
Mardi, à l’Institut historique allemand de Varsovie, le professeur Jan Grabowski a donné une conférence intitulée “Le problème polonais (croissant) avec l’histoire de l’Holocauste”.
L’argument central de sa conférence – le problème de la Pologne avec sa responsabilité dans l’Holocauste – n’aurait hélas pas pu trouver une meilleure illustration de sa justesse : le politicien confédéré Grzegorz Braun a interrompu la conférence de l’historien et a hurlé : “Ça suffit. Sortez de Pologne !” en lui arrachant son système de sonorisation et brisant le micro du professeur.
Braun a envahi la conférence du professeur Jan Grabowski, l’un des plus grands et plus célèbres chercheurs polonais sur l’Holocauste. Il est monté sur le podium, a détruit le microphone du conférencier, renversé le matériel de sonorisation, insulté les hôtes de la réunion et le professeur. Braun a provoqué l’interruption de la conférence de l’historien et a crié : “Ça suffit. Sortez de Pologne !”
“Ce micro aurait tout aussi bien pu être brisé sur ma tête. Je me sentais comme dans la Pologne des années 1930. Rien de tel ne m’est jamais arrivé”, a déclaré plus tard M. Grabowski dans une interview accordée à “Gazeta Wyborcza”.
On peut dire que Braun a obtenu un “succès” : la conférence a été interrompue.
La police a été appelée sur place, ce qui n’a pas calmé l’ambiance.
“Partez ! Dégagez ! Allez-vous en de Pologne ! Sortez de Varsovie. Sors de Varsovie, provocateur ! Impudent provocateur, quelle impudence !”, hurla encore le politicien confédéré au professeur.
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Plus tard, l’homme politique a déclaré que “les Allemands n’enseigneront pas aux Polonais l’histoire de la Seconde Guerre mondiale”.
Il a déclaré, pour justifier son acte qui à lui seul confirme la thèse du professeur :
“J’ai agi dans un état de nécessité supérieure, parce que je considère qu’il est nécessaire de mettre fin à ce type de provocations contre la nation polonaise, quand une personne notoirement connue pour sa propagande historique anti-polonaise, malhonnête et contrefactuelle, décide de faire un récit dans lequel, comme d’habitude dans ses œuvres, les patriotes polonais sont considérés comme des méchants. Et je ne vais pas écouter passivement”, a-t-il déclaré.
Le président de Yad Vashem, Dani Dayan, a réagit à l’agression et déclaré dans un communiqué :
“Cet incident représente un nouveau coup bas dans les tentatives d’étouffer toute discussion sur la complicité des Polonais dans la persécution et l’assassinat de leurs voisins juifs pendant l’Holocauste. Cet acte de vandalisme est plus qu’une ignoble attaque contre un universitaire de renommée internationale. Il s’agit d’une atteinte à la liberté académique, aux archives historiques et à la mémoire de l’Holocauste”.
Dans une société aussi profondément divisée politiquement que la Pologne, la falsification de l’histoire de l’extermination des Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale est devenue “l’un des rares domaines” où un “compromis permanent” a été achevé.
Complicité de Wikipedia
Ces dernières années, les domaines “traditionnels” d’attaque de l’histoire de l’Holocauste par la Pologne, tels que les menaces et la censure des articles de recherche, des livres, des journalistes ou des musées, ont été rejoints par des activistes numériques, principalement sur Wikipédia.
Shira Klein, professeur agrégé d’histoire à l’université Chapman, et Jan Grabowski, professeur d’histoire à l’université d’Ottawa, ont uni leurs efforts pour documenter la manière dont les nationalistes polonais ont pris le contrôle de la couverture par Wikipédia de l’histoire de l’extermination des Juifs en Pologne, en modifiant les documents pour glorifier l’héroïsme polonais et minimiser l’antisémitisme et la coopération avec les nazis.
“Il faut un effort herculéen pour contrer les récits trompeurs, et la fondation Wikimedia … doit prendre des mesures décisives pour défendre l’exactitude historique et sa propre réputation en tant que pourvoyeur de vérité”, affirment M. Klein et M. Grabowski.
“Défier les déformateurs demande un temps monumental, plus que ce que la plupart des gens peuvent investir dans un passe-temps volontaire”, écrivent-ils dans “Wikipedia’s Intentional Distortion of the History of the Holocaust“, publié dans le Journal of Holocaust Research.
“Peu de gens peuvent rivaliser avec les centaines d’heures que les rédacteurs de tendance nationaliste consacrent chaque année à Wikipédia.
