
On se souvient du fameux débat au sein de l’Union européenne : faut-il ou non signaler dans la Constitution de l’Europe les fondements spirituels de la civilisation occidentale ?
Sous la pression de certains courants, surtout hollandais et français, les politiciens de l’Union ont décidé de passer sous silence cette réalité historique au nom du politiquement correct qui sévit en ce début de troisième millénaire. Pourtant, ce sont bel et bien la révélation biblique et l’histoire des Eglises chrétiennes qui ont constitué la matrice de la modernité démocratique et des valeurs de civilisation qui guident aujourd’hui le monde occidental.
Il suffit de constater ce qui différencie les grandes civilisations pour mettre en relief cette originalité et on ne peut que s’interroger sur cette amnésie européenne qui confine à l’acharnement autodestructeur : et cela, pendant que la société chinoise, propulsée par un essor technologique fulgurant, renoue avec son confucianisme ancestral. Que la société indienne recentre avec vigueur ses références d’avenir sur l’hindouisme et le bouddhisme qui l’ont façonnée. Que les pays arabes et même asiatiques où domine l’islam font de plus en plus résonner de véhémentes revendications au nom de la tradition coranique.
Ainsi, l’humanisme occidental et sa philosophie des droits de l’homme sont les seuls à se détourner de leur source ! Malgré une propagande se prévalant abusivement des « Lumières », il n’y a objectivement aucun antagonisme entre héritage judéo-chrétien et défense des droits humains, ni entre spiritualité et expression laïque des valeurs.
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Petit rappel historique :
La notion moderne de droits de l’homme, élaborée par étapes, s’est imposée dès la fin du 18ème siècle dans des pays de tradition judéo-chrétienne. En 1776, la Virginie, en Amérique du Nord, promulgue une Déclaration, qui sera signée peu après par d’autres états voisins. La Déclaration la plus célèbre, version française, ne sera proclamée qu’en 1789, lors de la Révolution. C’est en principe à ces textes que l’on se réfère lorsqu’on parle de droits de l’homme, sans oublier la Déclaration universelle, reformulée par les Nations Unies en 1948. Lors de leur promulgation, ces trois versions, d’inspiration identique, sont toutefois situées idéologiquement : en Amérique, on s’émancipe d’un statut colonial. En France, on rejette l’ancien régime.
Quant à l’ONU, la déclaration de 1948 fait référence aux deux guerres mondiales et au nazisme. Mais à mi-vingtième siècle, il était encore trop tôt pour stigmatiser le communisme. En 1981, les musulmans publient leur Déclaration des droits de l’homme islamique. Le Conseil islamique d’Europe, ayant son siège à Londres, exprime par-là son décalage avec la Déclaration universelle, non reconnue par l’islam parce qu’elle ne correspond pas à ses visées spécifiques inspirées de la charria. Dernière tentative de réajustement en 1990 : la déclaration du Caire, dont on n’arrive jamais à savoir si elle est cosmétique ou réellement adoptée par les pays musulmans. Le problème est philosophique : contrairement à la Tradition biblique avec son Dieu du libre arbitre, la tradition coranique considère les humains comme prédestinés par Allah, et la notion biblique d’une contribution active à l’histoire en est absente. Le mektoub s’impose aux croyants et éliminera les infidèles.
Sans faire de concordisme naïf, revenons aux sources originelles de la Déclaration, issue de pays où le judéo-christianisme a ensemencé la liberté de pensée et la promotion de valeurs humaines.
Le Dieu libérateur de la Bible :
Le Dieu de l’Alliance est un Dieu qui – contrairement aux divinités mythologiques antiques – est bienveillant envers l’homme et sa destinée. Le livre de l’Exode nous dévoile le visage du Dieu des opprimés et des souffrants : initié à cette alliance indéfectible depuis Abraham, Israël en fait l’expérience salvatrice lors de la sortie d’Egypte. Le Décalogue reçu par Moïse sur le Sinaï est un code autant social que religieux, basé essentiellement sur le respect de l’autre et la prise en compte des plus faibles. Il est plus perfectionné que le code d’Hamourabi des anciens Mésopotamiens.
