles canoniques. Les mahométans l’ont altéré pour servir au mieux leurs objectifs. Au lieu de Paraclet (consolateur) , ils ont inséré dans cet évangile apocryphe le mot Periclyte qui signifie l’illustre, par lequel ils prétendent que leur prophète était nommément annoncé ».
L’auteur britannique se réfère aux deux versions italienne et espagnole. Le manuscrit italien a été offert au prince Eugène de Savoie en 1709 par un conseiller du roi de Prusse. La reliure est turque et le papier italien. Il est à noter que cette version italienne de l’évangile de Barnabé a influencé les premiers intellectuels germaniques se lançant dans la critique biblique, tels Reimarus, Lessing, et Eichhorn. Dans la préface de la version italienne publiée par George Sale, on peut lire qu’un moine italien Fra Marino avait trouvé l’évangile de Barnabé dans la bibliothèque du pape Sixte V. S’emparant du livre, le religieux l’aurait lu avec passion pour finalement se convertir à l’islam…
Quant au manuscrit espagnol, l’original complet a été perdu entre le 18ème et le 19ème s. Existant sous une forme réduite par rapport à la version italienne, la version espagnole recèle une introduction émanant d’un musulman aragonais – Mustafa de Aranda – résidant en Turquie et affirmant l’avoir traduite de l’italien.
Dans les deux cas de figure, le pseudo évangile de Barnabé est une profession de foi musulmane. Il insiste pour affirmer que Jésus n’est qu’un prophète et surtout pas Fils de Dieu. Au chapitre 39, il mentionne la shadada ! Jésus n’a pas été crucifié, quelqu’un d’autre a été cloué sur la croix à sa place, et il est donc monté directement au paradis. Le genre de rédaction du texte fait penser à des documents mauresques produits aux 16ème et 17ème s. Mais la phraséologie imite des expressions de l’auteur italien Dante.
On doit toutefois relever les principales erreurs qui apparaissent dans l’évangile de Barnabé et qui discréditent totalement sa véracité. Tout d’abord, les musulmans prétendent que le livre a été écrit par Barnabé « un des douze apôtres de Jésus ». Or Barnabé n’a jamais fait partie des apôtres dont les noms figurent chez Matthieu et Luc. Barnabé est mentionné après la mort et la résurrection du Christ dans Actes 4,36.
Plus étonnant, le livre apocryphe commence par présenter Jésus de Nazareth : « Dieu nous a visités ces jours passés par son prophète Jésus Christ… » Mais plus loin, on peut lire : « Jésus confessa la vérité et déclara : je ne suis pas le Messie ! » Or Jésus ne peut pas être dénommé Christ et signaler aussitôt qu’il n’est pas le Messie, les deux termes étant équivalents, ce que l’auteur paraît ignorer.
L’apocryphe nous dit que « Hérode et Pilate régnaient sur la Judée ». Pilate ne détenait pas le pouvoir lorsque Jésus est né à Bethléhem, seul Hérode régnait. Hérode et Pilate n’ont pas dirigé le pays des juifs en même temps.
Dans les ch. 20 et 21, le texte dit que « Jésus s’est rendu en bateau à Nazareth pour être accueilli par les marins du village ». Grave erreur géographique, car, Nazareth, situé à 14 km du lac de Galilée, n’a jamais pu être un village de pêcheurs. Un autre passage du texte explique que « les soldats furent poussés hors du temple comme on pousse les tonneaux quand on les lave pour y mettre le vin »… Problème : en Judée on conserve le vin dans des amphores, le tonneau est inconnu…
On comprend mieux pourquoi M. Khalil Saada qui a traduit en arabe l’évangile de Barnabé en 1907 tient à préciser dans son introduction : « tous les historiens sont d’accord pour dire que l’évangile de Barnabé a été rédigé au Moyen Age, plusieurs siècles après Jésus et Mahomet ». En effet, les affirmations du texte apocryphe sont des extravagances, car le coran, comme la bible, enseigne que Jésus est le Messie : « Allah t’annonce la bonne nouvelle de son Verbe, son nom est le Messie Jésus fils de Marie » (coran 3,40).
