
Esprit éclairé, intellectuel engagé aux postures stimulantes, Alain Besançon vient de nous quitter en ce début juillet 2023.
Il est né en 1932 à Paris. Fils d’un professeur de médecine et d’une pharmacienne, il est diplômé de l’Institut d’études politiques de Paris en 1957. Il termine une thèse de doctorat en histoire. De 1951 à 1956, Alain Besançon est membre du Parti communiste français. Il le quitte en 1956, lorsque les troupes soviétiques investissent Budapest. Les révélations des crimes staliniens le révulsent et lui donnent la certitude d’avoir été trompé. Ce sentiment restera un fil conducteur de ses recherches. Il se spécialise dans l’étude approfondie de l’histoire du communisme et de la culture russe. En 1954, Alain Besançon épouse Rebecca Goldstyn, juive française née de parents polonais. Le couple aura quatre enfants.
Attaché de recherches au CNRS de 1960 à 1964, Alain Besançon poursuit sa carrière universitaire à l’Ecole des Hautes Etudes en sciences sociales, dont il sera le directeur dès 1977. Il déploie son enseignement aux USA (Columbia, Rochester, Princeton entre autres) et à Oxford. En 1996, il est élu à l’Académie des sciences morales politiques. Il travaille à la Rédaction des Cahiers du monde russe. Il a beaucoup d’admiration pour le théologien orthodoxe Vladimir Soloviev et pour Soljenytsine.
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En février 1979, Alain Besançon signe la déclaration commune contre les thèses négationnistes de Robert Faurisson. Ancien communiste revenu avec enthousiasme à la foi et à la pratique catholique, Alain Besançon se spécialise dans l’histoire de l’Eglise, sous l’angle des enjeux théologiques. Il étudie minutieusement les résurgences d’hérésies anciennes à l’intérieur de la pensée chrétienne, non sans critiquer la naïveté et le risque de sortie de route de l’institution.
C’est l’objectif de l’un de ses livres publié en 1996 et intitulé : « Trois tentations dans l’Eglise ». Il y aborde avec précision l’impact du socialisme et de l’islam dans l’univers chrétien. Pour lui, le communisme est une religion séculière teintée de manichéisme : d’un côté, le camp du bien dirigé par le parti ; de l’autre, le camp du mal, actionné par le capitalisme, la bourgeoisie et le libéralisme. Il le formule ainsi : « Le communisme est plus pervers que le nazisme car il se sert de l’esprit de justice et de bonté pour diffuser le mal ».
Il développe également dans cet ouvrage une critique approfondie de la posture de l’Eglise envers l’islam. En résumé, il trouve son attitude trop complaisante. Selon lui, une part de cette dérive provient des orientations de Vatican II, en particulier en ce qui concerne l’islam et les musulmans. Il estime qu’en période d’immigration massive de populations islamiques en Europe, l’Eglise flirte avec le statut de dhimmi, une soumission coupable incitant à tout accepter. Il trouve que le prétexte d’antiracisme souvent invoqué pour diluer toute critique de l’islam n’a pas de sens, car l’islam n’est pas une race, mais une appartenance à la oumma internationale dont les objectifs hégémoniques sont évidents. Pour dénoncer les postures actuelles dans l’Eglise, Alain Besançon se réfère à l’expérience du passé. Il évoque trois grandes figures qui ont résisté lucidement à cette provocation insidieuse de l’islam : un saint (St Jean Damascène), un empereur (Manuel II Paléologue) et un cardinal (Nicolas de Cues). Par rapport au courage de ces témoins du passé, il conteste l’acceptation un peu ramollie de l’Eglise actuelle par rapport aux exigences des musulmans. Il voit l’étalage d’un malentendu profond entre islam et christianisme. « Si les musulmans ne reconnaissent pas le coran dans la Bible, les chrétiens ne peuvent reconnaître la Bible dans le coran ! » Alain Besançon analyse quelques mantras périlleux habituellement diffusés par les médias et par les ecclésiastiques : le recours à la « foi abrahamique » pour tenter d’assembler ce qui est dissemblable et même antinomique. L’Abraham du coran (Ibrahim) est musulman, il part avec Ismaël bâtir la Kaaba à la Mecque, et c’est Ismaël et non Isaac qui est au centre de l’épisode du sacrifice… Citant Lumen Gentium, Alain Besançon mentionne la prudence de ce document conciliaire : « Les musulmans qui professent avoir la foi d’Abraham » mais dans Nostra Aetate, le texte instaure l’ambiguïté qui autorise certains à faire croire que c’est « le même Dieu », ce qui n’est pas le cas.