Cette expérience pascale, libératrice, d’Israël est une entrée dans une géographie, la Terre promise, mais aussi dans une histoire, et donc une espérance. « Voici que je mets devant toi le bonheur et le malheur, la vie et la mort…Choisis donc la vie pour que tu vives ! » (Deutéronome). Ce long apprentissage qui consiste à se libérer des servitudes de toutes sortes ne va pas quitter Israël, dont l’alliance avec Dieu en est l’inspiration permanente. Même la prière des psaumes relie la fidélité au Dieu de l’alliance avec les comportements éthiques quotidiens les plus concrets.
Le respect dû à toute personne se fonde sur le fait que l’être humain est créé à l’image de Dieu, et les prophètes d’Israël protestent énergiquement lorsque d’une manière ou de l’autre cette dignité originelle est bafouée. Dès lors, impossible de respecter Dieu si l’on ne respecte pas l’homme, reflet de son image. « Dieu rend justice aux opprimés, donne aux affamés du pain, protège l’étranger, soutient la veuve et l’orphelin » (Psaume 146).
Jésus n’abolit rien, il poursuit dans la même ligne :
Dans le Sermon sur la Montagne, Jésus reprend les dix commandements comme voie privilégiée des Béatitudes qui en sont la prolongation résistante. C’est bien pourquoi l’évangéliste Matthieu le présente comme un nouveau Moïse qui actualise le salut du peuple et récapitule l’alliance dans le don de sa personne. Son « jugement dernier », (Mt 25/31-48), montre combien, par son enseignement, Jésus a voulu identifier aux justes dont les droits fondamentaux ne sont pas respectés : les affamés, ceux qui sont démunis, les prisonniers, les persécutés… « Tout ce que vous faites au plus petit d’entre les miens, c’est à moi que vous le faites ! » « Les miens » ne s’applique évidemment qu’à ceux et celles qui partagent les mêmes valeurs de vie que le rabbi nazaréen.
Devant le spectacle de Jésus humilié, torturé, devant ce « serviteur souffrant » de la vérité en qui – comme d’innombrables victimes de la violence – l’image de Dieu est bafouée, Pilate s’exclame : « Voici l’Homme ! ». Lorsque les disciples de l’Innocent mis à mort puis ressuscité luttent pour la dignité de la personne, ils contribuent à faire advenir ce monde plus humain d’où émergera le royaume de Dieu. Jésus a inauguré des temps messianiques où tous vont avoir « la vie en abondance ». Selon cette perspective, et dans le sillage de ce message libérateur greffé sur l’héritage spirituel d’Israël, Jésus a restauré l’image de Dieu en l’homme, il a ouvert une ère nouvelle et des chemins d’humanité.
Comme le dit l’apôtre Paul, les clivages réducteurs de la société de l’époque vont disparaître : « Il n’y a plus d’un côté le Juif et de l’autre le Grec, d’un côté l’esclave et de l’autre l’homme libre, il n’y a plus d’un côté l’homme et de l’autre la femme ; car tous sont UN dans le Christ (Gal 3/28). Aux côtés d’Israël, l’Eglise poursuit la mission de faciliter, de concrétiser l’émergence de cette Terre nouvelle esquissée par les Ecrits de la Bible, prenant en compte les deux dimensions de la diversité et de l’unité, du particulier et de l’universel.
C’est effectivement une tâche actuelle que de défendre simultanément à la suite de Jésus la cause de Dieu et la cause de l’Homme, ce qui implique, évidemment des droits mais aussi des devoirs. Le christianisme, qui distingue entre Dieu et César, recelait en lui le processus de la laïcité véritable, ce qui fait que – comme Monsieur Jourdain faisant de la prose sans le savoir – les militants des droits de l’homme, tout comme nos contemporains des démocraties occidentales, pratiquent quotidiennement des valeurs judéo-chrétiennes et bibliques sans s’en rendre compte.
Mais jusqu’à quand cela sera-t-il possible ?
Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Abbé Alain René Arbez, prêtre catholique, commission judéo-catholique de la conférence des évêques suisses et de la fédération suisse des communautés israélites, pour Dreuz.info.
Nous ne pouvons qu’approuver la conclusion ” Comme Monsieur Jourdain… ” tout à fait exacte.