Mais au premier siècle, « l’épître de Barnabé » (qui ne figure pas dans le Nouveau Testament) présente Jésus, dans le sillage apostolique, comme le Seigneur crucifié et ressuscité.
Les propagandistes islamiques utilisent souvent « l’évangile de Barnabé » pour répéter que Jésus n’a jamais été crucifié et qu’il n’est pas Fils de Dieu. C’est leur argumentaire basique pour dénoncer le christianisme et affirmer que les textes bibliques ont été corrompus par les juifs et les chrétiens. Mais on remarquera qu’aucun auteur musulman ne fait référence à cet « évangile de Barnabé » avant le 16ème s. Pourtant les controverses et les oppositions entre musulmans et chrétiens étaient extrêmement vives du 7ème au 15ème s. Il est donc impensable que les polémistes n’aient pas utilisé cette rhétorique si elle existait.
L’évangile de Barnabé est une fabrication faussaire, dont à l’évidence le style, les erreurs multiples, ne correspondent pas aux écrits du début du christianisme. Il n’échappe à personne que sa logique narrative correspond à l’essentiel de la doxa islamique.
Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Abbé Alain René Arbez, prêtre catholique, commission judéo-catholique de la conférence des évêques suisses et de la fédération suisse des communautés israélites, pour Dreuz.info.
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De toutes façons cher Père ARBEZ, les questions de savoir si, où, comment, pourquoi, la doxa islamique a quelque chance de recueillir des suffrages au sein de la société du 21ème siècle, n’est pas envisageable dans la mesure où les chrétiens ont abandonné la lutte : « le combat cessa faute de combattants » ( Le Cid, Corneille).
De nos jours seuls comptent les enjeux économiques dans les contestations à l’échelle planétaire, et le cri « allah akbar » n’est entendu que comme une éventuelle circonstance atténuante proférée par des ‘idiots utiles’ à une manipulation de l’opinion…
L’Eglise contemporaine doit assumer la lourde charge de faire triompher le message biblique au sein de nos consciences matures car imprégnées de rationalisme.
Merci pour votre exhortation
L’Eglise contemporaine doit assumer… ok oui bon mais pouvez-vous préciser votre vision de ce qu’est l’église contemporaine en dehors des religions ?
Jésus a voulu une Eglise visible, c’est incontestable. L’évangile mentionne des apôtres envoyés et « établis » ou « institués ». Mais il a aussi fait comprendre que ses frontières sont invisibles.
L’utilisation du terme « religion » dans une acception uniquement péjorative ne répond pas aux réalités. Certes les membres de l’Eglise sainte sont humains et faillibles, mais sa mission est indispensable, même si l’Institution ecclésiale n’est pas là pour s’annoncer elle-même mais guider vers le Royaume de Dieu. Il n’y a qu’un seul chef, c’est le Christ.
En effet il y a un seul chef et quand ce chef dit vous êtes la lumière du monde le sel de la terre il ne s’adresse pas à des institutions inexistantes à ce moment là mais à ceux qui sont devenus ses disciples non ?
Comment faire un disciple aujourd’hui ?
Faites de moi un disciple svp
Les dix commandements sont écrit sur la pierre et Jésus utilise des vases de pierre servant à la purification des juifs pour faire un premier miracle. Cette symbolique de la purification devient la base de foi pour un disciple.
A partir du moment où Jésus a constitué une équipe fidèle à son enseignement et qu’il a « institué » (c’est ce que dit l’évangile) des missionnaires du Royaume, le défi est lancé. Le développement et l’organisation suivra en fonction des besoins. Les liturgies et les sacrements s’adapteront et seront gérés par des ministres. Dès le départ, l’Eglise, la qehila, n’a pas été un ectoplasme mais s’est mise en route avec des responsables et s’est structurée…