Publié par Abbé Alain René Arbez le 4 juin 2023

Cette courte recension n’a pas pour but d’inciter à la conversion des juifs ! En général, ceux qui font du prosélytisme sont des chrétiens, peu enclins à reconnaître la permanence de l’alliance entre le Dieu d’Israël et son peuple. L’Eglise catholique a exprimé sa conviction que les juifs ont dans leur tradition tous les moyens de salut. « Tout Israël sera sauvé ! » clame Shaoul de Tarse dans son épître aux Romains. 

Ici, il s’agit de juifs éminents qui désirent rapatrier Jésus dans la tradition hébraïque, car ils le voient comme une figure marquante du courant judaïque apocalyptique qui se développe au 1er s.  Cette prise en compte culturelle est utile au dialogue entre chrétiens et juifs, à la fois dans l’estimation positive de ce qui unit les deux traditions issues des mêmes sources, et aussi dans le respect des spécificités réciproques. 

C’est dans cet esprit qu’Albert Einstein écrivait en 1929 : « Personne ne peut lire les évangiles sans ressentir la présence réelle de Jésus » !

  • Heinrich Graetz, né en 1817 en Poznanie (Pologne actuellement) obtient son doctorat à l’Université d’Iéna. D’abord directeur de l’Ecole juive de Breslau (Wroclaw) il enseigne ensuite l’histoire au séminaire théologique et fonde le mouvement massorti. Son ouvrage majeur « L’histoire juive » est traduit dans diverses langues et suscite un grand intérêt dans le monde entier. En 1872, H. Graetz se rend en Palestine mandataire pour étudier sur les sites bibliques.  Dans ses recherches, H. Graetz affirme que l’identité juive de Jésus est incontestable. Les enseignements de Jésus trouvent selon lui leur fondement dans la bible juive et la littérature prophétique. Si les sources du christianisme ne permettent pas de lui accorder une originalité absolue, Jésus est néanmoins un maître réellement inspiré, et ses enseignements sont d’une grande portée spirituelle. 

Devenez “lecteur premium”, pour avoir accès à une navigation sans publicité, et nous soutenir financièrement pour continuer de défendre vos idées !

En tant que lecteur premium, vous pouvez également participer à la discussion et publier des commentaires.

Montant libre







Voici comment H. Graetz décrit le tournant qui a fait émerger le christianisme en Judée :

« A cette époque où la Judée tremblait encore sous la menace de nouveaux coups et pouvait craindre à tout moment le retour de nouvelles calamités publiques, il surgit un météore, si insignifiant à son début qu’il fut à peine remarqué, mais qui devait plus tard, les circonstances aidant, jeter des lueurs brillantes et laisser des traces lumineuses dans l’histoire de l’humanité. C’est que le temps était venu où les vérités fondamentales du judaïsme, enveloppées dans un système d’observances, de lois et d’institutions dont quelques hommes d’élite comprenaient seuls la signification et la valeur, devaient se dégager de tout lien et se manifester librement pour s’introduire dans le monde païen et pénétrer l’humanité entière. Les sublimes pensées dont le judaïsme est la source abondante et qui ont pour but dernier la sanctification de la vie individuelle et sociale, devaient enfin déborder et remplir les sociétés païennes, vides de toute croyance moralisante. Israël, chargé d’enseigner aux peuples les voies de la Providence, devait sérieusement commencer sa mission universelle. Mais cette antique doctrine d’une vie deux fois sainte, devait, pour ouvrir les cœurs et les esprits, pour trouver accès dans un monde qui avait presque perdu le sens moral et religieux, prendre de nouveaux noms et revêtir de nouvelles formes. 

  • G. Friedlander s’intéresse au Sermon sur la Montagne. Avec des arguments clairs, il répond en 1911 aux théologiens chrétiens qui affirmaient que ce texte est absolument supérieur à l’enseignement traditionnel des sages d’Israël. Il écrit : 

« nous devons comparer les enseignements du Sermon sur la Montagne non seulement avec l’Ancien testament et avec les gloses rabbiniques conservées dans la Mishna, la Tosefta, la Guemara, les Midrashim et les Targoumim, mais également avec la littérature judéo-hellénistique, laquelle inclut la Septante et les écrits apocryphes. Sans cette littérature, le Nouveau testament n’aurait jamais été écrit ! »

  • Quant à Claude Montefiore, il définit les caractéristiques de Jésus qui, selon lui, s’apparentent à un enseignement illustré par une demande éthique extrême et un idéalisme passionnant. C’est une éthique de l’action. Son enseignement est vecteur d’une double éthique : une très haute exigence pour soi, de pair avec une très haute exigence pour autrui. Son analyse de l’éthique de Jésus l’amène à penser qu’il voulait accomplir la loi sans ériger une nouvelle halakha. Il puisait ses sources dans l’eschatologie juive du Royaume à venir. 
  • Joseph Klausner est né en Lithuanie en 1874 mais a grandi et étudié à Odessa. Sioniste convaincu, il fréquente Théodore Herzl, et il rejoint la Palestine mandataire en 1919, où il enseigne l’histoire d’Israël – en particulier la période du second temple – à l’Université hébraïque de Jérusalem.

