Publié par Abbé Alain René Arbez le 27 mai 2023

Nous vivons sur la base d’un calendrier où subsistent, en raison de l’histoire, (mais est-ce encore pour longtemps ?) des fêtes issues de la tradition judéo-chrétienne qui a structuré culturellement nos pays occidentaux depuis des siècles et des siècles.

Ces fêtes ont rythmé la vie des familles et des peuples mais la nouvelle configuration sociétale en cours, liée essentiellement à l’immigration islamique et à ses exigences grandissantes, accélère l’érosion de ces repères multiséculaires, avec l’acharnement sélectif des antireligieux et des politiciens complices. Sans oublier le déferlement de la culture woke qui impose ses marques.

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Il y a évidemment plusieurs manières d’interpréter la laïcité, et il est affligeant de constater que pour certains professionnels du pouvoir prêts aux compromissions, il s’agit de niveler et d’uniformiser par le bas. Cependant, viser le plus petit dénominateur commun en matière de spiritualité relève davantage du laïcisme anti chrétien que de la laïcité, et c’est aussi une insulte aux générations à venir.

La promotion intentionnelle des arts et de la culture exogène se réalise à travers des expositions ou la réalisation dispendieuse de musées éclectiques. Ainsi s’affiche le rejet de ce qui a séculairement forgé l’âme des cultures d’Occident : leur terreau créatif pour toutes les formes d’art. Pourtant, ces traditions festives, comme supports et repères spirituels collectifs, ont encadré durant des siècles un humanisme inventif dans de nombreux domaines (et que nombre d’intellectuels post-modernes présentent comme des symboles de l’obscurantisme).

Certes, la Bible reste un best-seller mondial, mais est-elle vraiment lue, et comprise ? En Occident, en tout cas, la culture religieuse de base du grand public s’est effondrée. N’ayant plus le loisir de contempler les sculptures des chapiteaux ou les lumineux vitraux des cathédrales, le citoyen lambda ne sait plus rien des personnages bibliques ni même des fêtes religieuses juives ou chrétiennes qui articulent l’agenda de ses congés annuels. Il n’est pas étonnant que des militants laïcistes proposent de les supprimer du calendrier…

A une fillette à qui l’institutrice demande ce qu’est le carême, celle-ci répond : « c’est le ramadan pour les chrétiens ! ». Un enfant qui visite une église romane avec sa classe s’arrête devant une statue de la Vierge et demande à son professeur : « C’est qui, la dame avec le bébé ? ». L’homme de la rue connaît la rupture du jeûne musulman, (souvent instrumentalisé par les politiciens) mais pas le sens du jeûne pour le carême des catholiques.

La Bible et les fêtes religieuses qui découlent de cette tradition plurimillénaire ne sont pourtant pas que des particularismes juifs ou chrétiens de type communautariste. Véhiculés au cours des siècles par les Communautés israélites et les Eglises, ce sont des marqueurs de mémoire de l’histoire commune, ainsi que des vecteurs essentiels transmis pour le développement personnel et culturel.

Par exemple, la Bible hébraïque offre un puissant écho aux découvertes et aux avancées de nos lointains ancêtres. Lorsque dans l’Orient ancien les groupes humains dits primitifs ont passé de la cueillette à l’agriculture, et de la chasse à l’élevage, des étapes de civilisation décisives ont été franchies. Le nomadisme et la sédentarisation ne se sont pas annulés et ont évolué vers une nouvelle organisation, avec des règles de vie sociale. Les pratiques religieuses de sacrifice (avec les premières gerbes de blé ou les premiers agneaux dans l’Israël antique) témoignent du passage d’un culte de la « nature » à la prise de conscience d’une « histoire » guidée par Dieu et donc fruit de comportements humains évalués par une Loi transcendante. Les liturgies juives et chrétiennes reflètent ces prises de conscience fondamentales. Et cette humanisation s’est opérée par l’approfondissement de la présence d’un Dieu qui appelle à une relation d’alliance ouvrant ainsi des perspectives d’avenir. Un Dieu « ami des hommes », au contraire des divinités courantes  à l’époque, et qui offre une éthique commune à un peuple pouvant s’identifier à travers une charte interactive. Les dix paroles du Sinaï incitent à honorer Dieu sans oublier de respecter le prochain, surtout les plus faibles, la veuve et l’orphelin, et l’étranger de passage.

La Pentecôte juive (shavouot) est l’expression, remaniée après le retour d’exil, de ces très anciennes traditions, réactivées par une connexion à la Pâque libératrice (sortie d’Egypte) et à la Torah, code de vie communautaire. Pentecôte (du grec pentekostè) veut dire cinquante. Parce que précisément le Deutéronome dit : « Tu compteras sept semaines à partir du commencement de la moisson…Tu célébreras la fête des Semaines pour le Seigneur ton Dieu… »

Le rabbi Yeshua (Jésus) a célébré en famille puis avec ses disciples ce pèlerinage de Shavouot à Jérusalem, qui rassemblait des foules venues de toute la diaspora. La fête célébrait en Yahvé le Dieu créateur qui bénit son peuple par les moissons et les agneaux, mais aussi celui qui libère des servitudes et offre les mitsvot, les commandements, dans le but de guider la nation sacerdotale vers la sainteté. La notion d’histoire en tant que responsabilité collective naît de cette vision d’avenir diamétralement opposée au fatalisme et la prise de conscience du salut universel est née de ces célébrations.

