Publié par Abbé Alain René Arbez le 26 août 2023

Les cardinaux Müller, Burke et Sara se font lanceurs d’alerte face aux orientations données à l’Eglise par le Pape François. Parallèlement, sans aller jusqu’aux outrances de Mgr Vigano, les positions critiques mais loyalistes de Mgr Schneider invitent à des remises en question objectives du cours actuel des choses. 

Par sa mission à la suite de Pierre, le pape François est porteur du contenu de la foi pour l’ensemble de l’Eglise, en collégialité avec les évêques du monde entier. Lorsqu’il rappelle les fondamentaux du christianisme, il soutient infailliblement les convictions de foi qui depuis les temps apostoliques se sont transmises au cours des siècles, y compris dans les plus sombres périodes. Cette base intangible doit être discernée du domaine plus aléatoire des opinions personnelles et des penchants culturels qui sont ceux de François. Il est bon de rappeler que l’Eglise n’est pas une ONG humanitaire, mais le corps mystique du Christ.

Avec le synode en cours souhaitant donner la parole à toutes les sensibilités, voici que des revendications fortement connectées aux idéologies actuelles monopolisent l’attention dans l’Eglise, non sans virulence. Des chroniqueurs, des théologiens en vue popularisent des options dissidentes afin de les légitimer au premier plan. Les minorités activistes veulent imposer leurs vues à une majorité de croyants plutôt réservée, mais cette stratégie de tonalité révolutionnaire pourrait être une bombe à retardement porteuse d’éclatements schismatiques. 

Les contestations dites « progressistes » s’affichent en Allemagne, en France, en Belgique, dans le but de promouvoir des causes prétendues incontournables : les femmes-prêtres, les prêtres mariés, le mariage homosexuel, les liturgies inventives, l’euthanasie, argumentant l’idée que l’Eglise a l’obligation de « s’adapter » à notre époque et doit accueillir tout le monde sans réserves…

En dévoyant les perspectives de Vatican II, c’est clairement ce qu’on peut appeler une mondanisation de l’Eglise, et pour plaire aux factions revendicatives, on n’hésite pas à imposer la rupture dans la continuité. Alors que Jésus a dit : « vous êtes le sel de la terre ! », cette mise en responsabilité à partir de la tradition biblique devient maintenant : « Vous êtes le self de la terre ! ». L’Eglise, rétrogradée auberge espagnole, accueille tout et bénit tout, par conséquent offrir encore des exigences éthiques et se préoccuper de la conversion pour le salut des âmes devient dépassé et même déplacé.

Prenons l’exemple de l’évangile de ce dimanche 20 août : un passage célèbre, où Jésus est confronté à une femme païenne qui lui demande de guérir sa fille malade et tourmentée. Jésus répond alors qu’il n’est envoyé qu’aux « brebis perdues de la maison d’Israël » et que « le pain n’est pas pour les petits chiens ». La femme insiste, confiante que Jésus donnera à sa fille la force spirituelle de se reconstruire, c’est pourquoi elle rétorque que les petits chiens se contentent volontiers des miettes qui tombent de la table de leurs maîtres. Jésus touché par la grande foi de cette femme déterminée lui donne de quoi réaliser la guérison tant attendue.

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Or des commentaires insidieux se font jour à partir de cet épisode significatif. Ainsi, le directeur de la Civilta cattolica en déduit, selon ses termes, que Jésus a été indifférent à l’appel de cette femme non juive, qu’il a été irrespectueux parce qu’ aveuglé par le rigorisme de sa tradition religieuse : mais la femme a réussi à intéresser Jésus à son appel de détresse et a fracturé l’insensibilité fautive du maître. L’auteur de l’article va jusqu’à dire que les paroles de la femme ont « converti Jésus », et qu’il est finalement apparu « libéré de la rigidité des éléments théologiques politiques et culturels de son peuple ». Quelle manipulation du texte évangélique ! avec un détournement de sens du contexte, trahissant cet impérieux besoin de faire valoir l’idéologie, en renonçant aux réalités bibliques pour être dans l’air du temps. 