    En 1929, lors des révoltes arabes, sa maison est attaquée et sa bibliothèque est détruite par des incendiaires musulmans. A la suite de son doctorat en histoire soutenu en Allemagne, Joseph Klausner écrit un livre aux informations très fouillées qui cernent la personne de Jésus. Un prêtre anglican de Terre Sainte, touché par cette démarche le traduit en anglais. Son « Jésus de Nazareth » qui le rend célèbre présente le prédicateur galiléen comme un juif fervent et réformateur. Il écrit : 

« Il y a dans le code éthique de Jésus une sublimité, une spécificité et une originalité dans la forme, qui n’ont de parallèles dans aucun autre code éthique hébreu ». (1925)

 Joseph Klausner désire donner une approche la plus authentique possible de la doctrine de Jésus dans la conjoncture qui est celle du Second Temple. Il écrit au sujet de l’environnement culturel et cultuel qui a marqué le Nazaréen :

« Cette beauté majestueuse inspirait le respect et la crainte et elle n’a pas manqué sans doute d’exercer son influence sur Jésus sans qu’il en eût conscience… Des récits assez tardifs nous racontent que Jésus s’isolait dans la montagne, sous le ciel parsemé d’étoiles, passant la nuit en prières, prières qui s’accompagnaient certainement d’examen et de méditations sur l’homme et l’univers. C’est ainsi que se forma sa jeune âme, inquiète de son père céleste. Il pensait aux souffrances de l’âme humaine et au royaume des cieux, ce Royaume qui n’était pas de ce monde… »

  • David Flusser, né à Vienne en 1917, passe sa jeunesse en Tchécoslovaquie et fréquente l’Université de Prague. Ses échanges avec un pasteur protestant éveille en lui un intérêt particulier pour approfondir la judéité de Jésus et comprendre ce qui a conceptualisé la foi chrétienne. En 1939, il émigre en Palestine mandataire et termine son doctorat en sciences des religions à l’Université hébraïque de Jérusalem en 1957. Il forme des chercheurs dans le département d’études comparatives des religions. 

    David Flusser est un juif orthodoxe qui connaît parfaitement la Torah ainsi que les manuscrits de la mer morte. Il approfondit par l’étude la racine juive du christianisme, cherchant à retrouver le Jésus historique au-delà des formules conventionnelles des milieux chrétiens. Son travail l’amène à reconnaître Jésus comme un juif authentique.

    Le professeur Satran, un de ses collègues à l’Université hébraïque et bon connaisseur de ses travaux déclare à son sujet : «Le professeur Flusser était assez remarquable par sa forte insistance sur le fait que non seulement Jésus a été un juif de sa naissance à sa mort, mais qu’il n’a rien fait qui pourrait être interprété comme une révolte contre les principes fondamentaux du judaïsme à cette époque ». En effet, David Flusser considérait Jésus comme un tsadik avec des vues spirituelles profondes. Il retrouvait en lui des expressions semblables à celles d’Hillel dans le talmud ou à celles du Maître de Justice dans les manuscrits de la mer morte. 

Au moment du jugement d’Eichmann, David Flusser déclare au Jerusalem Post : 

« Je ne sais pas qui est le dieu au nom duquel Eichmann a juré. Mais je suis certain que ce n’est ni le Dieu d’Israël, ni le Dieu de l’Eglise chrétienne. Il devrait maintenant devenir clair aux juifs qui s’opposent le plus au christianisme que le plus grand crime contre notre peuple n’a pas été commis au nom de la foi chrétienne ». 

Il publie son livre « Jésus » en 1965 dont l’édition a été actualisée en 1998, deux ans avant sa mort.

  • Shalom Ben Chorin (1983)

« Le judaïsme pharisaïque du temps de Jésus est marqué par deux grandes écoles, Hillel et Shammaï, qui ont contribué à donner sa forme définitive à la Halakha. Je n’hésite pas à dire que je considère Jésus de Nazareth comme une troisième autorité à placer aux côtés des interprétations de Hillel et de Shammaï. Il me semble en effet qu’une tendance particulière se fait jour dans l’interprétation de Jésus : il s’agit de l’intériorisation de la Loi, où l’amour devient l’élément décisif et moteur ».

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Abbé Alain René Arbez, prêtre catholique, commission judéo-catholique de la conférence des évêques suisses et de la fédération suisse des communautés israélites, pour Dreuz.info.

Inscrivez-vous gratuitement pour recevoir chaque jour notre newsletter dans votre boîte de réception

Si vous êtes chez Orange, Wanadoo, Free etc, ils bloquent notre newsletter. Prenez un compte chez Protonmail, qui protège votre anonymat

Dreuz ne spam pas ! Votre adresse email n'est ni vendue, louée ou confiée à quiconque. L'inscription est gratuite et ouverte à tous