Quant à la question de savoir ‘jusqu’à quand cela sera possible” , il importe aux croyants de s’associer à la PRIERE UNIVERSELLE (de la présente semaine) pour demander au Tout Puissant d’éclairer les orientations de nos décideurs politiques…
Bonne semaine à tous.
Bonjour Père Arbez,
Ce que vous écrivez est confirmé en Amérique du Nord où les droits et libertés sont liés à l’autorité de Dieu.
Vous le savez peut-être déjà mais l’influence judéo-chrétienne se manifeste dans la Constitution canadienne et l’hymne national canadien en français comme en anglais qui font référence à Dieu:
1- Préambule de la Constitution Canadienne :
«… la nation canadienne repose sur des principes qui reconnaissent la suprématie de Dieu, la dignité et la valeur de la personne humaine ainsi que le rôle de la famille dans une société d’hommes libres et d’institutions libres».
Le préambule de la Charte canadienne des droits et libertés est la phrase d’introduction (préambule) de la Charte des droits et de la Loi constitutionnelle de 1982, qui font partie de la Constitution du Canada.
Il se lit comme suit :
« Attendu que le Canada est fondé sur des principes qui reconnaissent la suprématie de Dieu et la primauté du droit … »
2. L’hymne national canadien en anglais dit:
«God keep our land, glorious and free…»
En français:
«Ton bras sait porter l’épée, il sait porter la Croix…. »
« Et ta valeur, de foi trempée, protégera nos foyers et nos droits …»
et au deuxième couplet:
« Sous l’œil de Dieu, près du fleuve géant,
Le Canadien grandit en espérant.
Il est né d’une race fière,
Béni fut son berceau.
Le ciel a marqué sa carrière
Dans ce monde nouveau. »
Aux États-Unis l’autorité de Dieu et les libertés sont liées dans le serment d’allégeance:
Le serment d’allégeance au drapeau (Pledge of Allegiance) est un serment approuvé par une loi du Congrès datée du 18 juin 1942 :
« Je jure allégeance au drapeau des États-Unis d’Amérique et à la République qu’il représente, une nation unie sous l’autorité de Dieu, indivisible, avec la liberté et la justice pour tous »
…jusqu’à ce que nous soyons tous parvenus à l’unité de la foi et de la connaissance du Fils de Dieu, à l’état d’homme fait, à la mesure de la stature parfaite de Christ. (Ephésiens. 4.13)
Sur un point de détail pour votre article, sans doute, mais essentiel pour la compréhension et la portée du christianisme, qui justement n’exclut personne et laisse le libre choix comme vous le rappelez par ailleurs :
N’y a-t-il pas quelque chose d’inexact dans le commentaire sur le célèbre « Tout ce que vous faites au plus petit d’entre les miens, c’est à moi que vous le faites ! »?
Lorsque vous écrivez « Les miens » ne s’applique évidemment qu’à ceux et celles qui partagent les mêmes valeurs de vie que le rabbi nazaréen », n’y a-t-il pas contradiction avec ce precise -notamment- Paul (que vous citez fort justement !):
« Il n’y a plus d’un côté le Juif et de l’autre le Grec, d’un côté l’esclave et de l’autre l’homme libre, il n’y a plus d’un côté l’homme et de l’autre la femme ; car tous sont UN dans le Christ (Gal 3/28) »
Christ et le Père ne nous considèrent ils pas TOUS comme leurs enfants, el laissant le choix à chacun d’accepter «le joug léger », mais nous exhortant à aimer chacun de ses semblables (y compris « son ennemi »…), pas seulement ceux de sa communauté chrétienne ?
Vous avez raison de poser cette question. Il y a parfois des passages qui semblent se contredire, mais ce n’est pas le cas. L’évangéliste prend en compte les gens simples qui adhèrent à l’enseignement de Jésus à leurs risques et périls, en période de traque, surtout à Rome. Il veut dire que toute personne qui vient en aide à ces persécutés même d’une manière modeste aide directement la personne de Jésus.
Cela n’établit pas un clivage discriminant pour autant. Tout individu qui aime ce que fait Jésus, même sans le connaître, aime Jésus indirectement. C’est vrai encore aujourd’hui : le corps mystique du Christ est plus large que les structures visibles de l’Eglise. Ceux et celles qui produisent des actes de qualité envers les autres rejoignent les valeurs du christianisme.