Le lien entre les moissons et la Torah était très présent dans l’enseignement de Jésus. Il a souvent invité ses coéquipiers à « prier le Maître de la Moisson d’envoyer des ouvriers pour y travailler… ». La « moisson » en question semblait urgente, car elle avait pris peu à peu, vu les éprouvantes circonstances historiques en Eretz Israel, un sens symbolique et apocalyptique, une évocation des derniers temps où tout devrait changer par l’intervention de Dieu et de son Messie.

Le « Maître de la Moisson » suggère l’image du jugement dernier, où Dieu recueille avec soin toutes les belles actions des hommes dans le monde pour en faire des gerbes de lumière à engranger dans ses greniers éternels. Après le olam ha zè se profile l’étape du olam haba

« Shema, Israël ! Ecoute Israël, le Seigneur ton Dieu est l’Unique ». Il est vrai que l’homme ne vit pas seulement de pain, mais aussi d’une Parole de vie. Jésus croyait à ces germinations spirituelles de la sagesse biblique dans la conscience des hommes en recherche de vérité. On comprend pourquoi, avec cette perspective d’une moisson généreuse, il comparait sa propre destinée à celle du grain de blé discrètement mort en terre pour donner cent fois plus de fruit visible de tous.

L’ensemencement des cœurs par la Torah et l’idéal des béatitudes se sont perpétués jusqu’à nos jours. Dieu est invisible, il est Esprit, on ne sait ni d’où il vient, ni où il va, mais il est présence agissante.  C’est la Ruah HaKodesh dont nulle institution humaine ne saurait limiter la liberté d’inspiration et de mouvement.

Les premières communautés juives ayant opté pour Jésus et son message réformateur n’ont pas  eu de difficulté à faire le lien entre la Pentecôte de leurs ancêtres – fête des moissons et accueil de la Torah – avec la dimension pascale de mort et de résurrection du Maître : victoire de l’amour sur l’injustice, de la vie sur la mort, et don de l’Esprit au-delà des clivages précédents.

Ezekiel avait annoncé aux exilés de retour à Jérusalem le projet de Dieu: « Je mettrai ma Loi dans vos cœurs ». La relation à la Torah ne serait pas extérieure mais intérieure à chaque croyant, comme l’affirmait Jérémie. Le but de la Torah étant de conduire à l’alliance, l’union avec le Dieu unique. C’est ce que les apôtres de Jésus ont expérimenté, dans l’Esprit, lors d’une Pentecôte où tous les participants qui entendaient le message évangélique le comprenaient dans leur culture spécifique et y adhéraient avec enthousiasme.

Si Jésus avait préparé ses disciples à son départ de ce monde, c’était pour les initier au fait que sa présence ne serait plus  perceptible avec les yeux de la chair, mais seulement avec les yeux de la foi. Et tout ce flux d’amour qui le reliait au Père serait toujours agissant en eux.

Il y a dans l’Ecriture Sainte d’autres exemples de ce passage de relais. Ainsi après la mort de Moïse, Josué prend la responsabilité de conduire le peuple vers la Terre promise. Lorsque Elie est enlevé au ciel dans un char de feu, Elisée son disciple reçoit son esprit pour assurer la suite. Dans l’évangile de Jean, nous voyons Jean le Baptiste désigner comme Agneau de Dieu celui qui poursuivra son action de préparation aux temps nouveaux, tout en précisant qu’il est plus grand que lui…

Dans le même évangile de Jean, compilation de réflexions théologiques déjà élaborées u cours du 1er siècle, on peut lire que le même Jean Baptiste s’écrie lors du baptême de Jésus dans le Jourdain : « J’ai vu l’Esprit descendre du ciel comme une colombe ».

Il est vrai que dans l’iconographie, la colombe est souvent la représentation de l’Esprit Saint. Cela n’est pas dû au hasard, puisque dans le livre de la Genèse, c’est la colombe qui vient annoncer la fin du déluge et le départ d’une nouvelle création. Ce message de paix universelle est symbolisé par le rameau d’olivier (récupéré ensuite par les organisations onusiennes). Mais la colombe exprime aussi le fait que l’Esprit de Dieu est discret. Il murmure au coeur de tout être humain, il ne s’impose pas, il n’entre pas à l’intime de chacun par effraction. C’est la douceur et la paix d’une relation personnalisée avec Dieu.

La Pentecôte juive et la Pentecôte chrétienne ont chacune – dans leur parenté différenciée – des valeurs de vie intérieure et de prise de conscience à transmettre. Tout comme Yom Kippour, Hanoukka, Pessah, Shavouot, ainsi que Noël, Pâques et Pentecôte, dont le sens est interactif.

Alors que la réalité des racines judéo-chrétiennes de nos pays est officiellement niée et rejetée dans les instances européennes, qui saura exiger des décideurs la nécessité d’inclure dans leur laïcité la place légitime qui revient aux traditions religieuses ancestrales de nos sociétés ? En revanche, le Conseil de l’Europe, sensible aux lobbys islamiques, vient de recommander aux pays de l’Union de valoriser l’apport de l’islam dans la civilisation du vieux continent…

Il faut bien reconnaître que, subsistant encore tant bien que mal dans les processus de nivellement en cours, la dimension de la spiritualité judéo-chrétienne exprimée par les fêtes est bien souvent la seule et dernière réserve d’oxygène mémoriel.

Cette mémoire vivante de notre civilisation est vitale pour résister aux idéologies conquérantes et affronter les menaces qui, par le jeu des complaisances et compromissions, s’accumulent sur nos têtes et sur le devenir des jeunes générations montantes.

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Abbé Alain René Arbez, prêtre catholique, commission judéo-catholique de la conférence des évêques suisses et de la fédération suisse des communautés israélites, pour Dreuz.info.

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