Au cours de leur année la plus active, Piotrus a effectué 27 423 modifications, suivi par Xx236 (9 966), Volunteer Marek (9 450), MyMoloboaccount (5 598), Poeticbent (4 480) et GizzyCatBella (3 694). Ces chiffres sont stupéfiants si l’on considère que 96 % des rédacteurs de Wikipédia effectuent moins de 1 200 modifications par an”.
https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/25785648.2023.2168939
Quatre distorsions de la responsabilité des Polonais dans l’Holocauste dominent, écrivent les universitaires :
- Un récit de fausse équivalence suggérant que les Polonais et les Juifs ont souffert de la même manière pendant la Seconde Guerre mondiale,
- Un récit de fausse innocence, soutenant que l’antisémitisme polonais était marginal, et que le rôle des Polonais dans le sauvetage des Juifs a été immense,
- Des clichés antisémites insinuant que la plupart des Juifs soutenaient le communisme et conspiraient avec les communistes pour trahir les Polonais, et que les Juifs avides d’argent contrôlaient ou contrôlent toujours la Pologne, et
- L’affirmation que les Juifs portent la responsabilité de leur propre persécution.
Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Jean-Patrick Grumberg pour Dreuz.info.
Il y a déjà longtemps, j’ai visité Auschwitz avec un copain polonais. J’ai eu beau ne faire aucun commentaire, il tenait absolument à me raconter que seuls des patriotes polonais avaient souffert dans le camp, où il y avait eu très peu de juifs. Si, si, je vous assure, sur place. Il faut avoir vu ça pour comprendre vraiment ce qu’est le déni.
Les plus virulents, limite rabiques, antisémites que j’ai eu à subir durant mon enfance étaient Polonais. En France… (dans ma région d’origine, il y a une forte communauté polonaise, descendants des mineurs)
L’ Alsace 😉 ?
Non, le Nord 😉
En vacances, au ski, il y a 2 ans, nous avions sympathisé avec la très sympathique serveuse qui s’occupait de notre table au dîner pendant la semaine. Elle connaissait tellement bien les 3 vallées que j’étais persuadée d’avoir affaire à une fille du pays. Quand je lui ai demandé, en fin de séjour, de quel patelin elle venait, son visage s’est décomposé et elle m’a – péniblement – avoué être polonaise. Face à mon incrédulité devant son désarroi, elle m’a dit qu’elle a pris conscience, en sortant de Pologne, il y a 5 ans, et dans le regard des autres Européens, de sa culpabilité pour Auschwitz et le mal fait aux Juifs. Je n’ai pas su quoi répondre, en vacances et devant les enfants, à une question aussi existentielle pour une fille de 25 ans.
Fleur de Lys, je suis allée en Pologne il y a pas mal de temps, c’est vrai, et je ne sais pas si c’était encore vrai il y a deux ans, mais j’ai constaté que les Polonais ne réagissaient pas comme nous à l’Histoire. Un des premiers trucs demandés par les Polonais qui m’ont alors accueillie en vacances (dès mon arrivée, avant même que je n’aie le temps de défaire ma valise), c’était si je me sentais mal à cause du manque de soutien de la France quand les nazis ont envahi la Pologne. Avec un autre Français qui était là aussi, nous étions très surpris, parce que nous ne nous sentions pas responsables d’événements survenus avant notre naissance. Idem, pour les Polonais, il fallait être catholique afin d’être patriote. Tête ahurie de nous, les Français, pour qui ça n’avait rien à voir. Bref, une autre civilisation. Des années plus tard, si c’est encore vrai, cette jeune fille souffrait sans doute de regards qu’elle croyait accusateurs et qui, en fait, ne l’étaient pas. Vous auriez eu du mal à la consoler.
J’ai le sentiment qu’ils ont une paranaia collective assez bien entretenue, qui vient probablement des nombreuses annexions subies. Ils ont toujours été dépecés par les Prussiens/Allemands ou Russes, avant de disparaître totalement au XVIIIÈME siècle. Une fois indépendants, leur expérience avec la démocratie est très récente.
C’est incroyable de penser que ce pays a vu arriver beaucoup de Juifs depuis le Moyen-Age, persécutés en Europe de l’ouest, et bizarrement, la Pologne était tolérante. La Shoah a été particulièrement cruelle en Pologne étant donné le nombre très important de Juifs présents. Ma seule connaissance du sujet, c’est le film de Martin Grey, vous l’avez peut-être vu. Il est devenu français mais à l’origine, il est juif polonais et a perdu toute sa famille. C’est un film des années 90 je crois. Je l’ai vu au lycée.
J’avais vu le film. En tout cas, mon voyage en Pologne était passionnant : toute une autre façon de penser à seulement deux heures d’avion. Oui, vous avez raison pour la parano liée aux raisons historiques.
Même si on n’est pas d’accord avec les Polonais et leur façon d’être (et je ne parle pas seulement de leur rapport à la Shoah), je trouve intéressant de voir un peuple européen différent. Quand vous voyagez en Europe de l’ouest, vous trouvez des peuples très proches, façonnés par le progressisme, qui se ressemblent beaucoup. La jeunesse Erasmus en est le parfait reflet.