Car le Jésus historique était un vrai fils d’Israël, il a été loyal en rappelant sa mission prioritaire au sein de son peuple, mais cela ne l’a pas empêché d’être réceptif à la personne qui le sollicitait. C’est de la même manière qu’en discutant au puits de Jacob avec la Samaritaine, membre d’une communauté séparée, Jésus n’a montré aucune démagogie consistant à lui laisser croire que le culte du Mont Garizim serait valide, il lui a affirmé avec force : « le salut vient des Juifs ! » 

Aujourd’hui, au nom de l’ouverture aux mentalités actuelles, beaucoup aimeraient au contraire que l’épisode de la transfiguration du Christ nous montre un Jésus lumineux non pas entouré de Moïse et d’Elie, (la loi et les prophètes), mais de Bouddha, Mahomet, Freud et Marx…

Or, face à ce passage d’évangile où la femme cananéenne interpelle Jésus, St Augustin fait le commentaire suivant : « Le Christ s’est montré indifférent à son égard, non pour lui refuser sa compassion, mais pour enflammer son désir ! »

L’angle d’approche militant montrant Jésus qui doit abandonner ses prérogatives et se convertir à la demande de la femme païenne est en fait une contrefaçon théologique. C’est une manière malhonnête de défendre l’idée que pastoralement, il faut abandonner les critères traditionnels de la foi pour se laisser convertir par le monde. Au nom de la miséricorde, tout doit être possible ! 

Autre commentaire captieux du même tonneau, cette fois dans le Missel des dimanches, édition Bayard, 20ème dimanche, où le commentaire de cet évangile commence fort : « quelle tristesse de fermer sa porte à l’étranger ! », suivi de la dénonciation de ceux qui « dressent des murs et des frontières »…Et un peu plus loin, ce sont « les pharisiens et leur interprétation tordue de la loi » qui sont dénoncés…Curieux discours au moment où les évêques de France publient un livre intitulé « pour déconstruire l’antijudaïsme ».

Ce que la Civilta cattolica et le missel des dimanches oublient de relever, c’est que la femme païenne s’adresse à Jésus en lui disant « aie pitié, Fils de David ! » Il s’agit donc de sa part d’une reconnaissance manifeste de la mission messianique de Jésus, signe de son adhésion à l’attente des temps nouveaux qui la met ainsi à distance des croyances païennes de Tyr et de Sidon, son origine. Dans le texte d’Isaïe lu le même dimanche avant l’évangile, il est précisément écrit : « les étrangers qui se sont attachés au Seigneur pour l’honorer, pour aimer son nom, pour le servir, ceux qui observent le shabbat sans le profaner et tiennent fermement à mon alliance, je les conduirai à ma montagne sainte… » Il ne s’agit donc nullement d’une communauté de foi qui, par option universaliste, accepterait toute démarche sans conditions, comme veulent le faire croire les commentateurs sans frontiéristes et ultra oecuménistes ! 

On sait qu’il y avait au temple de Jérusalem – que Jésus fréquentait quotidiennement pour discuter et enseigner – le « parvis des gentils », ouvert aux sympathisants d’origine hellénistique, qui appréciaient les commandements bibliques et les psaumes chantés. Ce n’était pas pour autant un fourre-tout interreligieux du style « on ira tous au paradis ».

Oui, Jésus est attentif aux personnes, il dit qu’il a des brebis qui ne sont pas de la même bergerie, mais il défend toujours le bien commun et ne transige pas sur les principes de vie essentiels, n’étant pas venu pour abolir, mais accomplir et renforcer. Jésus a sans doute réformé certains aspects des pratiques, mais il n’a jamais édulcoré les piliers fondamentaux de l’alliance et les chemins de conversion indispensables.

Si certains esprits wokistes monopolisent la parole dans l’Eglise pour promouvoir une période des soldes en matière de convictions et surtout de comportements, il devient urgent de garder le cap en se rappelant qu’ouverture ne signifie jamais soumission, et que bienveillance ne peut pas devenir complaisance. Un Christ à géométrie variable n’existe pas, et le message de la foi judéo-chrétienne n’est pas mis aux enchères.

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Abbé Alain René Arbez, prêtre catholique, commission judéo-catholique de la conférence des évêques suisses et de la fédération suisse des communautés israélites, pour Dreuz.info.

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