La question qui revient presque mécaniquement avant et après les élections : “comment votent les Juifs américains”. Et les musulmans alors ? C’est l’objet de cet article.

Il y a vingt ans, avant les élections de 2004, l’Institut arabo-américain (AAI) a organisé un forum présidentiel auquel ont participé les huit principaux candidats. Avant de prendre la parole, l’un d’entre eux, alors en tête des sondages, a déclaré à l’un des organisateurs :

“Voici ce que je vais faire. Je vais commencer par parler de l’emploi, des soins de santé, de la sécurité sociale et de l’Education. Ensuite, je parlerai des problèmes de votre communauté.”

Ce dernier lui a répondu :

“Avec tout le respect que je vous dois, monsieur, les Arabo-Américains ont certes besoin de bons emplois, ils tombent malades, ils vieillissent comme tout le monde, et ils veulent que leurs enfants reçoivent une éducation de qualité. Ce sont en effet nos problèmes. Mais si par “problèmes de ma communauté” vous entendez la guerre en Irak et la paix israélo-palestinienne, alors je vous réponds que ce sont des problèmes qui concernent tous les Américains, et pas seulement les Arabo-Américains”.

Contrairement à ce que vous connaissez en Europe, une part significative des Arabo-Américains sont patriotes, aiment et défendent les institutions américaines.

Avant la présidentielle de 2024, l’AAI a commandé un sondage, comme elle le fait depuis 30 ans, afin de mieux comprendre comment les Arabo-Américains voteront et ce qui motivera leur vote. Notons que la communauté est sur-représentée, et possède donc une puissance significative dans plusieurs États clés qui décident des élections – ces Etats qui certaines fois votent Démocrate, d’autres Républicain, contrairement à ceux qui votent de manière certaine et régulière toujours pour le même camp.

Alors que la culture musulmane rejette à peu près tous les thèmes favoris de la gauche (mariage homosexuel, LGB, avortement, interdiction des armes à feu), les résultats du sondage montrent que les Arabo-Américains soutiennent plus des politiques de gauche que conservatrices, notamment en raison des aides financières, qui aident à oublier les aspects sociaux qui les choquent et auxquels ils ne se plient pas. Bien que les deux partis perdent du terrain, auprès des Arabo-Américains, une majorité de la communauté préférera les Démocrates aux Républicains lorsqu’il s’agira de choisir un président et des membres du Congrès.

Il ressort également des résultats que, malgré la complexité et la diversité de la communauté, il existe des points communs qui l’unissent en tant que groupe d’intérêt partageant les mêmes préoccupations.

Répartition démographique de la communauté arabo-américaine

• Bien que la plupart d’entre eux soient originaires du Liban ou de Syrie, les Arabo-Américains sont de plus en plus souvent originaires de pays du monde arabe.
• La majorité des plus de trois millions et demi d’Américains arabes sont des descendants de la première vague d’immigrants arrivés aux États-Unis avant et peu après la Première Guerre mondiale.
• La communauté s’est enrichie au cours des dernières décennies d’un afflux de nouveaux immigrants venus de toute l’Afrique du Nord et de l’Irak.
• La majorité des Arabes sont chrétiens, ils ont fui l’enfer de la discrimination, et le suprématisme des pays musulmans.
• Plus d’un tiers sont musulmans.

Malgré cette diversité, il existe de nombreux domaines dans lesquels les attitudes sont partagées par tous les principaux groupes démographiques.

• Une majorité de personnes interrogées déclare avoir été victimes de discrimination en raison de leur faciès, et cela est vrai pour tous les sous-groupes d’Arabo-Américains.
• Quatre personnes sur cinq continuent de se déclarer profondément fières de leur appartenance ethnique et de leur héritage.
• La majorité des personnes interrogées se définissent comme des “Américains d’origine arabe”.

Deux fois plus de Démocrates que de Républicains

Les Arabo-Américains ont réagi négativement aux politiques de l’administration Bush après le 11 septembre, et le résultat est que le pourcentage des membres de la communauté qui s’identifient comme Démocrates est presque le double de ceux qui s’identifient comme Républicains (40 %-24 %).

Cependant, les changements les plus importants cette année sont :

• la baisse des Démocrates par rapport aux cinquante pour cent des années Obama,
• la croissance constante de ceux qui se disent indépendants, passant de 15 % en 2014 à 28 % cette année.
• Presque quatre Américains arabes sur cinq se disent préoccupés par la polarisation politique aux États-Unis aujourd’hui,
• Près de la moitié de la communauté blâment les deux partis pour ce problème.

Rejet fort de Joe Biden

• Les Arabo-Américains accordent au président Joseph Biden un taux d’approbation professionnelle bien plus faible que la moyenne des Américains (31 % contre 37 % en moyenne).
• Etrangement, 47 % d’Arabo-Américains déclarent avoir une opinion favorable de Biden (jusqu’à ce jour, aucun de mes amis Démocrate n’a été capable de me citer un seul exemple de ce que Biden a accompli de positif pour les Américains en trois ans)
• Ils sont nettement plus élevés à avoir une opinion favorable de Biden que de Trump (47 % contre 36 % qui ont une opinion favorable de l’ancien président Donald Trump). Evidemment, Trump est un grand ami d’Israël, seul pays au monde où son taux d’approbation est extrêmement élevé.
• Malgré leur inquiétude face à la polarisation partisane, les Arabo-Américains déclarent préférer que les Démocrates contrôlent le Congrès, dans une proportion de 53 % contre 30 %.

En ce qui concerne les questions intérieures, les Arabo-Américains font preuve d’un mélange de préoccupations politiques de gauche et centristes.

• De loin, ils déclarent que le problème le plus important pour eux est la violence des armes à feu.
• En eux, les questions telles que la nécessité de s’attaquer au déficit budgétaire et aux dépenses publiques, de créer des emplois et de faire croître l’économie, ainsi que les préoccupations liées à l’environnement et au changement climatique.
• L’amélioration des soins de santé, les relations interraciales et la protection de la sécurité sociale et de l’assurance-maladie figurent également en bonne place.

En ce qui concerne leurs principales préoccupations en matière de politique étrangère,

trois questions sont étroitement liées et sont partagées par près de trois quarts des personnes interrogées, toutes catégories démographiques confondues :

• la crise au Liban,
• les besoins humanitaires du peuple syrien et
• bien entendu, les Palestiniens.

Position des Arabo-Américains concernant les lois des Etats interdisant le boycott d’Israël ou la liberté d’expression

A la question : “dans quelle mesure êtes-vous préoccupé par les lois ou les décrets des États qui pénalisent les individus, les groupes ou les entreprises qui s’engagent dans des activités de boycott d’Israël”,

• plus de quatre personnes sur cinq ont répondu qu’elles étaient préoccupées.
• Les trois quarts d’entre eux sont également préoccupés par les efforts déployés par les conseils scolaires pour interdire les livres traitant de l’histoire des Noirs et des LGBTQ.

Au final, la communauté Américaine d’origine arabe est plus à gauche et plus tolérante que la moyenne de la population américaine. Dans le même temps, ils sont également plus opposés aux opinions extrêmes qui divisent le pays.

Et ces attitudes se retrouvent parmi les différents groupes démographiques qui composent la communauté arabo-américaine : âge, sexe, chrétien/musulman, immigré/natif et pays d’origine.

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