Il n’est peut être pas inutile de rappeler qu’un contentieux est toujours ouvert entre l’Allemagne et la Pologne qui n’a jamais renoncé à réclamer les ‘dommages de guerre’ auxquels lui donneraient droit les exactions du Reich pdt la seconde guerre mondiale…
ce dossier n’est pas étranger aux ‘sanctions’ (voir UVDLeyen) infligées à un pays ‘rebelle à la doxa officielle imposée par l’U.E par exemple en matière de droits humains ou d’organisation du système judiciaire lui valant la qualification de régime ‘illibéral’ (??)
la Pologne et la Turquie, c’est le même combat, le refus de la reconnaissance des crimes commis, l’un contre les juifs, l’autre contre les arméniens (catholiques). Pour ceux qui ont suivi l’Eurovision cette année, la chanteuse représentant Israel, Noa Kirel, d’origine Polonaise a obtenu la meilleur note, 12, de la part de la Pologne, elle a eu à peu pres ces mots, elle était fière de son parcours et une revanche, surtout en souvenir d’une partie de sa famille exterminée dans les camps en Pologne, cela n’a pas du tout plus au gouvernement Polonais qui a invité la jeune chanteuse qui a accepté pour une mise au point, je me demande qu’est ce qu’ils vont bien pouvoir lui raconter ??
Ils vont lui raconter le même récit qui est indiqué à la fin de mon article.
Chez nous, Macron et la gauche nous imputent des crimes imaginaires, en parlant de la colonisation “crime contre l’humanité”, et d’une histoire de France patriarcale, raciste et intrinsèquement toxique. Sur Netflix et ailleurs, on invente des XVIIIème siècles multiraciaux pour mieux déposséder les peuples de leur mémoire et offrir des filiations et une légitimité aux nouveaux arrivants. Je ne connais pas suffisamment bien l’histoire de la Pologne pendant la seconde guerre mondiale pour juger. Je sais principalement que son gouvernement était en exil, le pays démembré, et que des Polonais ont continué à tuer des Juifs même une fois les nazis chassés. Est-ce que ces conférenciés veulent sincèrement que les Polonais aient un regard lucide et dépassionné de leur histoire ou bien la vérité sur le sort des Juifs n’est qu’un pretexte pour plonger la Pologne dans la même haine de soi et de toute forme de patriotisme (sauf en foot), à l’instar des peuples occidentaux ?
Car je ne doute pas de la volonté nette de pousser les peuples européens à la repentance permanente et à la culpabilisation pour justifier l’invasion sans réponse de leurs nations. Aux USA, on sait que la gauche veut faire de la puissance américaine une imposture indigne, réduite à l’esclavage des Noirs et au massacre des Indiens. Par ailleurs, la France, qui ne manque plus un discours sur sa responsabilité dans le Vel d’Hiv, multiplie les votes anti Israël et laisse les mensonges se propager sur ce pays (voir le dernier reportage d’Arte contre les “colons” qui veulent conserver le caractère juif de l’Etat, comme si c’était mal !). Je n’ai pas tous les faits en tête, mais il me semble que la Pologne a une attitude internationale beaucoup moins hostile à Israël. Alors, je pose la question simplement, peut-être cyniquement, ou de manière politicienne : entre les Juifs d’hier et ceux d’aujourd’hui, ne faut-il pas parfois être pragmatique ? Ne me dîtes pas svp, qu’on ne devrait pas choisir, je suis d’accord avec cela d’un point de vue théorique, mais la politique, ce n’est pas si simple.
“Alors, je pose la question simplement, peut-être cyniquement, ou de manière politicienne : entre les Juifs d’hier et ceux d’aujourd’hui, ne faut-il pas parfois être pragmatique ?”
Et pourquoi ne pas être plutôt dans la nuance ?
L’Union Européenne ne fait plus dans la nuance avec la Hongrie ou la Pologne, depuis longtemps.
Quel pays a connu, non pas un, mais plusieurs pogroms, massacres et assassinats planifiés de Juifs après guerre ? Le frère de mon oncle, revenu chez lui en 46, a péri dans le pogrom de Kielce.
Polonais malades de leur antisémitisme, encore augmenté par leur jalousie suite au rapide succès des Juifs après leur émancipation au 19ème siècle, accusations de déïcide, de meurtres rituels, vols et pillages de leurs propriétés…
Les pogroms après la guerre en Pologne
http://www.unlivredusouvenir.fr/pogroms.html
http://www.unlivredusouvenir.fr/pogroms.html
excellente synthèse.
Ces dénis sont d’autant plus déplorables, qu’ils entachent l’autre aspect qu’on finit par oublier : que la résistance polonaise aux Nazis a été prodigieuse, infiniment plus courageuse et organisée qu’en France par exemple.
Voyez Jan Karski (“Mon témoignage devant le monde: Histoire d’un Etat clandestin”, “Story of a Secret State: My Report to the World”, larges extraits sur GBook) et Jan Nowak (“Courrier de Varsovie”, “Courier from Warsaw”).
Voyez aussi la répartition par pays du nombre de Justes parmi les Nations.