Alain Besançon s’attarde sur l’influence de Massignon, qui malgré son érudition, a réussi à brouiller les cartes de la relation islam –christianisme. Bien qu’il ait été très en vogue au 20ème s. l’auteur rappelle tout de même la réaction de Paul Claudel qui jugeait sévèrement ses thèses islamo-chrétiennes comme étant « un prodigieux amas de foutaises ». Il est vrai que Massignon s’est fait « circoncire à la musulmane » pour être plus proche de l’islam, mais il a aussi épousé de façon militante ses positions antisémites et antisionistes. Massignon va jusqu’à prétendre que Abraham a eu 2 descendances : Isaac qui a conduit à Jésus, et Ismaël qui a conduit à Mahomet. Ces prétentions peu sérieuses ont influencé l’enthousiasme naïf d’hommes d’Eglise après le Concile et pénétré les milieux chrétiens. Pensons parmi d’autres aux Pères Borrmans et Geffré, aux thèses mettant en parallèle la mission de Jésus et celle de Mahomet. D’autres penseurs désirant que les chrétiens reconnaissent à Mahomet le titre de « prophète » au sens biblique.
Ainsi, « l’incitation à accueillir l’Autre » dans une Europe qui s’islamise mérite, selon Alain Besançon, une réflexion appropriée, tenant compte des faits historiques et des implications coraniques. De même que la recommandation de « faire bon accueil à l’étranger » doit passer par un discernement indispensable dans la situation actuelle.
La pensée d’Alain Besançon a influencé divers intellectuels de notre temps, dont Rémi Brague. Par sa perception documentée et argumentée théologiquement, il a ouvert le débat pour ceux de nos contemporains qui se posent les questions controversées autour de l’immigration.
Mais surtout il a averti l’opinion chrétienne sur les dangers d’une proximité fictive à l’islam en période d’effacement du christianisme. Dans l’étape actuelle de post-modernité occidentale et de perte des repères spirituels fiables, le tout étant amplifié par les options du pape François, Alain Besançon laisse clairement apparaître le risque de confusion et de dilution de la foi vers une religion humanitaire aspirant à un ordre mondial.
Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Abbé Alain René Arbez, prêtre catholique, commission judéo-catholique de la conférence des évêques suisses et de la fédération suisse des communautés israélites, pour Dreuz.info.
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Après cette excellente mise au point il ne nous sera pas possible de dire :”je ne savais pas” en ce qui concerne les liens exacts entre l’Eglise chrétienne (passée et actuelle) et l’islamisme (passé et actuel).
Ouf! on y voit clair. Remerciements à Monsieur l’Abbé ARBEZ.
précisons que les textes officiels de Vatican II n’ont jamais promu une relation “avec l’islam”, mais avec les musulmans, ce qui devrait faire réfléchir certains acteurs de confusion au nom de l’interreligieux.
Alain Besançon (catholique) faisait partie des intellectuels lucides sur le sujet. J’ajouterais le témoignage de Jacques Ellul (protestant).
“…le tout étant amplifié par les options du pape François…”
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Le Pape Benoît est mort le 31/12/2022, les Catholiques attendent l’élection de son successeur !