Isabelle de Gaulmyn signe un article du 20 juillet, et se demande si La Croix a eu raison de demander pardon aux juifs.

Elle rappelle que le 12 janvier 1998, Michel Kubler, « le rédacteur en chef assomptionniste prend sa plus belle plume » et « demande pardon ». En une du journal, « son titre claque » par un : « Nos frères aînés ». Les juifs, dit de Gaulmyn au nom de La Croix, “il [nous] a fallu tant de temps pour comprendre qu’ils étaient nos frères aînés. Vingt siècles, en vérité”… ajoutant que “pour Michel Kubler, formé par Vatican II, demander pardon était une évidence. »

Pourtant, poursuit la journaliste, « voilà longtemps que La Croix n’était plus antisémite et, au contraire, à travers ses éditorialistes, du père Wenger à Jacques Duquesne ou Pierre Pierrard, militait depuis les années 1950 en faveur du dialogue judéo-chrétien. »

Je suis juif. Qu’on me dise pardon m’emplit de satisfaction, comme n’importe qui de normalement constitué. Mais en tant que juif, cela prend une dimension différente. Je suis fils d’enfants cachés. Ma mère a été cachée par un prêtre, qui l’a confiée à des bonnes sœurs, qui lui ont appris à réciter des prières catholiques, car c’est en interrogeant les petites filles, que les Boches distinguaient les catholiques des juives. Et le jeudi, quand mes copains revenaient du catéchisme, ils me racontaient ce qu’on leur apprenait : les juifs ont tué Jésus (cet enseignement a disparu après 1965 après la promulgation de la déclaration « Nostra Aetate » par le Concile Vatican II – mais c’est entré dans mes oreilles d’enfant).

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Donc les juifs sont vos frères aînés. Donc cela vous a pris vingt siècles. Donc « la repentance de La Croix par Michel Kubler … vous engage, profondément, comme journalistes de La Croix et comme catholiques ».

“Et maintenant ? » demande de Gaulmyn, “tout est-il terminé dans l’histoire entre les juifs et La Croix ? »

Oh que non ! Tout n’est pas terminé, et il vous reste un bout de chemin à parcourir. Il s’appelle Israël, l’Etat juif.

Les auteurs antisémites existent encore à La Croix, ils sont juste devenus antisionistes parce qu’on ne peut plus être antisémite (c’est la seule explication à leurs calomnies perpétuelles), et parce qu’ils ont besoin de dire du mal des juifs. Alors ils répandent dans La Croix des condamnations systématiques d’Israël et adoptent le récit hostile, douteux et frelaté des ennemis des juifs. Je me répète : ils ont besoin de dire du mal des juifs. Leur bouée, c’est Israël.

• La croix reconnaît que le Juif n’a pas tué Jésus, mais elle dit qu’il tue des enfants palestiniens.
• Elle ne perpétue pas le cliché que le juif s’est enrichi sur le dos des habitants qui lui ont ouvert les bras, mais elle dit qu’il s’enrichit sur celui des Palestiniens.
• Il ne vole pas la terre des Français, mais La Croix dit qu’il vole celle des Bédouins du Negev et des Arabes de Cisjordanie.
• La Croix ne laissera pas dire que le juif dirige le monde en sous-main, mais on peut y lire qu’il décide du sort des pauvres habitants de Gaza.
• Jamais vous ne lirez dans La Croix que les Juifs boivent le sang d’enfants non juifs dans le cadre de rituels dictés par la bible, mais qu’ils sucent celui de tout un peuple en justifiant la légitimité géographique sur les écrits de la bible.

Tout n’est pas terminé non

La Croix, il vous reste du chemin à parcourir, disais-je. Il vous reste à réaliser que l’Etat juif existe ; qu’il est sous la menace constante de destruction ; que ses habitants font quotidiennement l’objet d’attaques terroristes.

La Croix, il est temps d’une nouvelle repentance. Il est temps de demander pardon à l’Etat juif.

Il y a 25 ans, votre rédacteur en chef titrait les juifs « nos frères aînés ».

Il est temps de faire confiance à vos frères aînés, les Israéliens.

Il est temps de renoncer à croire le récit des ennemis de vos frères aînés.

Il est temps d’écouter et faire confiance à celui de vos frères aînés, concernant les événements qui se passent en Israël et en Judée Samarie.

• Les terroristes ne sont pas des « groupes armés »
• La Cisjordanie n’existe pas, elle a existé pendant 19 ans de 1948 jusqu’en 1967. Son nom c’est Judée – d’où les juifs tirent leur nom – et Samarie.
• La « Cisjordanie » n’est pas un territoire palestinien, mais un territoire disputé.
• Les juifs ne sont pas des colons, ils « n’occupent pas », ils « habitent » la « Cisjordanie » : les Arabes et les Juifs sont les habitants de la région.
• N’écrivez pas « Eradiquer le terrorisme » entre guillemets. Le terrorisme n’a pas de guillemets, il n’est pas relatif, ce n’est pas selon les mots employés par Israël.
• Les juifs construisent des habitations, des villes, des infrastructures en Judée Samarie conformément aux accords d’Oslo.

Je m’arrête, vous avez compris…

Vous avez dit pardon, et c’est formidable. Il faut un courage infini pour dire pardon. Rien n’est plus difficile.

Mes oreilles n’entendront plus que les juifs ont tué Jésus. Mais mes yeux lisent que les juifs ont tué des innocents palestiniens. L’un et l’autre sont des mensonges.

Ne calomniez plus l’Etat Juif, l’Etat des Juifs, le seul Etat de vos frères aînés. Vos frères aînés ne le méritent pas. Ils mieux que ça de votre part.

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Jean-Patrick Grumberg pour Dreuz.info.